Catastrophique marée noire au bangladesh

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la rose et le réséda
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Une marée noire ravage un trésor mondial de la biodiversité dans l’indifférence de la communauté internationale. La plus grande forêt de mangroves du monde, inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco, un écrin de nature exceptionnel, est en train d’être recouverte par une couche visqueuse de pétrole. Problème : cette marée noire se déroule au Bangladesh, pays où les catastrophes sont si fréquentes qu’elles passent inaperçues.
Mardi 9 décembre au matin, par un temps brumeux, un navire a heurté un pétrolier, au sud du Bangladesh, dans la région protégée des Sundarbans, dans le delta du Gange, à l’endroit même où les mangroves s’étendent sur plus de 10 000 km². Depuis quatre jours, les 350 000 litres de pétrole se dispersent dans les lagunes, souillant déjà près de 50 km².

« C’est une catastrophe écologique qui aura des effets durables sur l’écosystème si fragile et unique des Sundarbans », s’inquiète Abdullah Harun Chowdhury, professeur de sciences environnementales à l’université de Khulna, la région où la catastrophe a eu lieu. Lors de la marée descendante, le pétrole se dépose sur les troncs et les branches des mangroves qui, privées d’oxygène, risquent de mourir. Il se répand ensuite sur les fonds boueux des lagunes, asphyxiant faune et flore.

« Jamais une marée noire n’a menacé un écosystème aussi fragile »

Abu Naser Khan, président du Mouvement pour sauver l’environnement
Lorsqu’elles restent à la surface de l’eau, les nappes empêchent la lumière d’entrer dans l’océan, surtout à cette période de l’année où les journées sont courtes, provoquant la disparition du plancton dont se nourrissent les poissons. « C’est toute une chaîne alimentaire qui est brisée et tous les animaux, des crevettes aux tigres, vont être affectés », explique M. Chowdhury.

Les Sundarbans sont aussi un garde-manger pour des millions d’habitants. La marée noire va affecter directement 200 000 villageois qui y chassent, y récoltent du miel ou y pêchent. D’autres viennent justement à la mi-décembre ramasser les larves de crevettes et des œufs de poissons pour les transporter jusque dans leurs élevages aquacoles, un peu plus au nord. La mangrove nourrit ses habitants, tout comme elle les protège. En cas de cyclone, elle brise les vagues géantes qui peuvent engloutir des villages entiers.

Seaux, éponges et chiffons
Aucun pays dans le monde ne s’est pourtant manifesté pour venir en aide au Bangladesh.

Dans l’Inde voisine, une seule question était posée : « Est-ce que la marée noire viendra jusqu’à nous ? », relate le Times of India dans son édition de vendredi. Le quotidien indien précise que des soldats ont été dépêchés par New Delhi à la frontière, pour vérifier que la marée noire ne déborde pas du territoire bangladais. « Au Bangladesh, le gouvernement n’a rien fait pendant des jours, ce qui n’a fait qu’empirer la situation, puis il a envoyé une équipe d’experts. Et maintenant, pour se racheter, il réclame 10 millions d’euros au pétrolier sans avoir aucune idée des dégâts ! » s’exaspère Abu Naser Khan, président du Mouvement pour sauver l’environnement.

Le pétrolier, Bangladesh Petroleum Corporation, qui affrétait le navire échoué nie toute responsabilité dans ce drame. Il a ouvert deux centres dans la zone affectée, où il rachète aux villageois le pétrole qu’ils ramassent. Pourtant, une telle catastrophe aurait pu être évitée. La circulation était en effet interdite sur la rivière où a eu lieu l’accident, et sur laquelle deux navires transportant du ciment s’étaient déjà échoués au cours des trois derniers mois. Une interdiction qui, semble-t-il, ne vaut que pour ceux qui la signent à Dacca, la capitale.

Les habitants des Sundarbans doivent alors se débrouiller par eux-mêmes pour sauver et nettoyer « leurs » mangroves. Leur survie en dépend. C’est avec des seaux, des éponges, des chiffons, qu’ils tentent de sauver arbustes, berges et fonds des lagunes. Et munis de filets de pêche, ils cherchent à endiguer la progression des nappes de pétrole. Quatre navires, dont deux affrétés par l’armée, sont en route vers le lieu de la catastrophe avec à leur bord des plongeurs.

Projet de centrale à charbon
Un responsable de l’armée a indiqué que des méthodes traditionnelles, comme l’usage du bambou, seraient employées, et des produits chimiques pourraient éventuellement être utilisés. « Mais ces produits sont surtout destinés à combattre les marées noires en haute mer car ils peuvent endommager la faune et la flore. C’est un risque que l’on doit prendre en compte. Jamais une marée noire n’a menacé un écosystème aussi fragile », estime Abu Naser Khan.

C’est aussi dans cette région que le Bangladesh veut construire une centrale à charbon. Des universitaires, des défenseurs de l’environnement et l’Unesco s’inquiètent des ravages que le transport de ce combustible fossile des plus polluants pourrait causer sur l’environnement fragile des Sundarbans. Le gouvernement du Bangladesh n’a toujours pas pris sa décision.

Si le sort des mangroves n’intéresse pas la communauté internationale, peut-être éprouvera-t-elle de la sympathie pour les dauphins de l’Irrawady, les tigres du Bengale et les tortues olivâtres, des espèces rares qui pourraient être durement affectées par la marée noire ? Dans une tribune du quotidien bangladais The Daily Star, l’ancien ambassadeur du Bangladesh aux Nations unies Harun ur Rashid déplore que son pays soit livré à lui-même alors qu’il n’a pas l’expérience pour gérer une telle catastrophe : « Aucun pays n’a offert son aide pour contenir la marée noire. Nous nous demandons tous : pourquoi ? »

  • Julien Bouissou (New Delhi, correspondance)

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