Avec la prolongation de l'état d'urgence, le gouvernement s'autorité à prendre "toute mesure" pour bloquer les sites web appelant au djihad ou faisant l'apologie du terrorisme
"Le gouvernement français a décidé de faire application de la loi relative à l'état d'urgence [...] nécessaire pour empêcher la perpétration de nouveaux attentats terroristes. Certaines mesures sont susceptibles d'impliquer une dérogation aux obligations résultant de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales." Le gouvernement a ainsi notifié au Conseil de l'Europe que l'état d'urgence va déroger aux Droits de l'homme.
Via cette procédure légale, le gouvernement peut désormais passer outre certains droits fondamentaux garantis par la Cour européen des droits de l'Homme (CEDH), notamment la liberté d'expression. Et la première expression de cette limitation sera le blocage des sites web faisant l'apologie du terrorisme.
Combien de sites concernés ?
Depuis la loi contre le terrorisme de novembre 2014, un blocage administratif des sites internet incitant à des actes de terrorisme ou en faisant l'apologie est autorisé. Il est entré en œuvre en février, après l'attaque contre "Charlie Hebdo".
Concrètement, l'Office central de lutte contre la cybercriminalité (OCLCTIC), qui dépend de la Direction centrale de la Police judiciaire rattachée au ministère de l'Intérieur, dresse une liste des sites web litigieux. Celle-ci est directement adressée aux fournisseurs d'accès à internet, qui doivent s'exécuter sous 24 heures. L'Office peut également demander aux moteurs de recherche et aux annuaires de cesser le référencement de ces sites.
Du côté de l'internaute, les sites litigieux se voient remplacés par une page d'information du ministère de l'Intérieur qui servira de rappel à la loi.
Quelques garde-fous ont été prévus : l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) qui valide la liste noire, et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) qui dispose d'un droit de contrôle sur le bon déroulement des opérations. En revanche, à aucun moment un représentant de l'autorité judiciaire n'est consulté.
Depuis la publication du décret d'application, "87 sites internet provoquant au terrorisme ont fait l'objet d'un blocage administratif", a précisé le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, deux jours après les attentats de Paris et Saint-Denis. Interrogé dans l'émission Des paroles et des actes, le député socialiste Jean-Jacques Urvoas a lui évoqué "89 sites bloqués", avant de souligner :
Mais 89, c'est une goutte d'eau !"Combien de blocages effectifs ?
Avec les récents attentats, faut-il anticiper une recrudescence des blocages des sites ? Certainement.
La liste dressée par l'OCLCTIC se base notamment sur la plateforme Pharos, qui permet à n'importe quel internaute de signaler un site contentieux. Contacté par "l'Obs", l'Office ne souhaite pas communiquer de chiffres après les attentats, mais une hausse des signalements est à prévoir.
La commissaire en charge de l'OCLCTIC, Valérie Maldonado, avait souligné à Rue89 qu'après les attentats de janvier "les internautes se sont fortement mobilisés pour signaler des contenus. En moyenne, on a 130.000 signalements par an, c'est-à-dire environ 400 par jour. Entre le 7 et le 30 janvier 2015, nous avons enregistré 38.000 signalements, avec un pic à plus de 6.000 signalements sur la seule journée du 10 janvier..."
Et qui dit hausse des signalements, dit hausse des blocages de sites.
Pour l'heure, seul le site complotiste américain WeAreChange a affirmé avoir "été bloqué" en France. Plusieurs internautes ont publié des captures d'écran du site inaccessible. Pourtant, ce jeudi 26 novembre, le site était bien accessible, a constaté "L'Obs". Dans une vidéo, le créateur du site explique cette "censure" par un article affirmant que "les autorités françaises étaient bel et bien au courant des attaques à venir". Avant d'enfoncer le clou :
La loi adoptée, permettant au ministre de l'Intérieur de censurer n'importe quel site internet, constitue un coup bas porté à la liberté d'expression en France."Qui contrôle quoi ?
La loi sur le blocage des sites a toutefois bien été modifiée. Ou du moins, adaptée. Dans le texte décrétant l'état d'urgence adopté par le Parlement, l'article 11 évoque une procédure de blocage des sites simplifiée :
Le ministre de l'Intérieur peut prendre toute mesure pour assurer l'interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie."
En somme, le gouvernement souhaite couper de manière beaucoup plus directe l'accès à un site internet. Interrogé sur ce point, la Cnil et l'OCLCTIC ne souhaitent pas faire de commentaire. Une source bien renseignée évoque simplement une "phase d'adaptation" au sein de l'OCLCTIC, sans donner plus de détails.
Pour nos confrères de Rue89, pas de doute : "la coupure internet est remise directement entre les mains du ministre de l'Intérieur."
Quelles armes pour bloquer ?
Difficile pour autant de comprendre ce que désignent les termes "toute mesure" du texte. Le député Jean-Jacques Urvoas a évoqué du bout des lèvres une possibilité : une arme secrète de la DGSE.
La Direction générale de la sécurité extérieure [en charge du renseignement extérieur, NDLR] a une capacité d'entrave sur ce type de sites [terroristes]", a-t-il déclaré sur le plateau de France-2. "Il s'agit d'une capacité technique qui est une arme, et comme toutes les armes elle est classifiée."
Sur son site, la DGSE revendique "une capacité d'entrave", soit "la formule politiquement correcte pour désigner les opérations clandestines", selon "Marianne".
Impossible d'en apprendre plus sur cette "arme". S'agit-il d'une cyber-arme qui, par une procédure informatique de piratage, permettrait de mettre H.S. un site web, même s'il est hébergé à l'étranger ? S'agit-il de pirater le serveur où est hébergé le site internet en question, même à l'international ? "Vous me permettrez de ne pas en dire plus", coupe Jean-Jacques Urvoas lors de "Des Paroles et des Actes".
"On peut couper internet de bien des manières, notamment en demandant à EDF de couper l'électricité d'une personne qui hébergerait chez elle son site", souffle également "un connaisseur du sujet" à Rue89.
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"Le gouvernement français a décidé de faire application de la loi relative à l'état d'urgence [...] nécessaire pour empêcher la perpétration de nouveaux attentats terroristes. Certaines mesures sont susceptibles d'impliquer une dérogation aux obligations résultant de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales." Le gouvernement a ainsi notifié au Conseil de l'Europe que l'état d'urgence va déroger aux Droits de l'homme.
Via cette procédure légale, le gouvernement peut désormais passer outre certains droits fondamentaux garantis par la Cour européen des droits de l'Homme (CEDH), notamment la liberté d'expression. Et la première expression de cette limitation sera le blocage des sites web faisant l'apologie du terrorisme.
Combien de sites concernés ?
Depuis la loi contre le terrorisme de novembre 2014, un blocage administratif des sites internet incitant à des actes de terrorisme ou en faisant l'apologie est autorisé. Il est entré en œuvre en février, après l'attaque contre "Charlie Hebdo".
Concrètement, l'Office central de lutte contre la cybercriminalité (OCLCTIC), qui dépend de la Direction centrale de la Police judiciaire rattachée au ministère de l'Intérieur, dresse une liste des sites web litigieux. Celle-ci est directement adressée aux fournisseurs d'accès à internet, qui doivent s'exécuter sous 24 heures. L'Office peut également demander aux moteurs de recherche et aux annuaires de cesser le référencement de ces sites.
Du côté de l'internaute, les sites litigieux se voient remplacés par une page d'information du ministère de l'Intérieur qui servira de rappel à la loi.
Quelques garde-fous ont été prévus : l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (UCLAT) qui valide la liste noire, et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) qui dispose d'un droit de contrôle sur le bon déroulement des opérations. En revanche, à aucun moment un représentant de l'autorité judiciaire n'est consulté.
Depuis la publication du décret d'application, "87 sites internet provoquant au terrorisme ont fait l'objet d'un blocage administratif", a précisé le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, deux jours après les attentats de Paris et Saint-Denis. Interrogé dans l'émission Des paroles et des actes, le député socialiste Jean-Jacques Urvoas a lui évoqué "89 sites bloqués", avant de souligner :
Mais 89, c'est une goutte d'eau !"Combien de blocages effectifs ?
Avec les récents attentats, faut-il anticiper une recrudescence des blocages des sites ? Certainement.
La liste dressée par l'OCLCTIC se base notamment sur la plateforme Pharos, qui permet à n'importe quel internaute de signaler un site contentieux. Contacté par "l'Obs", l'Office ne souhaite pas communiquer de chiffres après les attentats, mais une hausse des signalements est à prévoir.
La commissaire en charge de l'OCLCTIC, Valérie Maldonado, avait souligné à Rue89 qu'après les attentats de janvier "les internautes se sont fortement mobilisés pour signaler des contenus. En moyenne, on a 130.000 signalements par an, c'est-à-dire environ 400 par jour. Entre le 7 et le 30 janvier 2015, nous avons enregistré 38.000 signalements, avec un pic à plus de 6.000 signalements sur la seule journée du 10 janvier..."
Et qui dit hausse des signalements, dit hausse des blocages de sites.
Pour l'heure, seul le site complotiste américain WeAreChange a affirmé avoir "été bloqué" en France. Plusieurs internautes ont publié des captures d'écran du site inaccessible. Pourtant, ce jeudi 26 novembre, le site était bien accessible, a constaté "L'Obs". Dans une vidéo, le créateur du site explique cette "censure" par un article affirmant que "les autorités françaises étaient bel et bien au courant des attaques à venir". Avant d'enfoncer le clou :
La loi adoptée, permettant au ministre de l'Intérieur de censurer n'importe quel site internet, constitue un coup bas porté à la liberté d'expression en France."Qui contrôle quoi ?
La loi sur le blocage des sites a toutefois bien été modifiée. Ou du moins, adaptée. Dans le texte décrétant l'état d'urgence adopté par le Parlement, l'article 11 évoque une procédure de blocage des sites simplifiée :
Le ministre de l'Intérieur peut prendre toute mesure pour assurer l'interruption de tout service de communication au public en ligne provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie."
En somme, le gouvernement souhaite couper de manière beaucoup plus directe l'accès à un site internet. Interrogé sur ce point, la Cnil et l'OCLCTIC ne souhaitent pas faire de commentaire. Une source bien renseignée évoque simplement une "phase d'adaptation" au sein de l'OCLCTIC, sans donner plus de détails.
Pour nos confrères de Rue89, pas de doute : "la coupure internet est remise directement entre les mains du ministre de l'Intérieur."
Quelles armes pour bloquer ?
Difficile pour autant de comprendre ce que désignent les termes "toute mesure" du texte. Le député Jean-Jacques Urvoas a évoqué du bout des lèvres une possibilité : une arme secrète de la DGSE.
La Direction générale de la sécurité extérieure [en charge du renseignement extérieur, NDLR] a une capacité d'entrave sur ce type de sites [terroristes]", a-t-il déclaré sur le plateau de France-2. "Il s'agit d'une capacité technique qui est une arme, et comme toutes les armes elle est classifiée."
Sur son site, la DGSE revendique "une capacité d'entrave", soit "la formule politiquement correcte pour désigner les opérations clandestines", selon "Marianne".
Impossible d'en apprendre plus sur cette "arme". S'agit-il d'une cyber-arme qui, par une procédure informatique de piratage, permettrait de mettre H.S. un site web, même s'il est hébergé à l'étranger ? S'agit-il de pirater le serveur où est hébergé le site internet en question, même à l'international ? "Vous me permettrez de ne pas en dire plus", coupe Jean-Jacques Urvoas lors de "Des Paroles et des Actes".
"On peut couper internet de bien des manières, notamment en demandant à EDF de couper l'électricité d'une personne qui hébergerait chez elle son site", souffle également "un connaisseur du sujet" à Rue89.
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