"14 kilomètres" : le chemin de croix dun clandestin africain
La deuxième fiction du cinéaste espagnol Gerardo Olivares
mercredi 25 février 2009
Dix semaines de tournage, une équipe de cinq personnes, deux ans de préparation pour 14 kilomètres, la distance entre Tanger (Maroc) et Algésiras (Espagne), la plus courte distance entre lAfrique et lEurope. La première fiction du journaliste et réalisateur espagnol Gerardo Olivares, qui sort mercredi en France, est un véritable document sur le douloureux périple dun immigré clandestin africain
Le goût de laventure transpire dans les oeuvres de Gerardo Olivares, tout comme son intérêt pour le continent africain. Le journaliste et réalisateur espagnol sest dailleurs offert en 1994 une traversée... en camion du continent. Il voyage « pendant un an et demi de Tanger à Cape Town et de Cape Town au Caire ». Cette expédition inédite a « beaucoup nourri » la production cinématographique du cinéaste espagnol qui livre avec 14 kilomètres son deuxième long métrage. Il retrace dans ce film les aventures périlleuses de trois Nigériens qui tentent de rejoindre lEurope. Le film, inspiré de témoignages, est le produit de dix semaines de tournage réalisé par une équipe réduite de cinq personnes et auquel Gerardo Olivares a consacré deux années avant de le mettre en images
Afrik.com : Pourquoi avez-vous choisi de faire un film et pas un documentaire sur cette immigration clandestine ? Gerardo Olivares : Ma première idée a été de faire un documentaire. Mais quand je suis arrivé à Agadez, dans le nord du Niger, le périple est passé aux mains de la mafia. Cela devenait dangereux et il était impossible de continuer à filmer dans ces conditions. Mais jai continué mon voyage. Les témoignages que jai récoltés mont permis décrire le scénario. Par ailleurs, la fiction permet de transmettre plus démotion.
Afrik.com : Cest facile de collecter ses témoignages ? Gerardo Olivares : Au début, cela a été difficile de gagner la confiance des gens. Cette étape franchie, le dialogue devient plus aisé.
Afrik.com : Quand vous avez effectuez la traversée pour les besoins du film, quavez-vous ressenti ? Gerardo Olivares : Il y une scène où Violette est arrêtée dans le car, les choses se sont exactement passées comme je le retranscris dans le film. De toutes les petites histoires que je raconte, seule lhistoire damour résulte de mon imagination. Jai été très heureux de faire ce voyage et ce film. Jai fait 14 kilomètres pour ouvrir les yeux des gens sur la situation des personnes qui sont obligées de faire cette traversée, de montrer combien elle est difficile. Je savais que ce serait dur, mais je suis heureux de lavoir fait. Cest ma façon de mettre du cur dans les images que lon montre dans lactualité.
Afrik.com : Au festival de Valladolid 2007, 14 kilomètres a notamment obtenu, outre le prix du meilleur film et de la meilleure musique, celui de la meilleure photographie. Vous aviez lintention de travailler sur la lumière ou le paysage vous a obligé à y faire particumièrement attention ? Gerardo Olivares : Quand jai décidé de faire ce film et choisi lendroit où je voulais le tourner - il fallait que je sois fidèle au trajet quempruntent les clandestins-, le Ténéré en faisait partie. Le désert est comme je le montre. Mais javoue que ce nétait pas facile dy tourner, tout comme il nest pas facile de tourner en Afrique. Cest difficile de faire un "road movie" dans des Etats policiers, comme le sont le Mali et le Niger.
Afrik.com : Vous parlez de la prostitution, de la pauvreté, de luranium, des touaregs, de la jeunesse nigérienne en mal davenir 14 kilomètres évoque tout cela. Pourquoi ? Gerardo Olivares : Cela sest imposé à moi. En faisant mes recherches, tous ces sujets se sont présentés à moi. Le Niger est un pays où il est difficile de vivre, à cause notamment de la corruption. Par exemple, le conflit ouvert que connaît actuellement le Niger, celui qui oppose les touaregs et le gouvernement, est lié à luranium. Je lévoque, comme bien dautres sujets, dans le film pour donner une lidée la plus juste possible de ce pays.
Afrik.com : Ce nest pas le premier film que vous tournez au Niger. Avez-vous une affection particulière pour ce pays ? Gerardo Olivares : Cest un endroit particulier dont on tombe amoureux. Pour moi, le Niger est le cur de lAfrique, les Nomades ont cette pureté qui se fait si rare. Cest parce que jai une grande affection pour les Nomades que jaime le Niger. Le paysage est magnifique. Mais jaime aussi des pays comme le Benin ou la Gambie.
Afrik.com : Vous êtes Espagnol. Votre pays cherche aujourdhui à se "débarrasser" de ses migrants légaux et doit "accueillir" sur ses côtes des clandestins. Comment la question de limmigration en général, limmigration clandestine en particulier, est ressentie dans lopinion publique espagnole ? Gerardo Olivares : Les réactions varient selon les catégories socio-professionnelles. Pour la classe moyenne et les classes les plus basses, les migrants sont des concurrents sur le marché de lemploi. Les personnes plus instruites sont, pour leur part, plus ouvertes sur la question. La plupart des personnes pensent que le nombre croissant dimmigrants en Espagne est à lorigine de linsécurité. Mais quand il sagit de sa femme de ménage, pas question dy toucher parce quelle est fantastique. Quand on connaît un boom économique, nous ouvrons la porte aux migrants. Puis quand la crise arrive, nous la fermons et demandons à ces immigrés de rentrer chez eux. Je trouve cela profondément injuste. Les migrants ne sont pas du kleenex que lon jette après lavoir utilisé. LEurope a pris beaucoup à lAfrique, il est temps quelle le lui rende un peu. Encore une fois, nous ne sommes pas justes.
Afrik.com : Votre film est dédié aux personnes qui sengagent dans ce voyage périlleux. On sent chez vous comme une admiration pour eux... Gerardo Olivares : Cest vrai. Mes parents ont beaucoup voyagé et ils mont fait découvrir lAfrique. Je comprends parfaitement pourquoi ces gens veulent venir en Europe. Les situations quils vivent ne sont pas faciles. Si jétais à leur place, je ferai de même. Le voyage quils entreprennent est dur et quand ils arrivent enfin en Europe, là où ils pensent que tout est fini, commence alors le véritable cauchemar.
Afrik.com : Le casting est fait de non-professionnels ? Comment les avez-vous recrutés Gerardo Olivares : Jai rencontré Aminata Kanta, qui incarne Violette, et Adoum Moussa, Bouba dans le film, sur un marché et Illiassou Mahamadou Alzouma, qui interprète Mukela, avait joué dans mon précédent film La Grande finale.
Afrik.com : Cest difficile de tourner en Afrique, mais vous laisserez-vous encore tenter par un tournage en Afrique ? Gerardo Olivares : Bien sûr. Si je pouvais tourner tous mes films et documentaires en Afrique, je le ferais.
Afrik.com : Le film a-t-il été vu en Afrique ? Gerardo Olivares : Le gouvernement espagnol a acheté le film et il est projeté dans tous les pays africains où nous avons une ambassade. Cest déjà le cas au Sénégal et en Mauritanie.
source : afrik.com
La deuxième fiction du cinéaste espagnol Gerardo Olivares
mercredi 25 février 2009
Dix semaines de tournage, une équipe de cinq personnes, deux ans de préparation pour 14 kilomètres, la distance entre Tanger (Maroc) et Algésiras (Espagne), la plus courte distance entre lAfrique et lEurope. La première fiction du journaliste et réalisateur espagnol Gerardo Olivares, qui sort mercredi en France, est un véritable document sur le douloureux périple dun immigré clandestin africain
Le goût de laventure transpire dans les oeuvres de Gerardo Olivares, tout comme son intérêt pour le continent africain. Le journaliste et réalisateur espagnol sest dailleurs offert en 1994 une traversée... en camion du continent. Il voyage « pendant un an et demi de Tanger à Cape Town et de Cape Town au Caire ». Cette expédition inédite a « beaucoup nourri » la production cinématographique du cinéaste espagnol qui livre avec 14 kilomètres son deuxième long métrage. Il retrace dans ce film les aventures périlleuses de trois Nigériens qui tentent de rejoindre lEurope. Le film, inspiré de témoignages, est le produit de dix semaines de tournage réalisé par une équipe réduite de cinq personnes et auquel Gerardo Olivares a consacré deux années avant de le mettre en images
Afrik.com : Pourquoi avez-vous choisi de faire un film et pas un documentaire sur cette immigration clandestine ? Gerardo Olivares : Ma première idée a été de faire un documentaire. Mais quand je suis arrivé à Agadez, dans le nord du Niger, le périple est passé aux mains de la mafia. Cela devenait dangereux et il était impossible de continuer à filmer dans ces conditions. Mais jai continué mon voyage. Les témoignages que jai récoltés mont permis décrire le scénario. Par ailleurs, la fiction permet de transmettre plus démotion.
Afrik.com : Cest facile de collecter ses témoignages ? Gerardo Olivares : Au début, cela a été difficile de gagner la confiance des gens. Cette étape franchie, le dialogue devient plus aisé.
Afrik.com : Quand vous avez effectuez la traversée pour les besoins du film, quavez-vous ressenti ? Gerardo Olivares : Il y une scène où Violette est arrêtée dans le car, les choses se sont exactement passées comme je le retranscris dans le film. De toutes les petites histoires que je raconte, seule lhistoire damour résulte de mon imagination. Jai été très heureux de faire ce voyage et ce film. Jai fait 14 kilomètres pour ouvrir les yeux des gens sur la situation des personnes qui sont obligées de faire cette traversée, de montrer combien elle est difficile. Je savais que ce serait dur, mais je suis heureux de lavoir fait. Cest ma façon de mettre du cur dans les images que lon montre dans lactualité.
Afrik.com : Au festival de Valladolid 2007, 14 kilomètres a notamment obtenu, outre le prix du meilleur film et de la meilleure musique, celui de la meilleure photographie. Vous aviez lintention de travailler sur la lumière ou le paysage vous a obligé à y faire particumièrement attention ? Gerardo Olivares : Quand jai décidé de faire ce film et choisi lendroit où je voulais le tourner - il fallait que je sois fidèle au trajet quempruntent les clandestins-, le Ténéré en faisait partie. Le désert est comme je le montre. Mais javoue que ce nétait pas facile dy tourner, tout comme il nest pas facile de tourner en Afrique. Cest difficile de faire un "road movie" dans des Etats policiers, comme le sont le Mali et le Niger.
Afrik.com : Vous parlez de la prostitution, de la pauvreté, de luranium, des touaregs, de la jeunesse nigérienne en mal davenir 14 kilomètres évoque tout cela. Pourquoi ? Gerardo Olivares : Cela sest imposé à moi. En faisant mes recherches, tous ces sujets se sont présentés à moi. Le Niger est un pays où il est difficile de vivre, à cause notamment de la corruption. Par exemple, le conflit ouvert que connaît actuellement le Niger, celui qui oppose les touaregs et le gouvernement, est lié à luranium. Je lévoque, comme bien dautres sujets, dans le film pour donner une lidée la plus juste possible de ce pays.
Afrik.com : Ce nest pas le premier film que vous tournez au Niger. Avez-vous une affection particulière pour ce pays ? Gerardo Olivares : Cest un endroit particulier dont on tombe amoureux. Pour moi, le Niger est le cur de lAfrique, les Nomades ont cette pureté qui se fait si rare. Cest parce que jai une grande affection pour les Nomades que jaime le Niger. Le paysage est magnifique. Mais jaime aussi des pays comme le Benin ou la Gambie.
Afrik.com : Vous êtes Espagnol. Votre pays cherche aujourdhui à se "débarrasser" de ses migrants légaux et doit "accueillir" sur ses côtes des clandestins. Comment la question de limmigration en général, limmigration clandestine en particulier, est ressentie dans lopinion publique espagnole ? Gerardo Olivares : Les réactions varient selon les catégories socio-professionnelles. Pour la classe moyenne et les classes les plus basses, les migrants sont des concurrents sur le marché de lemploi. Les personnes plus instruites sont, pour leur part, plus ouvertes sur la question. La plupart des personnes pensent que le nombre croissant dimmigrants en Espagne est à lorigine de linsécurité. Mais quand il sagit de sa femme de ménage, pas question dy toucher parce quelle est fantastique. Quand on connaît un boom économique, nous ouvrons la porte aux migrants. Puis quand la crise arrive, nous la fermons et demandons à ces immigrés de rentrer chez eux. Je trouve cela profondément injuste. Les migrants ne sont pas du kleenex que lon jette après lavoir utilisé. LEurope a pris beaucoup à lAfrique, il est temps quelle le lui rende un peu. Encore une fois, nous ne sommes pas justes.
Afrik.com : Votre film est dédié aux personnes qui sengagent dans ce voyage périlleux. On sent chez vous comme une admiration pour eux... Gerardo Olivares : Cest vrai. Mes parents ont beaucoup voyagé et ils mont fait découvrir lAfrique. Je comprends parfaitement pourquoi ces gens veulent venir en Europe. Les situations quils vivent ne sont pas faciles. Si jétais à leur place, je ferai de même. Le voyage quils entreprennent est dur et quand ils arrivent enfin en Europe, là où ils pensent que tout est fini, commence alors le véritable cauchemar.
Afrik.com : Le casting est fait de non-professionnels ? Comment les avez-vous recrutés Gerardo Olivares : Jai rencontré Aminata Kanta, qui incarne Violette, et Adoum Moussa, Bouba dans le film, sur un marché et Illiassou Mahamadou Alzouma, qui interprète Mukela, avait joué dans mon précédent film La Grande finale.
Afrik.com : Cest difficile de tourner en Afrique, mais vous laisserez-vous encore tenter par un tournage en Afrique ? Gerardo Olivares : Bien sûr. Si je pouvais tourner tous mes films et documentaires en Afrique, je le ferais.
Afrik.com : Le film a-t-il été vu en Afrique ? Gerardo Olivares : Le gouvernement espagnol a acheté le film et il est projeté dans tous les pays africains où nous avons une ambassade. Cest déjà le cas au Sénégal et en Mauritanie.
source : afrik.com