Déchéance de la nationalité belge : vif débat ps – mr

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PLD (Peace, Love and Diversity)
http://info.catho.be/2015/01/28/decheance-de-la-nationalite-belge-vif-debat-ps-mr/#.VMqtHI10zIU
Rudi Vervoort (PS), le ministre-président bruxellois, a déclaré que la possibilité de déchoir une personne de la nationalité belge, suite à des faits de terrorisme, se rapprochait des pratiques de l’Allemagne nazie. En réponse à cette charge, plusieurs personnalités du MR ont exprimé leur indignation. Au-delà de cette passe d’armes, que penser de cette mesure ?
Rudi Vervoort a réagi à la volonté du gouvernement fédéral de déchoir de la nationalité belge les binationaux condamnés pour des faits de terrorisme, dans l’édition de l’Echo de ce mercredi 28 janvier. Il y compare ce projet à certaines pratiques du régime nazi à l’égard des Juifs.
« Le débat sur la déchéance de nationalité qui se mène au Fédéral pose des questions sérieuses. La déchéance de nationalité, cela a toujours été une arme utilisée par les régimes extrêmes. Quand on voit Auschwitz, quand on voit que dans l’Allemagne hitlérienne, les premières lois qui ont été votées, ce sont les déchéances de nationalité pour les Juifs. Le contexte est différent, mais regardez, on reprend quand même ces vieilles recettes aujourd’hui« , affirme notamment Monsieur Vervoort dans le cadre d’une interview sur le comité de concertation.
« La déchéance de nationalité, c’est une recette qui a été utilisée par les Allemands pour considérer que les Juifs n’étaient pas des citoyens à part entière. Le régime de Vichy a fait la même chose: les lois d’exception de Vichy, c’était aussi la déchéance de nationalité des Juifs français à qui on retirait tous leurs biens. La déchéance de nationalité, ça a une histoire« , ajoute-t-il.
Indignation
Ces propos particulièrement virulents ont provoqué des réactions indignées au sein du Mouvement réformateur (MR), parti du premier ministre Charles Michel.
Pour Frédéric Cauderlier, porte-parole de ce dernier, il s’agit de »déclarations écœurantes », au lendemain de la célébration de la libération du camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau.
Interrogé sur La Première, le vice-premier ministre Didier Reynders a jugé la sortie de Rudi Vervoort « indigne« .
Il indique que la déchéance de nationalité est débattue dans d’autres pays d’Europe, comme en France, où la mesure peut être décidée par un magistrat. Si l’on ne fait pas la différence entre le régime nazi et la lutte contre le terrorisme, l’on risque d’être confronté à un malaise, ajoute-t-il.
Denis Ducarme, chef de groupe MR à la Chambre, a également déploré ces propos, quelques jours après de vifs échanges que lui-même a eu avec Rachid Madrane (PS), ministre à la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Mise au point
Face à ces vives réactions, le ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale a tenu à faire une mise au point. « Mon intention était de rappeler des faits et de me référer à l’Histoire pour soulever une question et ouvrir le débat mais en aucun cas de blesser ou de heurter qui que ce soit. Si c’est le cas, j’en suis désolé », a-t-il déclaré.
Rudi Vervoort a également précisé que son intention n’était en aucun cas de comparer le gouvernement fédéral au régime nazi.
« La lutte contre le terrorisme et le radicalisme constitue des questions fondamentales. Cependant, il y a des propositions, dont le retrait de la nationalité, qui suscitent des inquiétudes réelles et légitimes au niveau des droits de l’Homme et des libertés« , a encore commenté Monsieur Vervoort.
Une mesure légitime et efficace ?
Au-delà de la polémique suscitée par les déclarations de Rudi Vervoort, la mesure consistant à déchoir de la nationalité belge des personnes condamnées pour terrorisme suscite différentes questions.
Rappelons d’abord que le texte de loi fondant la déchéance de nationalité a fait l’objet de trois modifications en… deux ans. Il ne s’agit pas d’une mesure nouvelle, mais que le gouvernement fédéral propose de modifier une nouvelle fois aujourd’hui, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Dans sa version actuelle, datant de 2013, la loi prévoit qu’un ressortissant belge peut être privé de sa nationalité s’il a été jugé coupable d’infractions terroristes. Ce qui recouvre, par exemple, le fait de fournir des informations, de l’argent ou des moyens matériels à un groupe terroriste. Il ne faut donc pas aller jusqu’à rallier l’organisation « Etat islamique » pour risquer une déchéance.
Pour le moment, le recrutement d’une personne en vue de commettre un crime terroriste ou la diffusion d’informations allant en ce sens sont pénalement punissables, mais n’entraînent pas le risque d’une déchéance de nationalité. Faudrait-il aller jusque-là ? Pour de nombreux juristes, la législation en vigueur suffit.
Ces juristes relèvent aussi le danger de voir le pouvoir de prononcer une déchéance accordée à l’exécutif. Pour eux, il ne saurait être question de déchéance automatique. Celle-ci devrait nécessairement requérir l’intervention d’une instance judiciaire, comme c’est le cas actuellement, afin d’éviter des abus.
Il faut aussi, disent-ils, tenir compte du moment où la nationalité belge a été accordée. L’enlever alors qu’elle court depuis plus de dix ans serait contraire au droit, selon eux.
Deux catégories de coupables ?
Pour la Ligue des droits de l’homme (LDH), cette mesure risque « risque (…) de créer deux catégories distinctes de citoyens belges: ceux dont la nationalité ne pourra jamais être retirée et ceux qui risquent à tout moment de pouvoir la perdre« , menaçant le « vivre-ensemble » et créant « une inégalité de traitement des citoyens sur base de leurs origines« .
De fait, la déchéance de nationalité ne peut concerner les personnes ayant obtenu la nationalité belge d’un de leurs parents (c’est-à-dire les Belges dits « de souche »), ni les »étrangers » de la troisième génération, nés en Belgique d’un parent lui-même né en Belgique. Autrement dit, un « Belge d’origine » ne peut, quoiqu’il fasse, perdre sa nationalité, puisqu’on ne peut rendre quelqu’un apatride… Ce qui, par conséquent, entraîne de facto une différence de traitement des citoyens qui seraient pourtant condamnés pour les mêmes crimes. Autrement dit, seuls des personnes ayant une double nationalité (belge et autre) risquent de se voir déchus de la nationalité belge.
Outre ce problème juridique touchant au droits fondamentaux des personnes, se pose la question de l’efficacité d’une telle mesure. En quoi le fait de déchoir un terroriste avéré de la nationalité belge favorise-t-elle la lutte contre le radicalisme jihadiste ? Le fait qu’une personne soit condamnée, et par conséquent incarcérée, n’est-elle pas, en soi, une mesure suffisamment efficace pour empêcher la personne de nuire ? A moins de considérer qu’un condamné, déchu de la nationalité belge, doive être expulsé de notre territoire. Mais cela ne revient-il pas, dans ce cas de figure, à perdre tout contrôle sur les éventuels agissements de cette personne – que celle-ci soit ou non incarcérée dans son pays « d’origine » ?
 
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