Brahim charafi, aumônier musulman en prison : « certains détenus ne sont pas capables

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
Contributeur
....dire quels sont les piliers de l’islam »


Bien sûr, ils lui en ont parlé. Et bien sûr il les a pris au sérieux. «Partir faire le djihad en Syrie... Oui, je crois que certains sont capables de passer à l’acte», acquiesce Brahim Charafi, 37 ans, libraire à Rouen et seul aumônier musulman bénévole à la maison d’arrêt Bonne-Nouvelle où il se rend deux fois par semaine pour y rencontrer, à chaque visite, entre cinq et dix détenus.

« J’y dispose d’une boîte aux lettres où quiconque a envie de me voir peut déposer un courrier, que sa demande soit d’ordre spirituel ou qu’elle soit matérielle, lorsqu’il a besoin par exemple d’un tapis de prière, d’un chapelet, d’un bonnet ou d’un Coran, explique-t-il. Mais il est des détenus que je souhaite, moi, rencontrer. Pour faire leur connaissance et pour parler de l’islam et des interprétations qu’ils en font. J’écoute plus que je ne parle, car un détenu a besoin de s’exprimer, d’aller au fond de ses pensées dans un climat de confiance absolue. Mais il est toujours un moment où je l’invite à revenir à la source, c’est-à-dire aux textes sacrés, pour lesquels je m’en tiens à une interprétation simple, mais correcte.»

«Déconstruire le discours de la haine et du djihad»

Cette écoute, ce dialogue, l’empathie, sont ses seules armes pour lutter contre le fondamentalisme, le pouvoir exercé par des imams autoproclamés qui prêchent un islam radical, et « dont la proportion est minime mais l’influence très importante».

Ce sont aussi les seuls remèdes dont Brahim Charafi dispose pour rassurer, apaiser la colère, effacer les doutes des détenus souvent fragilisés par l’incarcération, et qui peuvent trouver dans des discours et pratiques religieuses rigoristes un moyen de se dédouaner de leur responsabilité. « Jugés pour des crimes et délits sans aucun rapport avec la religion, certains se laissent persuader qu’on les a jetés en prison parce qu’ils sont musulmans. Maintes et maintes fois répété, ce genre de discours nourrit un sentiment d’injustice, et le ressentiment qu’ils peuvent avoir envers la société. Ainsi, au lieu de rechercher l’apaisement et de se préparer à quitter la maison d’arrêt en ayant payé leur dette et en étant en paix avec la société, ces détenus trouvent, dans la religion, un alibi et des raisons d’en rester en marge. Voire de lui vouer une haine qui peut les entraîner dans des actions violentes;»

Au point d’envisager des actes similaires à ceux qui ont ensanglanté Paris début janvier ? « J’ai entendu peu de commentaires négatifs à propos de ces attentats, reconnaît l’aumônier des prisons. Quelques-uns m’ont dit que c’était le prix à payer pour n’avoir pas respecté le sacré...» Or, c’est bien là, sur le terrain du dogme, de la philosophie et de l’exégèse du Coran que ce libraire spécialisé dans la culture arabo-musulmane, enseignant et conférencier spécialiste du droit musulman pour lequel il est titulaire d’un master et prépare un doctorat, peut combattre « les interprétations fausses et jugements superficiels». « Je ne juge pas, dit-il. Ce n’est pas ma mission. Mais en tant que guide spirituel, je suis là pour accompagner les détenus qui le souhaitent, et pour déconstruire le discours de ceux qui appellent à la haine et au djihad. Très souvent, ils se disent plus ou moins arabophones et ils les manipulent en utilisant quelques vagues termes susceptibles de les impressionner. Moi, je reviens aux principes les plus simples. Aux plus petits sujets. Aux bases...»

« Certains ne sont même pas capables de vous dire quels sont les piliers de l’islam, alors qu’ils se lancent dans de longues diatribes sur la situation internationale, le djihad, la Syrie, souligne Brahim Charafi. Ils ne font que se perdre à brûler ainsi les étapes. Moi, je les ramène aux bases, aux valeurs prônées par l’islam: le respect des parents, du codétenu, la prière, les textes. Rien de plus... Ensuite, lorsque ces bases sont bien acquises, on peut progresser vers une connaissance plus profonde et beaucoup plus enrichissante des textes. Mais d’abord, il faut déconstruire simplement, logiquement, par le dialogue et par l’écoute, tout ce qui a pu être enfourné de force dans leur cerveau par des gens mal intentionnés.»

C’est cette possibilité d’agir pendant qu’il est encore temps, avant que les discours de haine et de vengeance se soient profondément incrustés dans des esprits rendus malléables par l’incarcération et le besoin de se raccrocher à la première bouée qui se présente, qui lui fait dire que le projet énoncé au lendemain des attentats, de regrouper les islamistes radicaux dans des quartiers « réservés », n’est vraiment pas une bonne idée.

«Je me méfie des annonces post-crise»

Ce serait, pense-t-il, le meilleur moyen de se couper d’une population, certes minoritaire mais très influente, que ce statut particulier pourrait renforcer dans ses convictions comme dans l’image transmise au reste de la population carcérale. « Il faut que nous puissions les rencontrer, débattre, leur montrer qu’ils se sont trompés. C’est le seul moyen de freiner, à défaut d’éradiquer, la radicalisation dans les prisons», insiste l’aumônier musulman.

Pas découragé par l’ampleur de la tâche. Mais désireux aussi de voir son statut de bénévole évoluer vers la professionnalisation évoquée par le Premier ministre, Manuel Valls, au lendemain des attentats. « Je me méfie toujours des annonces post-crise, dit-il. Mais il y a urgence: on ne peut plus laisser, dans les prisons françaises, d’espace ni de vide dans lesquels s’engouffrent les fondamentalistes.»

Franck Boitelle

f.boitelle@presse-normande.com
 

Pareil

Just like me :D
VIB
Une bonne chose pour combattre les discours extrémistes à l'intérieur des prisons, et offrir une alternative nettement plus saine.

Mais comment chiffrer ce besoin dès lors qu'il est interdit d'avoir le moindre recensement du nombre de prisonniers en fonction de leur religion ?

Je crains que ce ne soit un prétexte idéal pour certains responsables afin de ne rien faire.
 

Nalinux

It's not a bug, it's a feature.
Intéressant.
Cependant, ça me fait toujours bizarre de voir des articles au complet recopiés sans même en indiquer la source .
En plus d’être interdit, c'est impoli.
 
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