La Castiglione, roman photo d'une courtisane du XIXème siècle

Mims

Date limite de consommation : 26/01/2033
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Courtisane mythique de la fin du XIXe siècle, ancêtre d’Andy Warhol ou de Cindy Sherman, la comtesse de Castiglione a laissé 450 portraits photographiques d’elle-même. Une obsession au coeur de la biographie raffinée qui lui est consacrée.

Hétaïre aristocrate devenue phénomène de foire à la manière de Lola Montès, espionne de charme comme Mata Hari, maîtresse de Napoléon III, icône fin de siècle pour dandys, la comtesse de Castiglione a incarné mille et un rôles, mais fut avant tout le metteur en scène de son existence, la créatrice de son propre mythe. Un "mythe à éclipses", comme le souligne Nicole G. Albert, qui consacre une nouvelle biographie à la bellissima du Second Empire.

Celle qui inspira Montesquiou, Zola, Audiberti, entre autres, connaît un retour en grâce. Elle fait aujourd'hui l'objet d'expositions à travers le monde, inspire des romans comme L'Exposition, très beau livre de Nathalie Léger paru en 2008... Eminemment moderne, la Castiglione a annoncé Warhol, Cindy Sherman et même Lady Gaga. Elle est entrée dès le XIXe siècle dans la société de l'image et du spectacle, se saisissant avant tout le monde du médium photographique dans une tentative éperdue de fixer sa beauté sur plaque argentique jusqu'à faire de sa vie un roman-photo, une autofiction visuelle.

La nouvelle sensation de la cour

Envoyée à Paris pour séduire Napoléon III et oeuvrer en sous-main à l'unité italienne, la Castiglione, née Virginia Oldoïni, devient très vite la nouvelle sensation de la cour. Chacune de ses apparitions est un événement. Elle subjugue par sa beauté hiératique et surtout par ses tenues audacieuses et provocantes, qu'elle se déguise en paysanne normande, en dame de coeur ou en reine d'Etrurie. Ses coiffures vertigineuses, blondes, brunes ou cendrées, poudrées d'or ou d'argent, subliment son visage à l'ovale parfait.

Devenue la favorite de l'empereur, elle règne sur Paris et s'attire la jalousie des autres femmes - son mutisme hautain suscite l'antipathie. Seulement, sa splendeur se consume vite. Rejetée par Napoléon III, la comtesse se mue en recluse, "ermite de Passy" avant de finir "murée vivante" dans un taudis. Mais elle n'aura de cesse, grâce à la photographie, de rejouer son heure de gloire devant l'objectif, revêtant les costumes qui l'ont faite "plus belle femme du siècle". Elle immortalise aussi sa déréliction physique, posant encore, édentée et quasi chauve.

Vide existentiel

Ecrit dans une langue élégante qui convient parfaitement à son objet, l'intelligente biographie de Nicole G. Albert interroge davantage l'entreprise photographique obsessionnelle de la comtesse que son destin, aussi romanesque soit-il. Car toute sa vie n'aura été qu'image. Une illusion tragique. L'un de ses surnoms, Nichia, signifie "coquille" en florentin. Mélancolique, paranoïaque, la Castiglione était une coquille vide que rien n'a pu combler, ni les fastes, ni les intrigues diplomatiques.

C'est ce vide existentiel qui se trouve reproduit presque à l'infini sur les 450 clichés d'elle réalisés par Pierre-Louis Pierson. Il y a dans ces images qui portent les stigmates de la disgrâce et de la folie ce que Roland Barthes nommait, dans La Chambre claire, le "punctum", ce hasard qui "point" le spectateur, "le meurtrit ou le poigne" : le regard figé et perdu du spectre de la Castiglione.



La Castiglione - Vies et métamorphoses de Nicole G. Albert (Perrin), 332 pages, 22 euros
 

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Pour la petite anecdote, elle a été aussi la maitresse de Amikoff ( un jeune homme qui est chargé de la vente des parfums de Cottance et Violet à travers le monde, ainsi que de la recherche des matières premières les plus rares)
 
OUPS ......Montesquieu !


non, c'est bien le baron de Montesquiou!! C'était un dandy dont s'est inspiré notamment Proust dans sa recherche, il me semble qu'il était homosexuel et qu'il a servi à Marcel de modèle pr M. de Charlus dans la Recherche...Tu peux même en voir des portraits de ce type tjrs mis avec un goût exquis...Je ne souviens plus qui l'a peint, c'est une toile impressionniste où on le voit avec une jolie moustache en pointe et une canne à pommeau d'argent, trés chic!

en plus Montesquieu, l'autre, c'est au siècle des Lumières, la Castiglione ne l'a pas connu...lol


Cette Castiglione m'a tjrs fascinée, en être fantasque qu'elle était...Man Ray s'est inspiré de ces "mises en scènes" photographiques et tous les surréalistes...qd elle a vieilli, elle s'est couverte de crêpe noir, a fait condamner et fermer tous les volets de son hôtel particulier à paris et n'a plus jamais voulu voir qui que ce soit...
 

Mims

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C'est normal que cette femme fascine, c'était ce qu'on appelle vulgairement de nos jours, la sex symbol de son époque .
Et Montesquiou était vraiment fou amoureux d'elle. Il est celui qui possédait le plus de photographies de la castaglione , plus de 400 sur les 500 clichés qu'elle a pu prendre, il en voulait l'exclusivité :D Mais malgré lui, une courtisane reste une courtisane .

Voici un billet de Pierre Assouline qui résume et décrit trés bien qui était la Castaglione et les réactions qu'elles suscitaient.


La plus belle femme de son temps. Elle régnait sur Paris. Les hommes les plus riches, les plus puissants et les plus titrés étaient à ses pieds. L'empereur était son amant mais c'était elle la véritable impératrice. Comment la décrire après que Zola en ait dit tant en quatre mots :"Elle avait du dégagement dans les masses". Du maintien, de l'allure, de l'assurance. N'empêche, l'auteur y parvient. Cette évocation de la pureté de ses formes et de la grâce de ses gestes réussit même à recomposer sa voix et à transmettre le timbre. Rauque, enrouée, dure, impérieuse. A son image. Narcisse, polyglotte, capricieuse et de grand caractère. On a parlé d'elle comme d'un marbre antique égaré dans un siècle Un tableau vivant qui se montrait nue aux plus privilégiés de ses visiteurs lorsqu'elle se voulait recluse. Il nous suffit de savoir que, lorsqu'elle faisait son entrée en société, jamais encombrée de sa beauté, le silence se faisait sur son passage.

Par sa seule présence, elle justifiait un bal car elle fanait celles qui l'avaient précédée et défaisait toutes les autres. Oeuvre d'art faite femme, miracle artistique qui ne se refusait rien, même pas d'apparaître telle Vénus descendant de l'Olympe, ses cheveux tournés en tresses pour tout diadème, aux alentours de minuit, à un grand bal aux Tuileries ; pourtant, le corps diplomatique attendait depuis neuf heures afin d'être au complet pour accueillir Napoléon III à neuf heures trente. Mais la maîtresse de l'empereur s'autorisait ce scandale murmuré en raison de son éclat qui coupait le souffle de tout invité de bonne foi, quand il ne suscitait pas des applaudissements si délicats qu'on les eut dit ombrés. Son apparition ruinait en un instant le système de ces femmes qui se disent consternées lorsqu'elles se regardent et rassurées orsqu'elles se comparent. On l'enviait d'être si à l'aise dans son enveloppe. Mais tout en elle était si calculé, étudié, mesuré qu'il lui manquerait toujours l'essentiel, le charme né d'une alliance secrète avec le naturel. Dans ses appartements, la comtesse de Castiglione portait certainement un demi-corset sous son peignoir. Le Second Empire ne connut pas de femme plus photographiée qu'elle. Environ cinq cents clichés. Robert de Montesquiou, qui en était fou, réussit à en réunir 434. Ils disent tout sauf la couleur des sons qui sortaient de sa gorge. Dès que la favorite sentait poindre les défaveurs, elle s'exilait de la société car rien ne l'humiliait comme de ne plus se sentir désirée. Il est vrai que ce n'était plus une femme mais une forme. Elle finit sa vie toute crêpée de noir dans un gourbi, rue Cambon tout de même.
 
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