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AncienMembre
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http://mondeacinter.blog.lemonde.fr/2013/10/21/athees-en-terre-sainte/
Athées en Terre Sainte
Athées ou agnostiques représenteraient plus de 15% de la population en Israël, société religieuse s'il en est. Les ultraorthodoxes leur mènent la vie dure. Certains couples, homosexuels ou pas, ont trouvé une parade : ils se marient devant des rabbins athées.
A Jérusalem, Tzaphira Stern-Assal, professeure de danse, s'affaire à l'entrée du centre culturel Gerard Behar où elle donne des cours. Sur cette petite place de Nachlaot, quartier central de Jérusalem-Ouest que surplombe l'imposant bâtiment des Beaux-Arts, tout est calme, en apparence. Quelques passants se pressent vers la rue de Jaffa. Les premiers élèves de Tzaphira arrivent. Elle leur donne quelques instructions puis la conversation vire sur ses premiers mois à Nachlaot. Les quelques rues qu'elle montre du doigt sont très différentes les unes des autres, explique-t-elle. "D'un côté vivent de nombreuses familles ultraorthodoxes, tandis que là-bas, il y a des bars, des cafés, où les étudiants et artistes aiment sortir." Entre ces deux communautés, les relations sont souvent tendues, même si la sérénité de ce matin-là ne peut le laisser deviner.
La jeune femme évoque les nombreuses plaintes et menaces proférées contre le studio de danse lorsque ses occupants levaient les stores. "On devait rester dans l'ombre, les ultraorthodoxes refusaient de voir les corps des danseurs lorsqu'ils se baladaient dans le quartier." Bien qu'elle ait réussi à faire tomber cet interdit, Tzaphira Stern-Assal, athée convaincue, exprime la difficulté de vivre en non-croyante en Israël, où l'espace public est soumis à l'influence religieuse : "Ici, c'est comme ça : si tu offenses la religion, tu as un problème. On est tous juifs, donc on se doit de respecter la religion, même si on est laïques."
Le cas de Tzaphira est loin d'être isolé. Il illustre les tiraillements à l’œuvre en Israël, où respect scrupuleux de la religion et volonté de s'en détacher sont en lutte perpétuelle. Le pays a été construit par des pionniers laïques, mais ces mêmes pionniers ont souvent utilisé la religion pour souder le peuple juif israélien. En témoignent un certain nombre d'institutions, qui rappellent qu'à l'identité juive est toujours rattaché un cadre religieux : l'absence de mariage civil, tout d'abord, qui rend impossible toute union mixte ou non religieuse - à moins d'un passage à l'étranger - ou encore les mentions figurant sur les papiers d'identité. On est ainsi citoyen d'Israël et issu, entre autres, de la nation juive, arabe, druze ou circassienne. Autant d'éléments qui brouillent les cartes du judaïsme, pris en étau entre les notions de "peuple" et de "religion".
Yoram Kaniuk, décédé en juin, avait bataillé de mai à septembre 2011 pour que son statut change de "juif" à "sans religion" sur ses papiers d'identité. Il avait finalement obtenu gain de cause, mais le cas n'a pas fait jurisprudence, comme l'avaient réclamé les quelque 200 personnes qui s'étaient rassemblées à Tel-Aviv après le jugement.
Quelle est l'importance du mouvement athée en Israël ? Selon l'un des rares études existantes, menée en 2005 par Philippe Zuckerman (The Cambridge Companion to Atheism, Presses de Cambridge), 15 à 37% des citoyens israéliens, juifs ou non, se disent athées ou agnostiques. Cette fourchette large est à considérer avec précaution, mais démontre néanmoins que la religion n'est pas tout à fait plébiscitée. Spécialiste des questions de laïcité, Denis Charbit estime que le mouvement athée reste circonscrit à quelques pans de la société - cercles intellectuels, artistiques, et une partie de la gauche israélienne.
L'historien Shlomo Sand, qui a publié en mars l'essai Comment j'ai cessé d'être juif (Flammarion, 2013), s'insurge, dans son bureau de l'université de Tel-Aviv, contre l'immixtion du religieux dans la vie des Israéliens juifs. "J'ai cessé d'être juif le jour où j'ai réalisé qu'on ne peut pas devenir un athée juif. On est juif par la naissance, ou parce qu'on se convertit ; autrement dit, seul le religieux est une porte d'entrée dans la judéité. Mais pour moi, qui ne crois pas en Dieu, comment accepter une telle identité ? ", s'interroge le professeur.
Les athées se plaignent surtout de l'intolérance des ultraorthodoxes, constate le chercheur Denis Charbit. Boaz Balachsan, jeune artiste vidéaste, raconte ainsi, dans le jardin de sa petite maison jérusalémite comment son quotidien est soumis à leur influence. "J'étais dans un bus avec ma petite amie. On se tenait la main, et on s'embrassait discrètement. Un ultraorthodoxe nous a fixés pendant plusieurs minutes et s'est soudain énervé. Il disait qu'il n'avait pas à supporter notre comportement. On est finalement sortis du bus. C'est toujours comme ça ici... En réaction, j'ai décidé d'organiser la première "journée sans pantalon" et sans sous-vêtement de Jérusalem" . Le jeune artiste voit dans le judaïsme un "club" plus qu'un peuple.
Etc...
Athées en Terre Sainte
Athées ou agnostiques représenteraient plus de 15% de la population en Israël, société religieuse s'il en est. Les ultraorthodoxes leur mènent la vie dure. Certains couples, homosexuels ou pas, ont trouvé une parade : ils se marient devant des rabbins athées.
A Jérusalem, Tzaphira Stern-Assal, professeure de danse, s'affaire à l'entrée du centre culturel Gerard Behar où elle donne des cours. Sur cette petite place de Nachlaot, quartier central de Jérusalem-Ouest que surplombe l'imposant bâtiment des Beaux-Arts, tout est calme, en apparence. Quelques passants se pressent vers la rue de Jaffa. Les premiers élèves de Tzaphira arrivent. Elle leur donne quelques instructions puis la conversation vire sur ses premiers mois à Nachlaot. Les quelques rues qu'elle montre du doigt sont très différentes les unes des autres, explique-t-elle. "D'un côté vivent de nombreuses familles ultraorthodoxes, tandis que là-bas, il y a des bars, des cafés, où les étudiants et artistes aiment sortir." Entre ces deux communautés, les relations sont souvent tendues, même si la sérénité de ce matin-là ne peut le laisser deviner.
La jeune femme évoque les nombreuses plaintes et menaces proférées contre le studio de danse lorsque ses occupants levaient les stores. "On devait rester dans l'ombre, les ultraorthodoxes refusaient de voir les corps des danseurs lorsqu'ils se baladaient dans le quartier." Bien qu'elle ait réussi à faire tomber cet interdit, Tzaphira Stern-Assal, athée convaincue, exprime la difficulté de vivre en non-croyante en Israël, où l'espace public est soumis à l'influence religieuse : "Ici, c'est comme ça : si tu offenses la religion, tu as un problème. On est tous juifs, donc on se doit de respecter la religion, même si on est laïques."
Le cas de Tzaphira est loin d'être isolé. Il illustre les tiraillements à l’œuvre en Israël, où respect scrupuleux de la religion et volonté de s'en détacher sont en lutte perpétuelle. Le pays a été construit par des pionniers laïques, mais ces mêmes pionniers ont souvent utilisé la religion pour souder le peuple juif israélien. En témoignent un certain nombre d'institutions, qui rappellent qu'à l'identité juive est toujours rattaché un cadre religieux : l'absence de mariage civil, tout d'abord, qui rend impossible toute union mixte ou non religieuse - à moins d'un passage à l'étranger - ou encore les mentions figurant sur les papiers d'identité. On est ainsi citoyen d'Israël et issu, entre autres, de la nation juive, arabe, druze ou circassienne. Autant d'éléments qui brouillent les cartes du judaïsme, pris en étau entre les notions de "peuple" et de "religion".
Yoram Kaniuk, décédé en juin, avait bataillé de mai à septembre 2011 pour que son statut change de "juif" à "sans religion" sur ses papiers d'identité. Il avait finalement obtenu gain de cause, mais le cas n'a pas fait jurisprudence, comme l'avaient réclamé les quelque 200 personnes qui s'étaient rassemblées à Tel-Aviv après le jugement.
Quelle est l'importance du mouvement athée en Israël ? Selon l'un des rares études existantes, menée en 2005 par Philippe Zuckerman (The Cambridge Companion to Atheism, Presses de Cambridge), 15 à 37% des citoyens israéliens, juifs ou non, se disent athées ou agnostiques. Cette fourchette large est à considérer avec précaution, mais démontre néanmoins que la religion n'est pas tout à fait plébiscitée. Spécialiste des questions de laïcité, Denis Charbit estime que le mouvement athée reste circonscrit à quelques pans de la société - cercles intellectuels, artistiques, et une partie de la gauche israélienne.
L'historien Shlomo Sand, qui a publié en mars l'essai Comment j'ai cessé d'être juif (Flammarion, 2013), s'insurge, dans son bureau de l'université de Tel-Aviv, contre l'immixtion du religieux dans la vie des Israéliens juifs. "J'ai cessé d'être juif le jour où j'ai réalisé qu'on ne peut pas devenir un athée juif. On est juif par la naissance, ou parce qu'on se convertit ; autrement dit, seul le religieux est une porte d'entrée dans la judéité. Mais pour moi, qui ne crois pas en Dieu, comment accepter une telle identité ? ", s'interroge le professeur.
Les athées se plaignent surtout de l'intolérance des ultraorthodoxes, constate le chercheur Denis Charbit. Boaz Balachsan, jeune artiste vidéaste, raconte ainsi, dans le jardin de sa petite maison jérusalémite comment son quotidien est soumis à leur influence. "J'étais dans un bus avec ma petite amie. On se tenait la main, et on s'embrassait discrètement. Un ultraorthodoxe nous a fixés pendant plusieurs minutes et s'est soudain énervé. Il disait qu'il n'avait pas à supporter notre comportement. On est finalement sortis du bus. C'est toujours comme ça ici... En réaction, j'ai décidé d'organiser la première "journée sans pantalon" et sans sous-vêtement de Jérusalem" . Le jeune artiste voit dans le judaïsme un "club" plus qu'un peuple.
Etc...