Chypre découvre la pauvreté

Un modèle bientôt exporté en France et à travers toute l'Europe, après avoir été testé en grandeur nature à Chypre:

A Chypre, rien ne sera jamais plus comme avant. Huit mois après le douloureux plan de sauvetage européen, les habitants de l'île accusent le coup. La précarité s'installe et les situations de détresse se multiplient. Reportage.


De notre correspondant à Nicosie,

L'onde de choc du plan de sauvetage de mars dernier n'en finit plus de frapper la population chypriote. Magasins fermés, hausse du chômage, émergence de nouvelles solidarités, la société toute entière se métamorphose. Du jamais vu sur cette île qui a connu l'absence de SDF, des décennies de croissance et un niveau de vie élevé.

Le taux de chômage a doublé en à peine deux ans pour atteindre près de 18%. Après les six mois d'allocation chômage, des centaines de personnes, licenciées se retrouvent sans revenus.

Distribution de nourriture

Parmi les nouvelles solidarités qui ont vu le jour, il y a les centres de distribution de nourriture, lancés par les municipalités, l'Eglise orthodoxe, l'Etat et des privés. Ils ne désemplissent pas. Et la Croix-Rouge compte maintenant - c'est nouveau - une majorité de Chypriotes parmi ses bénéficiaires. A Nicosie, une clinique gratuite fonctionne grâce au bénévolat de médecins. Elle reçoit chaque week-end des dizaines de patients incapables de payer une consultation.

Les chômeurs y côtoient les travailleurs pauvres comme Yurgos, employé municipal payé 1200 euros par mois, insuffisants pour faire vivre sa famille.

Les regroupements familiaux forcés sont désormais monnaie courante. A l'image de Christala, 70 ans, qui a vu revenir sous son toit ses quatre enfants et ses trois petits-enfants. Sa pension de retraite est le seul revenu de la maison et cette femme meurtrie, croisée à une distribution de nourriture, le dit franchement : jamais, jamais elle n'aurait imaginé une telle situation.

Dans le même temps, des personnalités font la Une. Comme Pavlina, 32 ans, qui a lancé il y a un an et demi à Paphos, une collecte pour une famille dans le besoin qui l'avait émue. Aujourd'hui 900 familles dépendent de son association. Au total, 6% des habitants dépendent directement de l'aide alimentaire. Et des magasins de vêtements d'occasion ouvrent leurs portes dans les principales villes du pays.

Le casse-tête des endettés

Si l'élan de solidarité permet aujourd'hui aux habitants de Chypre de se nourrir tant bien que mal, en revanche les familles endettées vont constituer en 2014 un véritable casse-tête. Les impayés se comptent par milliers.

L'autorité de l'électricité va offrir en janvier aux clients insolvables des plans de financement à long terme. Et les 700 foyers dont l'électricité est déjà coupée se verront rétablir le courant, sur simple demande, pour les deux prochaines semaines. 6000 prêts immobiliers ne sont pas honorés : des médiateurs ont désormais pour mission d'éviter les saisies et de négocier le rééchelonnement des traites. L'une des principales banques du pays, la COOP, fait face à 40 % de prêts impayés.

La Banque centrale chypriote menace les banques qui refuseraient de rééchelonner les prêts, d'amendes pouvant aller jusqu'à 500 000 euros. Autant dire que les mois à venir s'annoncent critiques pour une bonne partie de la population habituée à vivre de prêts bancaires désormais impossibles à rembourser.


http://www.rfi.fr/europe/20131229-c...pe.20131229-chypre-decouvre-pauvrete&ns_fee=0
 
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