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Des nouvelles de salman rushdie : combattre l'extremisme n'est pas combattre l'islam
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[QUOTE="droitreponse, post: 13985588, member: 377946"] Comment expliquez-vous l'extraordinaire violence, la glorification de l'atrocité? [B]La différence avec l'époque de la fatwa réside dans l'apparition des réseaux sociaux, dans leur rapidité de transmission de l'information, dans leur utilisation experte, qui attise le glamour et la surexcitation. Surtout, ils engendrent la peur. L'objectif est de démultiplier leur pouvoir par la terreur. Je pense à La Peste, de Camus, ou à Rhinocéros, de Ionesco. Des livres qui parlaient certes d'un autre totalitarisme, mais décrivent la même infection de l'esprit. [/B] Peut-on blâmer l'Occident? Daech abat des frontières coloniales artificielles, détruit des pays comme l'Irak, dont les factions n'étaient retenues que par le règne brutal d'un tyran. [B]Oui, l'aventure de Bush là-bas - si mal conçue -a contribué à la situation actuelle. Mais la grande erreur historique dont nous payons le prix aujourd'hui reste le soutien occidental à l'Arabie saoudite. Avant que cette dynastie soit consacrée grande maîtresse planétaire du pétrole, le wahhabisme n'était qu'une secte microscopique dénuée de la moindre influence. Mais sa richesse colossale lui a permis de propager pendant des générations et dans le monde entier sa vision de l'islam. Et voici sa croyance fanatique érigée en norme religieuse mondiale. [/B] Quand je vois le président américain interrompre sa visite au Taj Mahal pour rejoindre les leaders occidentaux accourus à Riyad au décès du prince, je voudrais rappeler que ces gens ne sont pas nos amis, ils sont la source du poison. La fatwa de 1989 annonçait-elle l'extrémisme actuel? J'ai écrit dans mes Mémoires que l'affaire des Versets sataniques était la première note de cette musique. Et que nous entendons aujourd'hui la symphonie macabre. Je recours aussi à l'image des Oiseaux, de Hitchcock. Quand un seul oiseau se pose sur un rebord de fenêtre, personne n'y prête grande attention. Mais, quand le ciel en est rempli, et qu'ils attaquent, on se souvient enfin de ce premier oiseau, signe prémonitoire. Je vivais aux Etats-Unis le 11 septembre 2001 et, au lendemain des attentats, des intellectuels m'ont dit qu'ils comprenaient enfin ce qu'il m'était arrivé en 1989. Parce qu'ils le vivaient à leur tour. Ah bon? Il fallait en passer par cette calamité terroriste ? ! Personne n'a rien vu venir? En 1989, on a tenté de marginaliser ce qu'il m'arrivait en décrivant mon sort comme exceptionnel, en refusant de le rendre exemplaire. Mes défenseurs s'écriaient qu'aucun écrivain n'avait jamais été traité de la sorte et qu'il fallait donc me soutenir. Mes détracteurs disaient que mes écrits étaient si affreusement répréhensibles qu'ils ne méritaient pas d'être protégés par la liberté d'expression. D'un côté comme de l'autre, mon cas était considéré comme "à part". Soit. Aucun écrivain connu de langue anglaise n'avait subi cela en Occident, mais ces violences contre des auteurs ont eu lieu partout, en Iran, en Turquie, en Libye, au Pakistan, au Nigeria, en Arabie saoudite, en Egypte, comme l'a vécu Naguib Mahfouz. Critiquer ces forces, ce n'est donc pas critiquer l'islam. Garder le silence ne rend pas service aux musulmans. Que faut-il faire? [B]En finir avec ce tabou de la prétendue "islamophobie". Je le répète. Pourquoi ne pourrait-on débattre de l'islam ? Il est possible de respecter des individus, de les préserver de l'intolérance, tout en affichant son scepticisme envers leurs idées, voire en les critiquant farouchement. [/B] Nous n'avons parlé que de djihadisme, et pas encore de l'auteur Rushdie... Parce que le cas de Charlie Hebdo s'y prêtait. Mais, franchement, je n'aime pas parler de ces sujets, gloser ainsi sur les bons et les méchants. Vu mon histoire, on me pose souvent ce genre de questions. Or je ne suis pas un analyste politique mais un écrivain de l'imaginaire. Les Versets sataniques ont déformé la vision que l'on peut avoir de moi en tant qu'artiste. Je suis devenu la référence pour les questions d'islam, alors qu'à l'exception des Versets, en l'occurrence une courte partie du livre, je ne me suis jamais vu comme un écrivain du religieux. J'ai été élevé dans une famille non pratiquante. Ma mère est un petit peu plus croyante, surtout depuis la mort de mon père. Et je vivais à Bombay, une ville à l'époque plus laïque que toute autre en Inde, qui est devenue bien plus sectaire aujourd'hui, à voir les conflits entre musulmans et hindous. A l'époque de leur mariage, mes parents vivaient à Delhi, dont est originaire la famille de mon père, et, après la partition de l'Inde, ils ont décidé, comme 100 millions de musulmans, de ne pas aller au Pakistan, car, faute de foi suffisante, ils se sentaient avant tout indiens. Mais ils ont quitté Delhi, trop dangereuse en raison des affrontements entre communautés, pour s'installer à Bombay, où régnaient une tolérance, une harmonie dont j'ai gardé un souvenir idyllique. Il est rare aujourd'hui qu'un musulman connu se proclame si ouvertement laïque. C'était courant dans ma génération, et dans les années 1960 et 1970. Nombre de villes, telles Beyrouth, Téhéran ou Damas, qui sont de nos jours des lieux de conflits majeurs, étaient ouvertes, sophistiquées et multiculturelles. De mon vivant, j'ai vu ces lieux de refermer, et le seul motif d'optimisme qui me reste est celui-là ; si un tel changement a pu se produire au cours de la vie d'un homme, il peut sans doute être inversé aussi rapidement. Etes-vous aussi optimiste que cela? Je ne suis pas très porté sur le marxisme, mais j'aime bien ce que disait Gramsci, qu'il faut un pessimisme de l'intellect et un optimisme de la volonté. Qui aurait cru, un an avant qu'il advienne, à la chute du colossal édifice communiste? Hitler n'était pas invincible, pour peu qu'on accepte les sacrifices gigantesques nécessaires à sa défaite. J'ai étudié l'histoire dans ma jeunesse et découvert sa capacité de surprendre. Rien n'est inévitable, tout peut être effacé à grande vitesse. La sagesse, ce n'est pas d'être pessimiste ou optimiste, mais d'observer, de savoir quelles sont nos valeurs et de ne rien concéder. Car cette culture de liberté n'a pas été bâtie facilement. Les Français le savent bien, pour y avoir contribué considérablement. Sans les Lumières, nous n'aurions pas eu Thomas Paine, ni la Déclaration d'indépendance, ni cette statue dans le port de New York. L'écrivain porte-t-il ce flambeau de la liberté? Est-ce son rôle? J'ignore quel est son rôle et je ne suis pas de ceux qui veulent lui en donner un. L'une des joies de la littérature, c'est qu'elle porte en elle-même sa propre justification. Elle n'est pas là pour donner des leçons. Je n'aime pas les livres qui prêchent, les oeuvres d'art qui portent des messages. Le rôle de la fiction est de créer des mondes imaginés, que les lecteurs aiment habiter et qui les poussent à penser leurs propres vies. Le but de l'art est profond. Saul Bellow a dit que l'art mène des affaires sérieuses aux racines de la nature humaine. Notre rôle est d'examiner ce qu'est un être humain, individuellement et collectivement, et comment vivre sur cette terre. Les hasards de ma vie m'ont permis d'écrire sur des choses qui sont aujourd'hui au coeur de l'humanité : la question de l'immigration, de la collision des cultures, des récits nationaux et des histoires qui, à l'instar de celle des Palestiniens et de celle des Israéliens, revendiquent le même espace terrestre. J'ai vécu pour moitié en Occident, pour l'autre en Orient, et ces accidents de la vie me permettent de placer mes récits dans des lieux aussi différents que San Francisco et Islamabad. J'envie ces autres écrivains qui ont passé leur existence au même endroit, des auteurs profondément enracinés, comme Faulkner, qui a pu tirer une oeuvre monumentale des dix rues que compte Oxford (Mississippi). Mais mon sort a été différent, et j'ai reçu en don ces perspectives multiples. Aussi, le monde a changé. Jadis, les lieux étaient éloignés les uns des autres. Regardez Jane Austen décrivant, en 1812, son univers dans Orgueil et préjugés sans éprouver un instant le besoin de faire allusion à la guerre en cours contre Napoléon. Les soldats de l'armée anglaise n'apparaissent dans son livre que comme de mignons figurants invités aux réceptions. A la séparation géographique s'en ajoutait une autre, entre les sphères privée et publique. Les écrivains pouvaient narrer une vie personnelle sans avoir à prendre en compte les événements extérieurs et, a fortiori, internationaux, dans la mesure où ils n'affectaient pas le quotidien. Aujourd'hui, tout s'entrechoque, s'entrecroise, et l'écrivain se demande comment écrire sur ce monde nouveau. Pensons au 11 septembre 2001, à New York. Ce jour-là, l'histoire de New York et celle du monde arabe sont devenues... la même chose. On ne peut plus comprendre l'histoire de la ville sans connaître celle qui propulsait ces avions. Ces collisions-là ont maintenant lieu tous les jours. [/QUOTE]
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