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Au Maghreb, les têtes brûlées de la laïcité
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[QUOTE="FPP75, post: 7088720, member: 143861"] Si la marche vers la laïcité de l'Algérie ressemble en de nombreux points à celle du Maroc, elle est plus chaotique encore. A peine remise de dix années d'affrontements meurtriers entre islamistes armés et forces de sécurité, la population peine à trouver ses repères. La vie politique est atone et les associations, sous contrôle strict du ministère de l'intérieur, sont presque inexistantes. Comme au Maroc, c'est la presse privée qui tente de jouer le rôle de contre-pouvoir, avec les moyens du bord. Mais ceux qui défendent la laïcité en Algérie sont francophones. Leur emprise sur la société est donc limitée. Les arabophones, quant à eux, répugnent à utiliser la langue du Coran – sacrée – pour plaider en faveur d'une séparation de l'islam et de l'Etat. Vu de l'extérieur, rien ne bouge en Algérie. En réalité, "le pays est comme secoué par des plaques tectoniques aux dynamiques opposées. L'une, en surface, très visible, qui s'agite en un sens. L'autre, souterraine, qui prend la direction inverse", explique le sociologue Hassan Remaoun. Les mosquées regorgent de fidèles, la pratique religieuse est très ostentatoire et le hidjab la règle. Mais ce sont là, le plus souvent, des rites ou des codes sociaux, estime ce chercheur, enseignant à l'université d'Oran. Pour lui, en dépit des apparences, il n'y a pas de véritable retour du religieux en Algérie, "mais une marche constante vers la séparation de la sphère privée et de la sphère publique". Cette analyse, le sociologue Nacer Djabi la partage. Ainsi, le pèlerinage à la Mecque, très en vogue ces dernières années – au point que de plus en plus de jeunes couples choisissent d'y faire leur voyage de noces –, est souvent "une forme de positionnement social", de "recherche d'honorabilité". Parfois, le processus de sécularisation emprunte des chemins encore plus surprenants. Ainsi, ce sont les femmes, désormais, qui investissent les lieux de prière pendant le mois de carême, et même le vendredi. "C'est leur prétexte pour abandonner les tâches ménagères et sortir de chez elles ! Les soirs de ramadan, elles se rendent en masse dans les mosquées pour se retrouver et bavarder. Au point de se faire rappeler à l'ordre par les imams qui leur reprochent de faire trop de bruit !", explique en riant Nouria Benghabrit-Remaoun, maître de conférences au Centre de recherches en anthropologie sociale et culturelle d'Oran. Bien que courroucés par ce phénomène récent, les hommes s'inclinent. "Les femmes les piègent par la légitimité de leur action, sur le mode : 'Tu ne peux rien dire, je suis aussi croyante que toi !'", poursuit Mme Benghrabit-Remaoun. LE PATRIARCAT ÉBRANLÉ Dans le même esprit, le foulard et le hidjab sont utilisés comme un passeport, voire une arme. "Je le porte pour que mes frères et mon père me laissent sortir. Et dans la rue, on me fiche la paix", disent de nombreuses jeunes filles. Moins que jamais, l'apparence vestimentaire est significative. Madonna, célèbre travestie d'Alger, fait le trottoir, la nuit, en minijupe léopard, bas résille et hauts talons, mais se promène, le jour, drapée dans un voile intégral, le djilbeb, ce qui lui permet "de tout observer comme derrière une glace sans tain !". D'année en année, les femmes revendiquent davantage leurs droits – d'étudier, de travailler, d'être autonomes, – et s'emparent de l'espace public. Le patriarcat, plus que l'islam, en est ainsi sérieusement ébranlé. Parfois, un événement imprévu fait office d'accélérateur. Ainsi, en novembre 2009, l'affrontement Algérie-Egypte pour la qualification au mondial 2010 de football a créé l'union sacrée. Filles et garçons sont sortis ensemble dans les rues, de jour comme de nuit, pour chanter leur soutien à l'équipe nationale, sans que cet épisode soit récupéré par les islamistes. Beaucoup ont vu là "le premier mouvement de masse post-islamiste" en Algérie. Il n'y a plus de rêve collectif dans ce pays depuis l'échec de l'islam politique comme projet de société. On recherche désormais son salut à titre individuel. L'affirmation de soi grandit, y compris face à l'islam. "La religion n'est plus sacrée comme avant. Les gens la vivent désormais de façon très personnelle. Ils s'approprient le coran, sans crainte, et l'interprètent, chacun à sa manière", explique encore Nacer Djabi. [/QUOTE]
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