Un effet de sidération : de la donation de sens au non sens
par Jean-Claude Paye, Tülay Umay
Si les attentats du 11 septembre sont une donation de sens -celui de la guerre des civilisations- les attentats de Toulouse et de Mautaubant donnent à voir un pas-de-sens. La stupeur que provoque cette affaire réside moins dans le caractère violent de l’évènement que dans la manifestation de toute puissance du pouvoir, celle de tout faire et de le montrer. C’est cette spécificité que les commentaires interdisent d’analyser en produisant du sacré, en donnant la primauté au sens, celui de la guerre du bien contre le mal. Tout ce qui pose un questionnement est traité comme profanation des victimes et comme « complotiste », c’est à dire comme profanation du pouvoir.
Les premiers commentaires relatifs à l’affaire Merah se caractérisaient par le manque d’analyse et par l’absence de référence à la matérialité des faits. Les informations données n’ont pas été confrontées. Le non sens de ce qui est exhibé n’a été relevé à aucun moment. Au contraire, il a été déplacé derrière le sens immédiatement donné à l’évènement. Aucun étonnement n’est apparu. Aucun questionnement ne pouvait avoir lieu car la réponse était déjà là, inscrite par le sens révélé, avant qu’une question puisse être posée.
Les commentaires à chaud ont fait immédiatement référence à l’affaire Breivik et aux attentats du 11 septembre. Ils ont ainsi invoqué les différentes incarnations d’un sens originaire, celui de la guerre des civilisations, dont l’affaire Merah ne pouvait qu’être un nouveau mode d’apparition, une nouvelle épiphanie [1] . Ainsi, la Chose en soi, la guerre du bien contre le mal, existerait à travers une multiplicité de manifestations, dont celle des tueries de Toulouse et de Mautaubant.
Croire en l’image que l’on ne peut voir
Les preuves irréfutables de la responsabilité de Merah dans la série d’attentats seraient contenues dans des images vidéos que le tueur aurait lui-même enregistrées. Mais, elles ne seront pas montrées. Il nous est alors demandé un surcroît de croyance envers l’invisibilité, celle de « l’évidente culpabilité » du « suspect principal ». Le procureur de la République de Paris, François Molins a déclaré que Mohammed Merah a filmé chacune des tueries des 11, 15 et 19 mars, à l’aide d’une mini caméra, une GoPro, habituellement utilisée par les plongeurs ou les sportifs.
Merah, ou l’un de ses proches, aurait eu le temps d’envoyer, au siège parisien d’Al-Jazira, ce montage de 25 minutes sur les tueries de Montauban et de Toulouse. La chaîne TV qatarie aurait remis la clé USB à la police judiciaire française. Selon Al-Jazira, la vidéo est accompagnée de musique et de versets du Coran [2]. Une autre clef USB, contenant le même montage, aurait été retrouvée sur le cadavre. En fouillant les ordinateurs de la famille, les enquêteurs n’ont pas trouvé trace d’images envoyées sur internet [3]. L’enquête n’a pas révélé pourquoi Merah et ses « complices présumés » n’ont pas immédiatement diffusé ces images sur le net, au lieu de les stocker sur sur des clefs et ainsi de s’en remettre au bon vouloir des médias afin d’en assurer la diffusion. Ici aussi, l’identité produite par l’image se substitue à la différenciation du langage. Elle repose sur une référence identitaire entre un tueur islamiste et une chaîne de télévision arabe.
par Jean-Claude Paye, Tülay Umay
Si les attentats du 11 septembre sont une donation de sens -celui de la guerre des civilisations- les attentats de Toulouse et de Mautaubant donnent à voir un pas-de-sens. La stupeur que provoque cette affaire réside moins dans le caractère violent de l’évènement que dans la manifestation de toute puissance du pouvoir, celle de tout faire et de le montrer. C’est cette spécificité que les commentaires interdisent d’analyser en produisant du sacré, en donnant la primauté au sens, celui de la guerre du bien contre le mal. Tout ce qui pose un questionnement est traité comme profanation des victimes et comme « complotiste », c’est à dire comme profanation du pouvoir.
Les premiers commentaires relatifs à l’affaire Merah se caractérisaient par le manque d’analyse et par l’absence de référence à la matérialité des faits. Les informations données n’ont pas été confrontées. Le non sens de ce qui est exhibé n’a été relevé à aucun moment. Au contraire, il a été déplacé derrière le sens immédiatement donné à l’évènement. Aucun étonnement n’est apparu. Aucun questionnement ne pouvait avoir lieu car la réponse était déjà là, inscrite par le sens révélé, avant qu’une question puisse être posée.
Les commentaires à chaud ont fait immédiatement référence à l’affaire Breivik et aux attentats du 11 septembre. Ils ont ainsi invoqué les différentes incarnations d’un sens originaire, celui de la guerre des civilisations, dont l’affaire Merah ne pouvait qu’être un nouveau mode d’apparition, une nouvelle épiphanie [1] . Ainsi, la Chose en soi, la guerre du bien contre le mal, existerait à travers une multiplicité de manifestations, dont celle des tueries de Toulouse et de Mautaubant.
Croire en l’image que l’on ne peut voir
Les preuves irréfutables de la responsabilité de Merah dans la série d’attentats seraient contenues dans des images vidéos que le tueur aurait lui-même enregistrées. Mais, elles ne seront pas montrées. Il nous est alors demandé un surcroît de croyance envers l’invisibilité, celle de « l’évidente culpabilité » du « suspect principal ». Le procureur de la République de Paris, François Molins a déclaré que Mohammed Merah a filmé chacune des tueries des 11, 15 et 19 mars, à l’aide d’une mini caméra, une GoPro, habituellement utilisée par les plongeurs ou les sportifs.
Merah, ou l’un de ses proches, aurait eu le temps d’envoyer, au siège parisien d’Al-Jazira, ce montage de 25 minutes sur les tueries de Montauban et de Toulouse. La chaîne TV qatarie aurait remis la clé USB à la police judiciaire française. Selon Al-Jazira, la vidéo est accompagnée de musique et de versets du Coran [2]. Une autre clef USB, contenant le même montage, aurait été retrouvée sur le cadavre. En fouillant les ordinateurs de la famille, les enquêteurs n’ont pas trouvé trace d’images envoyées sur internet [3]. L’enquête n’a pas révélé pourquoi Merah et ses « complices présumés » n’ont pas immédiatement diffusé ces images sur le net, au lieu de les stocker sur sur des clefs et ainsi de s’en remettre au bon vouloir des médias afin d’en assurer la diffusion. Ici aussi, l’identité produite par l’image se substitue à la différenciation du langage. Elle repose sur une référence identitaire entre un tueur islamiste et une chaîne de télévision arabe.