A mes concitoyen(ne)s tunisien(ne)s de France

Dans un texte poignant, une franco-tunisienne résidant à Dijon, met en garde contre les dangers de l'abstention pour l'élection du 23 octobre prochain.
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Le 23 octobre approche, le vote des tunisiens en France rapporte 10 sièges à l’Assemblée Constituante tunisienne. La voix de chacune et de chacun d’entre nous compte.

La révolution tunisienne porte en elle l’espoir d’une vraie liberté. Cet espoir peut être compromis par une éventuelle victoire du parti Ennahdha. Nos martyrs de la liberté et de la dignité ne sont pas morts pour remplacer une dictature par une autre. La Tunisie de la liberté et du progrès a besoin de la voix de chacune et de chacun d’entre nous. La Tunisie a besoin d’un projet apportant des solutions pour que nos compatriotes vivent dans la dignité, dans un pays libre, dans un Etat de droit non corrompu, où la justice et les médias sont indépendants. Elle n’a pas besoin qu’Ennahdha lui dicte les lois rétrogrades promises par ce parti.

Pionnière des libertés en Méditerranée, abolitionniste de l’esclavage et légalisatrice de l’avortement avant la France, pionnière des droits des femmes dans le monde arabe, la Tunisie par sa Révolution du Jasmin a rejoint les révolutions universelles de l’Histoire touchant tous ceux qui sont épris de liberté, au-delà des frontières. Ennahdha serait un intrus dans cette Histoire comme l’a été le régime déchu. Voilà un demi-siècle que nous attendons des élections libres. Ce jour est arrivé.

Usons de cette liberté si chèrement conquise qu’est le vote pour remplir notre rôle de citoyenne et de citoyen. Attention ! L'abstention donne le pouvoir à Ennahdha ainsi que le vote blanc. Les options alternatives sont suffisamment nombreuses en dehors de ce parti. Vous avez le choix pour voter tout, sauf blanc ou Ennahdha. Ennahdha promet que les femmes seront libres mais qu’elles devront obéir à leur mari, rester à la maison pour ne pas prendre le travail des hommes, se cacher des regards étrangers. Ces positions sont-elles motivées par la loi musulmane ou bien sont-elles celles de tous les machos du monde ? Si Ennahdha impose ses idées, la souveraineté du Peuple sera volée par une pseudo- souveraineté, soi-disant, divine, et le citoyen sera à nouveau muselé.

A la date du 13 septembre,sur le site internet d'Ennahdha, la rubrique « libertés » affiche « page en construction ». Peut-on laisser l'issue de la Révolution de la liberté et de la dignité au main d'un parti politique qui n'a pas d'idée sur les questions des libertés? Nous voyons là l'aveu d'une promesse d'un pays sans liberté. L’Histoire de l’Iran, cette nation cultivée au passé riche et ouvert prise en otage par un régime islamique, peut-elle nous servir de leçon ? Des iraniennes nous mettent en garde. Elles nous alertent : des femmes qui espéraient un avenir meilleur ont vu leurs lendemains assombris et elles pleurent leurs libertés confisquées sous un habit de deuil. En février 1979, le peuple iranien chasse un dictateur et aspire à une vie enfin libre. Un mois plus tard, la veille du 8 mars, l’ayatollah Khomeiny conditionne la présence des femmes dans les lieux de travail au port du voile islamique. Des centaines de milliers de femmes manifestent dans les rues de Téhéran et d’autres villes contre le port obligatoire du hidjab et pour l’égalité. Ce fut le début d’une longue série de lois discriminatoires.
 
Et qui a oublié ces iraniens demandant où étaient passés leurs votes au moment de l’élection présidentielle de 2009, qui a oublié les morts qui ont suivi ? Voulons-nous cela pour notre Pays? Demain, nous devons porter au pouvoir ceux qui œuvreront pour la solidarité, l’égalité, la dignité et non pour l’intégrisme qui serait le fossoyeur de notre Tunisie moderne. Ennahdha élu = droits des femmes déchus et libertés foutues ! Ennahdha veut priver la Tunisie de la moitié de ses ressources, la « moitié de sa population » aurait dit Averroès. La victoire d’Ennahdha serait l’échec de la Révolution des Libertés et de la Dignité pour les femmes. Femmes et hommes, jeunes licenciés, chômeurs de longue durée, les laissés pour compte de la croissance tunisienne, les porteurs d’initiative, on a tous à perdre d’une victoire d’Ennhadha !

Le programme économique et social d’Ennahdha se résume à des idées archaïques. Elles ne seront pas la réponse aux attentes légitimes des tunisiennes et de tunisiens cherchant à gagner leur dignité. On ne peut répondre aux problèmes d’aujourd’hui avec des propositions moyenâgeuses. Tahar Haddad, penseur tunisien et l'un des fondateurs du syndicalisme tunisien disait que l’avenir d’un pays ne pouvait pas se faire sans les femmes. Et Tahar Haddad est un contemporain et ami du poète Abou el Kacem Chebbi, l’auteur des vers mythiques "Lorsque le peuple un jour veut la vie/ Force est au destin de répondre /Aux ténèbres de se dissiper /Aux chaînes de se briser", scandés par les révoltés tunisiens pour chasser le dictateur Ben Ali. La pensée de ces deux visionnaires a inspiré les grandes pages de l’Histoire tunisienne. Choisissons des partis politiques ayants de réels programmes politiques, sociaux, économiques et culturels pour résoudre les problèmes engageant l’avenir de notre Pays et non des idées simplistes et sexistes.

Si vous avez peur qu’Ennahdha soit majoritaire le 24 octobre, parlez à vos connaissances, à vos voisins, faites passer le message, contactez tous vos amis, de facebook et d’ailleurs, et persuadez le plus de gens possible que pour garantir une Tunisie libre et respectueuse des Droits Humains, vous pouvez voter pour toutes les listes que vous voudrez sauf…. celles d’Ennahdha !

Sarra HORCHANI Franco-tunisienne résidente en France à Dijon

PS: Pour tout savoir sur les élections, consulter le site officiel de l'Instance Supérieure Indépendante pour les élections de l'assemblée constituante: http://www.isie.tn/Fr

Attention, en France les tunisiens votent le 20,21 et 22 octobre.
http://www.bienpublic.com/actualite/2011/09/15/a-mes-concitoyen(ne)s-tunisien(ne)s-de-france
 
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