Corruption au maroc : la réforme du code pénal reste insuffisante

En trois semaines, le Maroc a enregistré la réforme du code pénal qui condamne désormais plus sévèrement la corruption, et la publication de la liste des magistrats promus et sanctionnés par la Conseil supérieur de la magistrature. Elles forment des avancées réelles dans la lutte nationale contre la corruption, mais reste en deçà des attentes de l'Instance nationale de de protection des biens publics et de l'Instance centrale de prévention de la corruption.

« Tous les amendements au code pénal relatifs à la corruption sont tirées des recommandations du rapport 2010-2011 de l’Instance Centrale de Prévention de la Corruption [ICPC] », indique Jamal Moussaoui, responsable de l’Entité Coordination & Coopération Nationale au sein de l’ICPC, mais toutes ses recommandations n’ont pas été retenues pour autant. Loin s’en faut. Le 12 août, la réforme du code pénal sur la corruption a été publiée au bulletin officiel, tandis que le dimanche 1er septembre le Conseil supérieur de la magistrature publiait la liste des promotions et sanctions contre les magistrats. « Cette publication est une bonne chose, elle entre dans le cadre d’une transparence nécessaire », juge Samir Bouzid, vice président de l’Instance nationale de protection des biens publics.

« Je ne dirai pas que la réforme du code pénal est une grande avancée, mais c’est déjà un mieux », accorde Jamal Moussaoui. Grâce à cette réforme, la responsabilité pénale des magistrats et des fonctionnaires publics est accentués et les peines encourues pour corruption ont été substantiellement aggravées. De plus, celui qui dénonce un cas de corruption, même s’il est lui-même le corrupteur, ne risque aucune poursuite. Pour Samir Bouzid, il aurait fallu aller encore plus loin : « les témoins d’actes de corruption devraient être également économiquement protégés. »

Supprimer la prescription

Selon Jamal Moussaoui, certaines propositions essentielles de l’ICPC n’ont toujours pas été prises en compte dans la réforme. « Nous pensons qu’il faut élargir le champs des sanctions aux tentatives de corruption, aux intermédiaires, aux agents publics étrangers », explique Jamal Moussaoui. Il s’agirait de pouvoir poursuivre un intermédiaire dans une transaction.
La réforme ne touche pas non plus à la durée de prescription des actes de corruption. « Elle doit être allongée, voire simplement supprimée. Elle s’élève à 10 ans aujourd’hui, c’est trop court », estime Jamal Moussaoui. « Pour lutter contre l’impunité, il faut accélérer également les procédures en cours et envisager de poser un plafond raisonnable à la durée de la procédure judiciaire », ajoute Samir Bouzid.
Aucun amendement n’a été apporté pour réduire les inégalités de traitement. « Toutes les situations de corruption, quel qu’en soit l’objet, doivent être pénalisées de la même manière, aujourd’hui il y a un décalage entre les peines encourues pour corruption dans l’administration, par exemple, et celles risquées dans le cadre d’une campagne électorale », considère Jamal Moussaoui.

Pas de stratégie nationale

La liste des modifications à opérer sur le code pénal est encore longue selon l’ICPC et l’Instance de protections des biens publics, mais toutes deux s’accordent à dire qu’aucune mesure ne sera réellement efficace sans une politique nationale globale contre la corruption. Début août, « le ministère de la Fonction publique a lancé une étude pour définir une stratégie nationale qui devrait être finalisée fin 2014, début 2015 », rappelle Jamal Moussaoui.
« Sans prendre en considération l’ensemble du système judiciaire, son indépendance, la protection personnelles des juges et tous les aspects de la corruption, nous resterons à discuter du bien fondé des décisions de promotions et de sanctions prises par le Conseil supérieur de la magistrature », estime Samir Bouzid.

Source Yabiladi.
 
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