Al-rakuniyya

Une poétesse marocaine que je viens de découvrir, un trésor enfoui dans les profondeurs du temps.

Hafsa, la poétesse aux deux amants

Hafsa Bint Al-Hajj, connue aussi par Hafsa Ar-Rukunya, est une poétesse qui a marqué l’Andalousie du XIIe siècle. Ses vers et ses amours ont fini par retenir l’attention des historiens arabes.

C’est une poétesse grenadine qui a vécu aux temps des Almohades qui, tout rigoristes qu’ils avaient la réputation d’être, lui ont permis, semble-t-il à leur corps défendant, de mener une vie libre, voire scandaleuse si l’on considère les critères de religiosité admis. Mais, il est vrai que nous sommes en Espagne andalouse et musulmane où les femmes se sont toujours imposées. Il est vrai que nous sommes à Grenade, ville où pullulaient les poètes, voire les poétesses*. Au surplus, tout le monde n’est pas poétesse, qui plus est talentueuse. Tout le monde n’est pas belle, séductrice, renommée, comme l’était cette Hafsa qui régnait sur Grenade et sur la vie de laquelle les plus grands chercheurs se sont penchés tant ses poèmes étaient et sont encore appréciés** pour leur sincérité et leur spontanéité. Ibn al Khatib, poète de Grenade (1313-1374) et homme politique, la qualifiait de perle unique de son époque, par sa beauté, sa distinction et son talent. D’autres auteurs l’ont déclarée incomparable par sa beauté, son esprit et sa renommée.
Hafsa Bint Al-Hajj était la fille d’un notable relativement fortuné de Grenade, d’origine berbère, des environs du Tensift dans la région de Marrakech. Elle est née à Grenade en 1135 environ, reçut une éducation soignée, axée davantage sur les lettres que sur la religion. Ayant passé son adolescence alors que les Almoravides régnaient encore au Maroc et en Espagne, elle devait vivre les aléas de la passation de pouvoirs violente entre les Almoravides et les Almohades et les bouleversements de cette période. Mais, si Hafsa est aussi connue, c’est par son histoire pathétique et romanesque.
Les premiers murmures
Vers 1154, alors qu’elle avait 19 ans et commençait à être connue par ses poèmes, elle fit la connaissance de Abou Jaafar Ben Saïd, connu en littérature sous le nom de Ibn Saïd, lui-même poète, très cultivé et très apprécié de la bonne société grenadine, fils d’un seigneur d’une petite ville près de Grenade, Qalat Yahsub, d’origine yéménite. L’histoire d’amour des deux poètes, leur rencontre, leurs relations, sont connues par les épîtres poétiques qu’ils s’échangeaient. Il commence par lui demander un rendez-vous, elle le fait attendre deux mois. Elle lui écrit :

« Ô toi dont j’évite de rappeler le nom et que je me contenterai de désigner par une allusion…
Je ne trouve pas que tu tiennes tes promesses et je crains que ma vie ne s’achève [sans toi] ».

Il lui répond :
« Ah, si tu voyais quel état est le mien, alors que la nuit a laissé tomber ses ombres!
Je gémis tristement d’ardente passion …
Je suis un amant dont le désir véhément qu’il a pour sa bien-aimée prolonge le tourment ».

http://zamane.ma/fr/hafsa-la-poetesse-aux-deux-amants/

120866

Hafsa bint al-Hajj, dite Al-Rakuniyya, née à Grenade vers l'an 1135 et morte à Marrakech en 1191, est l’une des poétesses andalouses les plus célèbres d’Al-Andalus

Fille d'un noble d'origine berbère, qui été un personnage riche et influent dans cette ville, elle est née vers l'an 1135, selon la majorité de ses biographes, dans la ville de Grenade. Là où elle a passé son enfance et sa jeunesse dans un contexte d'agitation politique intense, qui marqua la chute des Almoravides et l'instauration du califat des Almohades.

Par son talent et sa culture, tout comme par sa beauté, elle a pu occuper tôt une place importante dans la cour des almohades de Grenade, où elle a développé une activité littéraire et éducative intense et atteint rapidement la renommée, qui a dépassé les limites de Grenade, elle a été envoyée à Rabat (1158) avec un groupe de poètes et nobles grenadins devant le calife Abd al-Mumin. Celui-ci lui a accordé ce qu’on appelle Rakuna (sorte de salon littéraire), près de Grenade, d’où vient le nom avec lequel a été connue la poétesse, Al-Rakuniyya.

C’est dans cette atmosphère de courtoisie et de poésie de Grenade qu’elle a connu le poète grenadin Abu Jafar Ibn Saïd, de la lignée illustre des Banu Saïd, avec lequel elle a entamé une relation affectueuse publique vers l'an 1154. Cette relation a donné lieu a un intense échange de poèmes affectueux entre les deux amants, qui ont été conservés jusqu’à nos jours. Ses amourettes ont été chantées de même par les poètes de leur groupe littéraire.

Leur situation s’est compliqué durant l'année 1156, à l’arrivée à Grenade du gouverneur almohade, le prince Abu Saïd Utman, fils du Calife Abd Al-Mumin, ce dernier est tombé éperdument amoureux de la poétesse. Officiellement, Hafsa n’a pas donné suite aux sentiments du gouverneur, mais elle a quitté son amant Abu Jafar, peut-être fatiguée des velléités affectueuses de ce dernier, ou en raison des pressions du prince envers elle ou sa famille. Cette situation serait à l'origine d'un triangle affectueux conflictuel. Abu Jafar, qui avait été l’ami et le secrétaire du prince Abu Saïd, a fait de celui-ci objet de ses poèmes satiriques, et a fini par prendre part à une rébellion politique contre le gouverneur, raisons pour lesquelles, celui-ci l’a fait emprisonner et finalement crucifier durant l'année 1163, à Malaga.

Hafsa a pleuré la prison et le décès de son amant dans des vers poignants et a porté l’habit de veuf pour lui, malgré les menaces du gouverneur. Elle s’est retiré de la cour, en abandonnant l'activité poétique et en se consacrant exclusivement, à partir de cette époque, à l'enseignement.

Elle a vécu de cette manière pendant une grande partie de sa vie, jusqu'à ce que, vers l'année 1184, elle accepta l'invitation du Calife Abu Yusuf Yaqub al-Mansur, pour diriger à Marrakech l'éducation des princes almohades. Où elle est restée jusqu'à 1191, l’année de son décès.

Hafsa est la poétisse andalouse dont on conserve un plus grand volume de sa production poétique, grâce surtout, à l'intérêt de ses biographes et de la famille Banu Saïd. Au total, sont arrivés jusqu'à nos jours dix-sept de ses poèmes, d'une grande qualité littéraire. Héritière de la tradition poétique arabe, toutefois, Hafsa, contrairement à ce qu'il est habituel dans celle-ci, est capable d'exprimer, avec une grande beauté, ses sentiments réels dans un langage spontané. La majorité de ses vers de type affectueux, s'adressaient à Abu Jafar, bien qu'il y ait quelques satiriques et éloges à Abu Saïd. Son inspiration atteigne son sommet dans ceux dans lesquels elle exprime son regret son chagrin de la prison et du décès de son amant.

Exemple des femmes indépendantes et cultivées de l'époque de splendeur d'Al-Andalus, Hafsa a été très respecté, malgré ses libertés apparentes, à son époque et par les biographes postérieurs. Ibn al-Khatib a dit d'elle : « La grenadine, a été unique en son temps par sa beauté, son élégance, sa culture littéraire »
 

Pièces jointes

  • Capture d’écran 2015-06-10 à 10.25.19.png
    Capture d’écran 2015-06-10 à 10.25.19.png
    340.8 KB · Affichages: 3
Haut