Dom Juan de Molière, Acte III scène 2

Ce thread est cree suite aux nombreux post de moussa30!

j'espere qu'il sera tirer bon profit de cette morale de l'ouvre de moliere.

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Texte étudié : Dom Juan (acte III, scène 2), la scène du pauvre

Auteur : Molière (1622, 1673)
Le plan détaillé du commentaire :
I. La séduction

1) Deux visions contradictoires

Cette scène permet d’opposer deux systèmes de valeurs et de les éprouver. Dans tout le début de la scène jusqu’à ce que Dom Juan décide de tenter le pauvre, celui-ci critique ouvertement un conseil qui demande à être payé en retour («ton avis est intéressé, à ce que je vois »), c’est sûrement en prévision de cette demande que Dom Juan fait preuve d’une politesse excessive (« Je te suis bien obligé, mon ami, et je te rends grâce de tout mon coeur ») peut-être ironique. Suite à ce qui lui semble être davantage un marché qu’un conseil désintéressé, il lui refuse la charité, devoir important à l’époque. Il se montre donc comme un froid raisonneur comme le souligne Sganarelle qui rappelle sa philosophie de vie par : « il ne croit qu’en deux et deux sont quatre, et en quatre et quatre sont huit ». Ainsi, chacun affirme sa vision du monde, catholique pour le pauvre et matérialiste pour Dom Juan.

2) Une nouvelle forme de séduction

Dom Juan fait d’abord preuve d’une politesse excessive afin d’amener le Pauvre à demander l’aumône. Il emploie ensuite la raillerie pour mettre à jour les propres contradictions du Pauvre, sur lesquelles nous reviendrons.

Se met ensuite en place un dialogue proche du dialogue dialectique qui doit amener à un choix et une tension grandissante visant à faire céder le pauvre à la tentation : il le tente en parlant du Louis d’or avant de dire à quelle condition il lui donnera (« je te veux donner un louis d’or »), puis il renchérit (« Tu n’as qu’à voir si tu veux gagner un louis d’or ou non »), insiste (« En voici un que je te donne »,« Tiens »), il lui tend ensuite et lui met quasiment dans la main, sa demande se faisant plus pressante (« Prends, le voilà »). Cette insistance est soutenue par l’emploi de l’impératif (« Tiens », « va », « prends »).

3) Un Sganarelle décidément tenté par le modèle libertin

Sganarelle qui avait présenté son maître comme un tyran auquel il n’obéissait que sous la contrainte trahi le fait qu’il est bel et bien tenté par l’impiété et le libertinage mais qu’il est trop pleutre pour aller jusqu’à de tels excès, c’est ce que nous laisse entendre le « jure un peu », comme s’il était possible de trouver un moyen de pécher mais pas au point de risquer un châtiment divin. De même, on peut s’interroger sur sa moralité qui n’est décidément qu’une façade, quand il dit « il n’y a pas de mal », le mal ne serait pas le péché ou l’impiété mais son caractère visible et ostentatoire. Il fait contrepoint avec son maître et le valorise, car il n’a pas le courage de Dom Juan et sa piété est une forme de lâcheté, il s’accommoderait sans problème avec des compromissions pas trop voyantes pour son plaisir mais ne peut se décider à une forme de rébellion ostentatoire de crainte du « Ciel », de l’ « Enfer » ou du « loup-garou ».

II. Une double épreuve

1) Une épreuve pour Dom Juan ?

Rencontre faussement fortuite où un fort symbolisme nous laisse entendre qu’après s’être perdu, Dom Juan demande au Pauvre de lui indiquer le chemin, celui qui mène à sa destination, ou celui qui mène à la rédemption ? Personnage du Pauvre symbolique, presque l’allégorie de la pauvreté qui met en question la notion de charité chrétienne. C’est ce qu’indique la majuscule de son nom.

L’épreuve du Pauvre n’en serait qu’une parmi bien d’autres qui jalonnent le parcours de Dom Juan, il s’agirait de voir s’il est accessible à la pitié face au faible et s’il remplit son devoir de charité. Cette épreuve serait aussi une étape de plus dans son impiété, en marquerait un aspect supplémentaire, car s’il semble vainqueur dans l’échange du fait aussi de son statut social et de sa position, la victoire finale n’est pas de son côté.
 
2) Une épreuve pour le Pauvre

Finalement, c’est plutôt le Pauvre qui subit une épreuve. Il est d’abord mis face à ses propres contradictions. Tout d’abord, Dom Juan montre que l’aide du pauvre est intéressée (« ton avis est intéressé »). Ensuite il souligne l’illogisme qu’il y a à prier pour la prospérité des autres alors que lui- même est dans la misère, et à s’occuper davantage des autres que de lui-même. Enfin lorsque le Pauvre dit qu’il prie pour les « gens de bien qui lui donnent quelque chose », il présente la prière comme un mode de paiement, une activité intéressée et une forme de flatterie pour motiver le don. Dom Juan ne relèvera pas ce point et préfèrera l’attaquer sur son oisiveté. Sa question est déjà une moquerie, par l’opposition entre « occupation» et « arbres ». Le contraste entre le ton railleur de Dom Juan et l’humilité du pauvre est également à remarquer. Ainsi, Dom Juan met en relief l’inutilité de prières qui ne récompensent pas celui qui les fait et le ridicule et l’hypocrisie de la situation du Pauvre qui ferait mieux de s’occuper de lui-même plutôt que du sort de ses donateurs. Il laisse entendre qu’il y a là une preuve supplémentaire de l’inexistence d’un Dieu qui laisse ses fidèles dans le dénuement.

3) La recherche sincère d’une foi réelle ?

Par son geste final, on peut se demander si Dom Juan reconnaît et respecte la foi véritable du Pauvre qui ne capitule pas et donc montre la supériorité de sa croyance sur la tentation, la supériorité aussi des valeurs célestes aux valeurs terrestres. Dom Juan est constamment en quête de Dieu, cette quête se fait sous une forme provocante, mais cette provocation même est un appel, une volonté de connaître et d’éprouver Dieu. Ce qui n’est pas une démarche athée mais impie, si Dom Juan était véritablement convaincu de l’inexistence de Dieu pourquoi perdre tant de temps à l’offenser ? Dom Juan apparaît de toute façon sous les traits de l’éternel insatiable, ce n’est pas une femme qu’il désire mais le désir même ainsi que le plaisir de la conquête, de même il semble ne pas pouvoir arrêter de chercher Dieu mais de façon négative par le péché et le blasphème. Il admirerait donc le Pauvre. On peut aussi voir ce geste comme son refus de capituler et de n’avoir pas le dernier mot et de passer pour un seigneur.

Le texte :
ACTE III, scène 2 – Dom Juan, Sganarelle, Francisque.

SGANARELLE. Enseignez-nous un peu le chemin qui meine à la Ville.

LE PAUVRE. Vous n’avez qu’à suivre cette route, Messieurs, et détourner à main droite quand vous serez au bout de la forest. Mais je vous donne avis que vous devez vous tenir sur vos gardes, et que depuis quelque temps, il y a des voleurs icy autour.

D. JUAN. Je te suis bien obligé, mon amy, et je te rends graces de tout mon coeur.

LE PAUVRE. Si vous vouliez, Monsieur, me secourir de quelque aumosne.

D. JUAN. Ah, ah, ton avis est interessé à ce que je vois.

LE PAUVRE. Je suis un Pauvre homme, Monsieur, retiré tout seul dans ce bois depuis dix ans, et je ne manqueray pas de prier le Ciel qu’il vous donne toute sorte de biens.

D. JUAN. Eh, prie-le qu’il te donne un habit, sans te mettre en peine des affaires des autres.

SGANARELLE. Vous ne connoissez pas Monsieur, bon homme, il ne croit qu’en deux et deux sont quatre, et en quatre et quatre sont huit.

D. JUAN. Quelle est ton occupation parmy ces arbres ?

LE PAUVRE. De prier le Ciel tout le jour pour la prosperité des gens de bien qui me donnent quelque chose.

D. JUAN. Il ne se peut donc pas que tu ne sois bien à ton aise ?

LE PAUVRE. Helas, Monsieur, je suis dans la plus grande necessité du monde.

D. JUAN. Tu te moques, un homme qui prie le Ciel tout le jour ne peut pas manquer d’estre bien dans ses affaires.

LE PAUVRE. Je vous asseure, Monsieur, que le plus souvent je n’ay pas un morceau de pain à mettre sous les dents.

D. JUAN. Voila qui est étrange, et tu es bien mal reconnu de tes soins ; ah ah, je m’en vais te donner un Louis d’or tout à l’heure pourveu que tu veuilles jurer.

LE PAUVRE. Ah, Monsieur, voudriez-vous que je commisse un tel péché ?

D. JUAN. Tu n’as qu’à voir si tu veux gagner un Louis d’or ou non, en voici un que je te donne si tu jures, tiens il faut jurer.

LE PAUVRE. Monsieur.

D. JUAN. A moins de cela tu ne l’auras pas.

SGANARELLE. Va, va, jure un peu, il n’y a pas de mal.

D. JUAN. Prens, le voila, prens te dis-je, mais jure donc.

LE PAUVRE. Non Monsieur, j’ayme mieux mourir de faim.

D. JUAN. Va va,] je te le donne pour l’amour de l’humanité. Mais que voy-je là, un homme attaqué par trois autres ? la partie est trop inégale, et je ne dois pas souffrir cette lascheté.

(Il court au lieu du combat.)

Dom Juan, ou Le Festin de Pierre, Molière
 
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