Dans le coma mais consciente, son mari avait déjà choisi le cercueil
Et puis il y a eu des pas, des voix, des bips Et Angèle Lieby a réalisé limpensable : lhôpital où elle avait été admise pour une violente migraine était intact.
Mais elle y était considérée comme morte. Un corps inerte, intubé, relié à des machines, dans lequel son esprit conscient et tétanisé a vécu enfermée pendant deux interminables semaines, trompant médecins et encéphalogrammes. Tout entendre et ne pas pouvoir hurler, cest lenfer que cette Strasbourgeoise de 59 ans a voulu raconter, trois ans après ce terrible 13 juillet 2009, dans « Une larme ma sauvée »*.
« Cest un peu une thérapie Mais cest surtout un cri du cur : tant quon nest pas mort, on est vivant! »
Considérer quelquun comme vivant, même lorsquil semble plongé dans un coma irréversible, cest ne pas lui enfoncer sans ménagement des instruments métalliques dans la gorge. Ne pas le retourner comme un paquet de viande. Ne pas lâcher, au pied de son lit, « elle va bientôt clamser ». Angèle na rien oublié. Surtout pas ce moment où, pour montrer aux externes « comment on voit quune personne est vivante ou morte », un médecin lui a tordu le téton en concluant « vous voyez, pas de réaction » alors quelle ressentait une douleur insupportable.
Raymond, son mari, policier à la retraite, reste dévasté à son chevet. Elle reconnaît son souffle, quil a court depuis que le médecin lui a dit : « Il va falloir la débrancher. Plus rien ne fonctionne à part le cur. » Lui essaye de mettre de la musique, pour la maintenir en vie. « Au début, je fredonnais à lintérieur, et puis cest devenu un cauchemar ça aussi, admet Angèle. Les mêmes chansons en boucle, tout le temps » Raymond finira par aller choisir le cercueil, en chêne clair capitonné de satin blanc. Les obsèques sont fixées au 20 juillet. Puis il se ravise face au chagrin de leur fille Cathy et de leurs deux petites-filles « Jétais perdu, avoue-t-il. Je la voyais morte, mais je ne pouvais pas accepter quon la tue. »
Angèle, mortifiée, se dit quelle a bien fait de demander à être incinérée. Au moins, elle ne serait pas enterrée vivante. « Et puis jai réalisé que javais autorisé le don dorganes, et là, ça a été la panique. Jétais terrifiée à lidée quils marrachent le cur sans anesthésie. Je sanglotais, et ils ne voyaient rien. » Et puis le 25 juillet, douze jours après le trou noir, cest son anniversaire de mariage. Raymond et Cathy sont là, à la supplier de ne pas les quitter. A sa propre stupéfaction, une larme jaillit sur la joue dAngèle. « Jai entendu ma fille crier, appeler les infirmières. On lui a répondu mais non, cest du collyre Mais je pleurais vraiment, et la tristesse sest transformée en euphorie! » Le soir même, Angèle bougeait un doigt. Le lendemain, un orteil. Et sil lui a fallu encore quatre mois pour respirer sans tubes, tout lhôpital a assisté, perplexe, à une résurrection digne de ce nom. « Je ne sais pas doù je reviens », sourit aujourdhui Angèle en regardant son Raymond, auprès duquel elle savoure aujourdhui, quasi rétablie, ce rab de vie. « Je nai pas fait ce livre pour critiquer leuthanasie Franchement moi-même je voulais quon me débranche Mais si ça peut donner de lespoir à ceux qui croient leur proche parti, si on peut respecter davantage les gens dans le coma, alors je pourrai mourir tranquille quand mon heure viendra! »
Le Parisien
Et puis il y a eu des pas, des voix, des bips Et Angèle Lieby a réalisé limpensable : lhôpital où elle avait été admise pour une violente migraine était intact.
Mais elle y était considérée comme morte. Un corps inerte, intubé, relié à des machines, dans lequel son esprit conscient et tétanisé a vécu enfermée pendant deux interminables semaines, trompant médecins et encéphalogrammes. Tout entendre et ne pas pouvoir hurler, cest lenfer que cette Strasbourgeoise de 59 ans a voulu raconter, trois ans après ce terrible 13 juillet 2009, dans « Une larme ma sauvée »*.
« Cest un peu une thérapie Mais cest surtout un cri du cur : tant quon nest pas mort, on est vivant! »
Considérer quelquun comme vivant, même lorsquil semble plongé dans un coma irréversible, cest ne pas lui enfoncer sans ménagement des instruments métalliques dans la gorge. Ne pas le retourner comme un paquet de viande. Ne pas lâcher, au pied de son lit, « elle va bientôt clamser ». Angèle na rien oublié. Surtout pas ce moment où, pour montrer aux externes « comment on voit quune personne est vivante ou morte », un médecin lui a tordu le téton en concluant « vous voyez, pas de réaction » alors quelle ressentait une douleur insupportable.
Raymond, son mari, policier à la retraite, reste dévasté à son chevet. Elle reconnaît son souffle, quil a court depuis que le médecin lui a dit : « Il va falloir la débrancher. Plus rien ne fonctionne à part le cur. » Lui essaye de mettre de la musique, pour la maintenir en vie. « Au début, je fredonnais à lintérieur, et puis cest devenu un cauchemar ça aussi, admet Angèle. Les mêmes chansons en boucle, tout le temps » Raymond finira par aller choisir le cercueil, en chêne clair capitonné de satin blanc. Les obsèques sont fixées au 20 juillet. Puis il se ravise face au chagrin de leur fille Cathy et de leurs deux petites-filles « Jétais perdu, avoue-t-il. Je la voyais morte, mais je ne pouvais pas accepter quon la tue. »
Angèle, mortifiée, se dit quelle a bien fait de demander à être incinérée. Au moins, elle ne serait pas enterrée vivante. « Et puis jai réalisé que javais autorisé le don dorganes, et là, ça a été la panique. Jétais terrifiée à lidée quils marrachent le cur sans anesthésie. Je sanglotais, et ils ne voyaient rien. » Et puis le 25 juillet, douze jours après le trou noir, cest son anniversaire de mariage. Raymond et Cathy sont là, à la supplier de ne pas les quitter. A sa propre stupéfaction, une larme jaillit sur la joue dAngèle. « Jai entendu ma fille crier, appeler les infirmières. On lui a répondu mais non, cest du collyre Mais je pleurais vraiment, et la tristesse sest transformée en euphorie! » Le soir même, Angèle bougeait un doigt. Le lendemain, un orteil. Et sil lui a fallu encore quatre mois pour respirer sans tubes, tout lhôpital a assisté, perplexe, à une résurrection digne de ce nom. « Je ne sais pas doù je reviens », sourit aujourdhui Angèle en regardant son Raymond, auprès duquel elle savoure aujourdhui, quasi rétablie, ce rab de vie. « Je nai pas fait ce livre pour critiquer leuthanasie Franchement moi-même je voulais quon me débranche Mais si ça peut donner de lespoir à ceux qui croient leur proche parti, si on peut respecter davantage les gens dans le coma, alors je pourrai mourir tranquille quand mon heure viendra! »
Le Parisien