« assimiler la radicalisation islamiste à un phénomène sectaire pose problème »

Hibou57

Comme-même (tm)
VIB
Il est parfois lui‑même un peu trop exalté dans ce qu’il écrit (ce qui fait un peu rire quand on sait de quoi il parle), mais l’éclairage est pertinent. Je n’ai pas encore fini de lire, mais pour l’instant je trouve dommage qu’il n’ait pas fait le parallèle avec les courants politiques tout autant extrémistes, accrochant les gens de la même manière et pour les mêmes raisons. Cette comparaison aurait put rendre son analyse encore plus compréhensible, et aussi faire réaliser que le problème a une étendu plus grande que celle du seul intégrisme islamiste, qu’il n’y a pas que de lui dont on devrait se méfier.
 
Décryptage psychanalytique de la radicalisation. Je trouve ça assez juste, le sur-musulman. Non ?
http://www.lemonde.fr/religions/art...e-sectaire-pose-probleme_4917030_1653130.html

Oui, l'approche est originale et intéressante : ça ouvre de nouveaux pans de réflexion je trouve

Je n’ai pas encore fini de lire, mais pour l’instant je trouve dommage qu’il n’ait pas fait le parallèle avec les courants politiques tout autant extrémistes, accrochant les gens de la même manière et pour les mêmes raisons.

Oui aussi, ce n'est pas réservé à un seul fanatisme et on retrouve aussi ce schéma chez d'autres extrémismes : méthodes d'embrigadement sectaire mais pas forcément vis-à-vis d'un gourou particulier mais plus un "corpus idéologique" violent et ostracisant (nous contre le reste du monde) faisant l'apologie d'une nécessaire (et forcément "juste") revanche au motif de souffrances passées ou présentes, réelles ou fantasmées d'un "groupe" particulier auquel la recrue s'identifie et dont il pense que le destin se conjugue avec son propre destin.
Du coup, le mec se sent "justicier élu" prêt, dans le meilleur des cas à montrer qu'il est plus musulman que les autres, dans le pire des cas (ou quand cela se couple avec un passé de violence et de délinquance) à user de violence pour montrer son adhésion complète à l'idéologie, même si elle conduit à sa propre mort.

L'auteur fait remonter l'émergence du radicalisme islamiste à 1924, la chute de l'empire ottoman et la naissance de courants politico-religieux comme les Frères Musulmans. Un siècle donc... j'espère qu'on est pas parti dans ces délires pour un siècle de plus...
 
Extrait de l'article concernant le "surmusulman"

Concrètement, on peut observer les conduites du surmusulman chez des croyants pour lesquels il n’est plus suffisant de vivre la religion dans le cadre de la tradition, fondée sur l’idée de l’humilité. En effet, l’une des significations majeures du nom « musulman » est l’humble. C’est le noyau éthique fondamental de l’islam. Avec le surmusulman, il s’agit au contraire de manifester l’orgueil de sa foi à la face du monde : Islam pride. Elle se traduit par des démonstrations publiques : stigmate sur le front, prière dans la rue, marquages corporels et vestimentaires, accroissement des rituels et des prescriptions témoignant de la proximité continuelle avec Allah, évoqué à tout bout de champ.

Les surmusulmans se veulent les bouches ouvertes de Dieu dans le monde, proférant leur haine de ceux qui n’ont pas leur croyance de feu et de flamme. On pourrait les nommer aussi les « allahants », tant ils ahanent sans cesse Allah akbar. Cette invocation, qui devait en principe rappeler à celui qui la prononce sa petitesse apaisante, voici qu’elle est devenue la manifestation d’une suffisance, d’un pouvoir de tout se permettre. Ils tuent en allahant. Ils ne se soumettent à Dieu qu’en le soumettant à eux.

C’est pourquoi la figure du surmusulman attire les délinquants ou ceux qui aspirent à le devenir ; ils se convertissent par désir d’être des hors‑la‑loi au nom de la loi, une loi supposée au‑dessus de toutes les lois, à travers laquelle ils anoblissent leurs tendances antisociales, sacralisent leurs pulsions meurtrières. Le surmusulman recherche une jouissance que l’on pourrait appeler « l’inceste homme‑Dieu », lorsqu’un humain prétend être dans la confusion avec son créateur supposé au point de pouvoir agir en son nom, devenir ses lèvres et ses mains. Ce n’est pas l’union mystique avec Dieu qui n’est jamais permanente et loin de toute arrogance, comme dans le soufisme. Si le musulman cherche Dieu, le surmusulman croit avoir été trouvé par lui.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/religions/art...leme_4917030_1653130.html#zISE1oMC0U2axJq0.99
 
Autre passage que je trouve intéressant et traitant aussi d'un autre aspect : la "laïcophobie", pas forcément vue comme la haine des laïcs mais plutôt comme la peur que la religion se perde dans un monde où elle n'est plus le dogme de référence.

"L’angoisse de beaucoup de musulmans est de vivre dans un monde où la sécularisation, dont ils consomment par ailleurs les objets, leur fait vivre le sentiment de devenir autres, de ne plus être eux‑ mêmes. Le malheur de se percevoir comme un soi inauthentique est le ressort du désespoir musulman. Se voir emporté inexorablement vers l’exil occidental sans Dieu est une crainte récurrente qui s’exprime dans les discours et dans les actes visant à planter partout des minarets comme des clous pour empêcher le sol de s’en aller. D’où la recherche désespérée d’arrêter la dérive, en convoquant le pieux ancêtre au présent. Or l’islamisme a produit une fiction qui séduit ce qui est plus grand qu’un moi, essentiellement inauthentique : un surmoi d’origine, incarné par la figure du surmusulman. Comme toute figure, elle se décline et revêt des éditions plus au moins typifiées, parmi lesquelles celle de se retirer du monde, mais la plus flamboyante est d’en finir avec lui, de participer à sa fin. C’est celle qui attire des jeunes engagés dans le djihadisme.

Comment le surmusulman a‑t‑il été enfanté historiquement ? Les traumatismes historiques ont une onde de propagation très longue, surtout lorsqu’une idéologie les relaie auprès des masses, pour constituer un idéal préjudicié. C’est l’œuvre principale de l’islamisme. Dès lors, les générations se transmettent le trauma et le préjudice, de sorte que des individus se vivent en héritiers d’infamies, sachant les faits ou pas. L’année 1924 marque la fin du dernier empire islamique vieux de six cent vingt‑quatre ans, l’abolition du califat, autrement dit du principe de souveraineté en islam, et la fondation du premier Etat laïque en Turquie. Le territoire ottoman est dépecé et occupé par les puissances coloniales ; les musulmans passent de la position de maîtres à celle de subalternes chez eux. C’est l’effondrement d’un socle vieux de mille quatre cents ans, la fin de l’illusion de l’unité et de la puissance. S’installe alors la hantise mélancolique de la dissolution de l’islam dans un monde où il ne gouverne plus.
 
Suite de l'extrait :

"Le symptôme de cette cassure historique est la naissance, en 1928, des Frères musulmans, qui est la traduction dans une organisation de la théorie de « l’idéal islamique blessé » à restaurer, à venger. L’islamisme promet le rétablissement du califat par la défaite des Etats nationaux. Il véhicule le souvenir du traumatisme et le projette sur l’actualité désastreuse de populations souffrant du sort qui leur est réservé par leurs gouvernements, les expéditions militaires occidentales et les guerres civiles. L’effondrement historique s’est accompagné d’un clash inédit dans le modèle du sujet musulman. C’est un fait que les Lumières arrivent en terre d’islam avec des canonnières. Pour autant, des élites musulmanes deviendront des « partisans des Lumières » et de leur émancipation politique, considérant que les Lumières occidentales permettent une remémoration de celles oubliées de l’islam, au nom d’une alliance universelle contre « les armées des ténèbres ». S’opposeront à eux des « anti‑Lumières », qui revendiquent la restauration de la souveraineté théologique et le retour à la tradition prophétique, au nom de la suffisance de l’islam à répondre à tous les problèmes. Le mot d’ordre des Frères musulmans est : « L’islam a réponse à tout. »"

http://www.lemonde.fr/religions/art...e-sectaire-pose-probleme_4917030_1653130.html
 
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