A Brest, Jean-Claude Basset, emporté par les commérages

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Quidquid latine dictum sit, altum sonatur
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Le quartier de Bellevue est divisé après la mort d’un retraité soupçonné à tort de pédophilie, victime d’une crise cardiaque lors de son arrestation.
Le petit mot, écrit en lettres bleues sur une feuille anonyme, est scotché dans l’entrée du hall d’immeuble, au-dessus de quelques fleurs glissées dans un verre d’eau. «Mort pour avoir voulu aider une enfant, assassiné par la peur et l’intolérance, repose en paix Jean-Claude.»
C’est là que Jean-Claude Basset, un marginal de 65 ans, a été pris à partie lundi en fin d’après-midi par plusieurs mères de famille qui croyaient à tort avoir affaire à un pédophile. C’est aussi là que ce retraité de l’arsenal de Brest, originaire de Toulon et menant une vie solitaire, est mort, peu après, d’une crise cardiaque attribuée au stress, après l’intervention de la police venue le menotter sur la foi de témoignages prétendant qu’il avait tenté d’enlever une petite fille «Étiquette». Dans cet immeuble du quartier de Bellevue à Brest, un secteur populaire agrémenté de carrés de pelouse et de quelques arbres, dans lequel cohabitent plutôt paisiblement des ouvriers, des retraités, des étudiants et des chômeurs, la population est partagée entre tristesse et incompréhension. Au sixième étage du bâtiment où vivait Jean-Claude Basset, un jeune homme avoue son écœurement. «Dans le quartier, c’est commérages et compagnie, et on n’a pas cherché à savoir qui était cet homme, se désole-t-il. Il a simplement été stigmatisé parce qu’il avait une attitude atypique, en dehors de la norme. C’est quelqu’un qui avait des problèmes d’élocution, qui parlait fort, mais qui n’était pas du tout agressif.»

Un autre voisin, ancien ouvrier de la base de sous-marins nucléaires de l’île Longue, à Brest, partage le même constat. «La rumeur, ça détruit des gens. C’est pitoyable. Ce monsieur avait un aspect qui n’était certes pas des plus folichons, mais de là à lui coller une étiquette de pédophile… Il parlait beaucoup avec les enfants parce qu’il traînait pas mal dehors, mais les enfants aussi le charriaient beaucoup. Un jour, je l’ai vu gueuler sur des gamins qui étaient montés sur le toit de l’école pour leur ordonner de descendre. Il était davantage protecteur qu’agressif. Malheureusement, on vit dans une société où l’on ne parle que de pédophilie tous les jours. Cela a pu monter à la tête de certaines personnes.»

http://www.liberation.fr/societe/01012375324-a-brest-jean-claude-basset-emporte-par-les-commerages
 

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Sans complexe. Depuis, les sorties de l’école se déroulent dans un climat électrique et tendu. Deux camps s’évitent. Mais ils ont quand même failli, jeudi, en venir aux mains, au milieu des poussettes et des enfants ébahis, lors d’un échange violent d’invectives et de pleurs. Car, si certaines femmes avouent leur «honte» et regrettent d’avoir prêté foi à la rumeur, un autre groupe assume sans complexe ce qui s’est passé. «La police aurait dû intervenir beaucoup plus tôt, voilà tout, juge une jeune femme emmitouflée dans son manteau. Cet homme n’avait rien à faire près de l’école, je l’ai vu courir après des gamins. Avant, tout le monde pensait la même chose. Et maintenant qu’il est mort, tout le monde retourne sa veste.»

Visage poupin enserré dans un foulard, une autre jeune trentenaire en survêtement renchérit d’un ton froid et détaché. «Il n’avait pris personne, mais s’il avait pris quelqu’un ? On ne souhaitait pas sa mort, on voulait juste être tranquille.» Se tenant à l’écart, une jeune femme qui attend à la sortie de l’école son enfant sous un parapluie orné de motifs représentant Superman hésite à se prononcer. «Moi, je me méfie de tout le monde, lâche-t-elle finalement. Avec tout ce qu’on entend…»
 
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