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C'est quoi l'intégration ?
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[QUOTE="Chamali2005, post: 5036516, member: 82307"] Un petit témoignage à ce sujet: le mot "intégration" fabrique des "étrangers". Je vais tenter maintenant de vous expliquer comment je (pardonnez-moi pour cette parenthèse autobiographique) suis devenu un étranger. Un témoignage à la fois fictif et réel et dans lequel se reconnaîtront peut-être certains… C’est très simple, et même beaucoup plus facile que d’acquérir une nationalité (quelle qu’elle soit) : pas de démarches administratives, pas de longues files d’attente, pas de stress lié au succès aléatoire de son entreprise… non… rien de tout cela… Un processus un peu comparable à la « métamorphose » décrite par Kafka, lent, imperceptible… redoutable. Commençons par un petit rappel biographique : né en France, j’ai grandi à la campagne, dans un environnement rural, au milieu des vaches et des pâquerettes, là où l’on invite encore ses voisins à « boire un petit coup à la maison »… en bref : La France, la vraie (comme disent nos hommes politiques), l’authentique, rurale et profonde... Pas un étranger à l’horizon, pas l’ombre d’un basané, pas un soupçon d’ « exotisme » : la « vraie France » (je cite toujours nos hommes politiques) avec de « vrais gens ». On me place rapidement chez une nourrice, une femme admirable (cela n’a rien d’ironique), venant d’une famille admirable, domiciliée depuis des siècles (c’est véridique) dans mon village (admirable lui aussi) dont la famille m’adopte aussitôt. On m’inscrit dans une école maternelle (catholique et privée), puis primaire (là encore catholique). Je rentre au collège (catholique), au lycée (encore un établissement catholique). Sans faire d’efforts, je finis par connaître le « notre père » par cœur (à cette époque, je pouvais même réciter le « Je vous salue Marie pleine de grâce… »). Mais pour ne pas rester à l’écart du progrès (la Révolution française a eu lieu, comme chacun sait, il y a deux siècles), je décide de m’imprégner des valeurs républicaines dans un établissement supérieur public, laïc… républicain. J’acquiers donc très tôt la maîtrise du français (ma langue), habitué à jongler avec tous les accents, tous les niveaux de langue : du patois au vers de Racine, mais aussi celle de l’Histoire de France, de la culture française, de la littérature française, une connaissance précise de l’ensemble de la société française, de toutes les classes sociales, leurs mœurs (qui sont aussi les miennes), etc. Eduqué comme tous les autres Français de mon âge, je ne m’étais jamais considéré autrement que comme un citoyen français parmi d’autres français. (S’il est une chose que j’admire chez les enfants, c’est leur incapacité à ressentir « l’altérité » : partout, ils sont chez eux, tout leur paraît normal, familier, ils s’accaparent tout ce qui les entoure, ne perçoivent aucune « différence » ; leur monde est homogène ; je me souviens par exemple que je ne percevais aucune discontinuité entre les séries américaines que je regardais, avec leurs banlieues pavillonnaires, leurs voitures si grandes, leurs coiffures si différentes, et tout ce qui caractérise l’« american way of life » et ma réalité de petit garçon français et rural.) Jamais je n’ai cherché à me « distinguer » du monde qui m’était alors si familier et je ne me souviens pas de remarques particulières de mes camarades de jeu ou d’école à propos de mon « altérité » - enfants eux aussi, ils ne la percevaient pas plus que moi. Mais ce monde a commencé subrepticement, sans que je m’en aperçoive ou que je puisse le comprendre, à se transformer. On me reconnaissait de moins en moins, à mon propre entourage, je ne semblais plus si familier… Jusqu’au jour (j’avais alors quinze ans et la scène se passe dans mon lycée) où l’on s’est adressé à moi très directement sur le sujet : « Jeune homme, comment vous sentez-vous ? Quelles difficultés rencontrez -vous dans votre « intégration » ? Est-il difficile de vivre dans un pays de culture différente de la vôtre ? etc. » J’appris donc brutalement qu’il fallait que je fasse des efforts d’ « intégration », que j’étais un immigré « de la deuxième génération » (sans que je puisse réellement savoir d’où j’avais émigré et où j’avais immigré, moi qui n’avais jamais quitté mon village…), de culture étrangère… Ce matin là, plus personne ne me reconnaissait… J’avais soudain cessé d’être le petit garçon du village, j’étais maintenant un étranger et il fallait que je me fasse à ma nouvelle condition. On me demandait désormais sans arrêt d’épeler mon nom, de répéter mon prénom, tous les deux si étranges, les ayant entendu et écrit correctement, on se mit à me questionner : « Joli nom, ! vous êtes de quelle origine ? » et comme je ne voulais pas décevoir mes interlocuteurs avec le village de mon enfance –pourtant ravissant, mais auquel l’exotisme faisait cruellement défaut- il me fallut trouver un autre lieu pour expliquer un nom si incongru. Et je du donc à chaque fois décliner ma généalogie, et répondre poliment aux banalités et lieux-communs qui sont d’usage lorsqu’on veut s’exprimer –gentiment- sur un pays dont on ne connaît rien… J’étais un étranger ! On ne cessait de me le répéter, dans la rue, à l’école, à la télévision, la radio : « l’intégration », « les difficultés d’intégration », « les problèmes liés à l’immigration »… étranger, et qui plus est malade… un enfant à problème… Et comme dans un roman de Kafka, le processus était sans fin… J’avais à peine intégré ma nouvelle condition et déjà on m’apprit que j’étais aussi un ennemi potentiel. Je me souviens de ma journée d’appel (la fameuse journée qui a remplacé le service militaire et où le citoyen de base se voit exposer les fondements du patriotisme moderne). On m’apprit alors qu’après que l’Union soviétique qui avait tenu lieu d’ennemi pendant un demi sicle s’est effondrée, un autre ennemi est apparu sur la scène internationale, encore plus dangereux, menaçant l’intégrité territoriale, mettant la nation en danger ! Un ennemi presque imperceptible, insaisissable (et c’est là sa véritable force) et qui au lieu d’être rouge était maintenant reconnaissable à sa couleur verte ! Le péril vert… (je cite, texto ou presque, les mots de l’officier chargé de nous mettre en garde). J’étais seul au milieu d’une salle de jeunes gens et l’on m’expliquait que j’étais l’ « ennemi numéro un »... Je me découvrais soudain le « danger public », l’homme à abattre… Tout nouvellement informé, et seul à connaître ce lourd secret, j’avais intérêt à me faire discret… J’étais l’ennemi… On m’apprenait que j’étais l’ennemi ; je devais me faire à l’idée que j’étais l’ennemi. Je regardai les gens qui m’entouraient afin de m’assurer qu’ils ne s’étaient rendu compte de rien, qu’ils n’avaient pas compris que se trouvait parmi eux un « danger public » (qui s’était ignoré jusqu’ici, mais qu’on venait de révéler à lui même), ce que viendraient bientôt me confirmer tous les médias.... Une situation que même le très inventif -et expert en absurde- Adel Imam n’a pas osé imaginer ou mettre en scène dans ses films : il y a des terroristes qui s’ignorent… Voilà… voilà comment je suis devenu un étranger… et un terroriste potentiel… comment je suis passé du statut d’enfant « bien de chez nous » à la figure menaçante de l’inconnu hostile à la nation… Le poète Mohamed Iqbal a dit : « L’Europe a fait de moi un Musulman. » Et bien c’est la France qui a fait de moi un Arabe (je ne m’en plains pas). Et j’aurais cédé depuis longtemps à la tentation du communautarisme si ma famille (arabe) ne m’avait inculqué l’ouverture d’esprit… [/QUOTE]
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