kamomille
VIB
Un dossier complet paru en décembre dans Le Monde, plusieurs articles sur la Finance Islamique.
500 milliards de dollars gérés selon la charia dans le monde
LE MONDE ECONOMIE | 17.12.07 | 12h26 o Mis à jour le 17.12.07 | 12h26
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-990490@51-913073,0.html
Longtemps taboue, l'arrivée en France des banques et des techniques
financières conformes aux préceptes de l'islam est désormais à l'ordre
du jour. De nombreux signes témoignent de l'intérêt de la place de
Paris, comme la tenue du premier Forum français de la finance
islamique, jeudi 6 décembre. Au moment où les pétrodollars affluent,
Paris veut concurrencer Londres, pionnière en Europe, et envoyer un
signal aux investisseurs et aux clients du Golfe. Les banques
s'intéressent aussi aux perspectives de ce marché en France ou au
Maghreb.
La finance islamique proscrit notamment l'usage de l'intérêt - auquel
est préférée une marge bancaire - ou l'investissement dans l'alcool,
l'armement, les jeux d'argent, etc. Existant depuis trente ans,
principalement au Moyen-Orient, elle croît à un rythme évalué à 15 %
par an. Un rapport sénatorial publié en octobre, "L'âge d'or des fonds
souverains au Moyen-Orient", évalue les actifs gérés par les banques
islamiques entre 265 et 500 milliards de dollars dans le monde.
"AMÉNAGEMENTS"
Son avenir en France pourrait être abordé jeudi 20 décembre - même
s'il n'est pas à l'ordre du jour - lors du prochain Haut comité de
place, qui réunit les acteurs de l'industrie financière parisienne et
est présidé par la ministre de l'économie Christine Lagarde. Des
propositions doivent être présentées début 2008 par Paris Europlace.
Bercy, qui "ne voit pas actuellement d'obstacles majeurs" au
développement de la finance islamique, se déclare "très ouvert s'il
fallait procéder à des aménagements" que les acteurs de la place
souhaiteraient voir figurer dans le projet de loi de modernisation de
l'économie prévu au printemps. "C'est un élément important de
l'attractivité de la place de Paris. Il faut identifier et traiter
certains frottements fiscaux qui risquent de rendre prohibitifs le
coût de certaines opérations et travailler sur la régulation bancaire
en adaptant l'interprétation des normes de solvabilité, sans sacrifier
la solidité financière et la transparence", explique Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances du Sénat. Dans
certains cas, la finance islamique prévoit une double transaction pour
la même opération, et donc potentiellement une double perception de
TVA ou de droits de mutation.
Londres a déjà éliminé ce type d'obstacles : élargissement des
exemptions fiscales dont bénéficient les sociétés émettant des bons du
Trésor aux obligations islamiques (sukuk) ; suppression du double
droit de timbre frappant les prêts hypothécaires islamiques ;
lancement, en février, d'un deuxième marché de négoce des sukuk ;
création de départements spécialisés au sein de la Banque d'Angleterre
et de la Financial Services Authority et encouragement à la Islamic
Bank of Britain, première banque de détail islamique agréée
outre-Manche en 2004. "Le Royaume-Uni peut devenir une plate-forme
commerciale avec le monde musulman, mais seulement s'il devient aussi
un centre pour la finance islamique", déclarait Gordon Brown, alors,
chancelier de l'Echiquier, en mars 2006.
"En tant que tel, le marché domestique, constitué de 2,5 millions de
Britanniques musulmans, est trop petit pour concurrencer Dubaï ou
Bahreïn. La force de Londres, c'est la City", souligne un
professionnel londonien. C'est justement ce qui aiguillonne les
autorités françaises alors que les grandes banques hexagonales sont
actives depuis longtemps au Moyen-Orient. "En matière de finance
islamique, toutes les opérations des banques françaises remontent sur
la place de Londres où elles sont compensées ou refinancées, car elle
s'est organisée depuis dix ans pour les accueillir. C'est assez
dommage et paradoxal", déplore M. Marini.
En France, les produits et services islamiques peuvent être proposés
par des banques déjà agréées et pourraient l'être par des banques
anglaises démarchant en France ou d'autres établissements islamiques
demandant un agrément. "Des projets d'implantation ont été portés à la
connaissance des autorités françaises. Aucun n'est encore arrivé à
maturité, mais leur existence montre que le sujet est d'actualité", a
expliqué le sous-gouverneur de la Banque de France, Jean-Paul Redouin,
lors du Forum français de la finance islamique. Il a rappelé les
conditions qui s'imposent à tous les établissements agréés, tels que
la qualité des dirigeants, la sécurité de la clientèle, le contrôle
interne et notamment "les dispositifs de prévention du blanchiment des
capitaux et du financement du terrorisme", prenant note "avec beaucoup
d'intérêt" de l'action menée par les organismes islamiques spécialisés
- l'Islamic Financial Services Board et l'Accounting and Auditing
Organization of Islamic Financial Institutions - "en vue d'une plus
grande harmonisation des normes comptables des établissements
islamiques".
La première demande a été déposée à la commission bancaire en décembre
2006 par FS International Partners, basé à Genève. Cette société
indique sur son site Web qu'elle est conseillée en Europe par Pierre
Ceyrac, un ancien député du Front national plus connu autrefois pour
son engagement en faveur de la secte Moon... Au-delà de cette
anecdote, l'autorisation de "banques halal" pourrait rouvrir le débat
sur la laïcité en France.
Marc Roche (à Londres) et Adrien de Tricornot
Article paru dans l'édition du 18.12.07
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500 milliards de dollars gérés selon la charia dans le monde
LE MONDE ECONOMIE | 17.12.07 | 12h26 o Mis à jour le 17.12.07 | 12h26
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-990490@51-913073,0.html
Longtemps taboue, l'arrivée en France des banques et des techniques
financières conformes aux préceptes de l'islam est désormais à l'ordre
du jour. De nombreux signes témoignent de l'intérêt de la place de
Paris, comme la tenue du premier Forum français de la finance
islamique, jeudi 6 décembre. Au moment où les pétrodollars affluent,
Paris veut concurrencer Londres, pionnière en Europe, et envoyer un
signal aux investisseurs et aux clients du Golfe. Les banques
s'intéressent aussi aux perspectives de ce marché en France ou au
Maghreb.
La finance islamique proscrit notamment l'usage de l'intérêt - auquel
est préférée une marge bancaire - ou l'investissement dans l'alcool,
l'armement, les jeux d'argent, etc. Existant depuis trente ans,
principalement au Moyen-Orient, elle croît à un rythme évalué à 15 %
par an. Un rapport sénatorial publié en octobre, "L'âge d'or des fonds
souverains au Moyen-Orient", évalue les actifs gérés par les banques
islamiques entre 265 et 500 milliards de dollars dans le monde.
"AMÉNAGEMENTS"
Son avenir en France pourrait être abordé jeudi 20 décembre - même
s'il n'est pas à l'ordre du jour - lors du prochain Haut comité de
place, qui réunit les acteurs de l'industrie financière parisienne et
est présidé par la ministre de l'économie Christine Lagarde. Des
propositions doivent être présentées début 2008 par Paris Europlace.
Bercy, qui "ne voit pas actuellement d'obstacles majeurs" au
développement de la finance islamique, se déclare "très ouvert s'il
fallait procéder à des aménagements" que les acteurs de la place
souhaiteraient voir figurer dans le projet de loi de modernisation de
l'économie prévu au printemps. "C'est un élément important de
l'attractivité de la place de Paris. Il faut identifier et traiter
certains frottements fiscaux qui risquent de rendre prohibitifs le
coût de certaines opérations et travailler sur la régulation bancaire
en adaptant l'interprétation des normes de solvabilité, sans sacrifier
la solidité financière et la transparence", explique Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances du Sénat. Dans
certains cas, la finance islamique prévoit une double transaction pour
la même opération, et donc potentiellement une double perception de
TVA ou de droits de mutation.
Londres a déjà éliminé ce type d'obstacles : élargissement des
exemptions fiscales dont bénéficient les sociétés émettant des bons du
Trésor aux obligations islamiques (sukuk) ; suppression du double
droit de timbre frappant les prêts hypothécaires islamiques ;
lancement, en février, d'un deuxième marché de négoce des sukuk ;
création de départements spécialisés au sein de la Banque d'Angleterre
et de la Financial Services Authority et encouragement à la Islamic
Bank of Britain, première banque de détail islamique agréée
outre-Manche en 2004. "Le Royaume-Uni peut devenir une plate-forme
commerciale avec le monde musulman, mais seulement s'il devient aussi
un centre pour la finance islamique", déclarait Gordon Brown, alors,
chancelier de l'Echiquier, en mars 2006.
"En tant que tel, le marché domestique, constitué de 2,5 millions de
Britanniques musulmans, est trop petit pour concurrencer Dubaï ou
Bahreïn. La force de Londres, c'est la City", souligne un
professionnel londonien. C'est justement ce qui aiguillonne les
autorités françaises alors que les grandes banques hexagonales sont
actives depuis longtemps au Moyen-Orient. "En matière de finance
islamique, toutes les opérations des banques françaises remontent sur
la place de Londres où elles sont compensées ou refinancées, car elle
s'est organisée depuis dix ans pour les accueillir. C'est assez
dommage et paradoxal", déplore M. Marini.
En France, les produits et services islamiques peuvent être proposés
par des banques déjà agréées et pourraient l'être par des banques
anglaises démarchant en France ou d'autres établissements islamiques
demandant un agrément. "Des projets d'implantation ont été portés à la
connaissance des autorités françaises. Aucun n'est encore arrivé à
maturité, mais leur existence montre que le sujet est d'actualité", a
expliqué le sous-gouverneur de la Banque de France, Jean-Paul Redouin,
lors du Forum français de la finance islamique. Il a rappelé les
conditions qui s'imposent à tous les établissements agréés, tels que
la qualité des dirigeants, la sécurité de la clientèle, le contrôle
interne et notamment "les dispositifs de prévention du blanchiment des
capitaux et du financement du terrorisme", prenant note "avec beaucoup
d'intérêt" de l'action menée par les organismes islamiques spécialisés
- l'Islamic Financial Services Board et l'Accounting and Auditing
Organization of Islamic Financial Institutions - "en vue d'une plus
grande harmonisation des normes comptables des établissements
islamiques".
La première demande a été déposée à la commission bancaire en décembre
2006 par FS International Partners, basé à Genève. Cette société
indique sur son site Web qu'elle est conseillée en Europe par Pierre
Ceyrac, un ancien député du Front national plus connu autrefois pour
son engagement en faveur de la secte Moon... Au-delà de cette
anecdote, l'autorisation de "banques halal" pourrait rouvrir le débat
sur la laïcité en France.
Marc Roche (à Londres) et Adrien de Tricornot
Article paru dans l'édition du 18.12.07
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