Dossier sur la finance islamique

Un dossier complet paru en décembre dans Le Monde, plusieurs articles sur la Finance Islamique.


500 milliards de dollars gérés selon la charia dans le monde
LE MONDE ECONOMIE | 17.12.07 | 12h26 o Mis à jour le 17.12.07 | 12h26
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-990490@51-913073,0.html

Longtemps taboue, l'arrivée en France des banques et des techniques
financières conformes aux préceptes de l'islam est désormais à l'ordre
du jour. De nombreux signes témoignent de l'intérêt de la place de
Paris, comme la tenue du premier Forum français de la finance
islamique, jeudi 6 décembre. Au moment où les pétrodollars affluent,
Paris veut concurrencer Londres, pionnière en Europe, et envoyer un
signal aux investisseurs et aux clients du Golfe. Les banques
s'intéressent aussi aux perspectives de ce marché en France ou au
Maghreb.

La finance islamique proscrit notamment l'usage de l'intérêt - auquel
est préférée une marge bancaire - ou l'investissement dans l'alcool,
l'armement, les jeux d'argent, etc. Existant depuis trente ans,
principalement au Moyen-Orient, elle croît à un rythme évalué à 15 %
par an. Un rapport sénatorial publié en octobre, "L'âge d'or des fonds
souverains au Moyen-Orient", évalue les actifs gérés par les banques
islamiques entre 265 et 500 milliards de dollars dans le monde.

"AMÉNAGEMENTS"
Son avenir en France pourrait être abordé jeudi 20 décembre - même
s'il n'est pas à l'ordre du jour - lors du prochain Haut comité de
place, qui réunit les acteurs de l'industrie financière parisienne et
est présidé par la ministre de l'économie Christine Lagarde. Des
propositions doivent être présentées début 2008 par Paris Europlace.
Bercy, qui "ne voit pas actuellement d'obstacles majeurs" au
développement de la finance islamique, se déclare "très ouvert s'il
fallait procéder à des aménagements" que les acteurs de la place
souhaiteraient voir figurer dans le projet de loi de modernisation de
l'économie prévu au printemps. "C'est un élément important de
l'attractivité de la place de Paris. Il faut identifier et traiter
certains frottements fiscaux qui risquent de rendre prohibitifs le
coût de certaines opérations et travailler sur la régulation bancaire
en adaptant l'interprétation des normes de solvabilité, sans sacrifier
la solidité financière et la transparence", explique Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances du Sénat. Dans
certains cas, la finance islamique prévoit une double transaction pour
la même opération, et donc potentiellement une double perception de
TVA ou de droits de mutation.

Londres a déjà éliminé ce type d'obstacles : élargissement des
exemptions fiscales dont bénéficient les sociétés émettant des bons du
Trésor aux obligations islamiques (sukuk) ; suppression du double
droit de timbre frappant les prêts hypothécaires islamiques ;
lancement, en février, d'un deuxième marché de négoce des sukuk ;
création de départements spécialisés au sein de la Banque d'Angleterre
et de la Financial Services Authority et encouragement à la Islamic
Bank of Britain, première banque de détail islamique agréée
outre-Manche en 2004. "Le Royaume-Uni peut devenir une plate-forme
commerciale avec le monde musulman, mais seulement s'il devient aussi
un centre pour la finance islamique", déclarait Gordon Brown, alors,
chancelier de l'Echiquier, en mars 2006.

"En tant que tel, le marché domestique, constitué de 2,5 millions de
Britanniques musulmans, est trop petit pour concurrencer Dubaï ou
Bahreïn. La force de Londres, c'est la City", souligne un
professionnel londonien. C'est justement ce qui aiguillonne les
autorités françaises alors que les grandes banques hexagonales sont
actives depuis longtemps au Moyen-Orient. "En matière de finance
islamique, toutes les opérations des banques françaises remontent sur
la place de Londres où elles sont compensées ou refinancées, car elle
s'est organisée depuis dix ans pour les accueillir. C'est assez
dommage et paradoxal", déplore M. Marini.

En France, les produits et services islamiques peuvent être proposés
par des banques déjà agréées et pourraient l'être par des banques
anglaises démarchant en France ou d'autres établissements islamiques
demandant un agrément. "Des projets d'implantation ont été portés à la
connaissance des autorités françaises. Aucun n'est encore arrivé à
maturité, mais leur existence montre que le sujet est d'actualité", a
expliqué le sous-gouverneur de la Banque de France, Jean-Paul Redouin,
lors du Forum français de la finance islamique. Il a rappelé les
conditions qui s'imposent à tous les établissements agréés, tels que
la qualité des dirigeants, la sécurité de la clientèle, le contrôle
interne et notamment "les dispositifs de prévention du blanchiment des
capitaux et du financement du terrorisme", prenant note "avec beaucoup
d'intérêt" de l'action menée par les organismes islamiques spécialisés
- l'Islamic Financial Services Board et l'Accounting and Auditing
Organization of Islamic Financial Institutions - "en vue d'une plus
grande harmonisation des normes comptables des établissements
islamiques".

La première demande a été déposée à la commission bancaire en décembre
2006 par FS International Partners, basé à Genève. Cette société
indique sur son site Web qu'elle est conseillée en Europe par Pierre
Ceyrac, un ancien député du Front national plus connu autrefois pour
son engagement en faveur de la secte Moon... Au-delà de cette
anecdote, l'autorisation de "banques halal" pourrait rouvrir le débat
sur la laïcité en France.

Marc Roche (à Londres) et Adrien de Tricornot
Article paru dans l'édition du 18.12.07
**********************************************************
 
Une palette de produits et de services en pleine expansion
LE MONDE ECONOMIE | 17.12.07 | 12h26 o Mis à jour le 17.12.07 | 12h26
http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHAT...HIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=1017258

Les activités de finance islamique, encore émergentes, sont en forte
croissance et en pleine diversification. Ces opérations doivent se
conformer à cinq principes : "L'interdiction de l'intérêt (riba, terme
qui désigne à la fois l'intérêt et l'usure) ; le partage des profits
et des pertes ; l'interdiction de l'incertitude ((gharar) et donc de
la spéculation) ; l'existence d'un actif sous-jacent (une opération
financière doit reposer sur des biens réels)" et "l'interdiction des
actifs illicites" comme "l'armement, le tabac, les jeux d'argent et
toute entreprise dont le levier financier (taux d'endettement) serait
considéré comme excessif", expliquent les spécialistes de Standard &
Poor's dans un dossier sur la finance islamique publié en avril.

Compte tenu de ces règles, un certain nombre de techniques financières
spécifiques ont été mises en place et peuvent être combinées pour
créer des comptes d'épargne, investir dans l'immobilier, les matières
premières ou les financements d'avions, où il existerait un fort
potentiel.
 
Des fonds investis en actions conformes aux principes de la charia se
sont aussi multipliés ces dernières années, à la suite de la création
par les sociétés Standard & Poor's et Dow Jones d'indices de valeurs
islamiques. Le premier fonds commun de placement (FCP) islamique
arrivé en France, l'Easy ETF DJ Islamic Market Titans 100, est proposé
depuis cette année par BNP Paribas. Il investit dans un indice
islamique excluant "les valeurs d'entreprises liées à l'alcool, aux
produits à base de porc, aux services financiers conventionnels, aux
activités de divertissement, au tabac et aux armes. Les valeurs
doivent respecter des ratios financiers précis : pas de niveaux
inacceptables d'endettement ou de revenus d'intérêts impurs", précise
un document de présentation. La conformité du FCP est notamment
contrôlée par "le Fund's Sharia Supervisory Committee de l'entité
islamique de BNP Paribas, composé de spécialistes de la Sharia de
Bahrein, d'Arabie saoudite et de Malaisie". Jusqu'à 10 % des revenus
du FCP sont reversés à l'Institut du monde arabe afin de "purifier" la
partie du dividende considérée comme impure au regard de la charia,
par exemple parce que les sociétés dans lesquelles le fonds a investi
auraient dépassé le degré acceptable d'endettement (33 % de la
capitalisation boursière, selon les critères du FCP). En effet, une
des caractéristiques de la finance islamique est de pratiquer le don
(zakat).

CONFORMITÉ

Ce FCP a été agréé par l'Autorité des marchés financiers (AMF) en
décembre 2006. L'AMF a précisé, dans une note de juillet - "Critères
extra financiers de sélection de titres : cas des OPCVM se déclarant
conformes à la loi islamique" -, les conditions de la conformité de
ces produits à la réglementation française, notamment l'autonomie de
la société de gestion par rapport au conseil de surveillance dans ses
choix d'investissement, et le respect de la législation et de la
réglementation dans les critères de sélection des titres : "C'est
ainsi que des critères qui seraient fondés sur la considération de la
race ou de la religion des dirigeants des entreprises ne sauraient
être admis, car contraires à des principes d'ordre public", rappelle
l'AMF.

Un des marchés jugés les plus prometteurs par les banques est celui
des sukuk, des obligations islamiques qui ne sont pas des titres de
dette, mais des titres de propriété de l'actif financé, permettant de
bénéficier de paiements réguliers et de recouvrer le capital investi.
Leur montant est estimé à une centaine de milliards de dollars dans le
monde, dont 20 % à 25 % seraient cotés, en premier lieu à Dubaï puis à
Londres. Dubai Ports World a notamment émis en 2006 une sukuk de 3,5
milliards de dollars, qui a contribué à financer le rachat du groupe P
& O. Le Land allemand de Saxe Anhalt a déjà émis pour 100 millions
d'euros de sukuk en juillet 2004 et de telles émissions sont à l'étude
au Japon ou au Royaume-Uni.

Le marché de l'assurance et de la réassurance islamiques (takaful et
re-takaful) est aussi considéré comme à fort potentiel, même s'il est
évalué pour l'heure entre 2 et 5 milliards de dollars. L'assurance
traditionnelle, qui relie le gain de la compagnie à une incertitude,
ne correspond pas aux principes islamiques. La takaful, elle, est très
proche des principes du mutualisme et de son partage des risques entre
sociétaires.

La finance islamique gagne même des activités comme les produits
dérivés ou les hedge funds (fonds spéculatifs), ce qui paraissait
impensable à de nombreux experts il y a quelques années. Le groupe de
conseil en investissements islamiques américain Sharia Capital a
annoncé en septembre la création, avec la banque Barclay's, d'Al Safi
Trust, une plate-forme d'investissement dans des hedge funds.

Face à un tel foisonnement et aux différentes interprétations de la
charia, l'harmonisation des produits et des principes comptables reste
un chantier important. Il manque par ailleurs de spécialistes, malgré
la création fin 2006 du diplôme Islamic Finance Qualification par
l'Ecole supérieure des affaires de Beyrouth, en partenariat avec le
Securities & Investment Institute de Londres.

Adrien de Tricornot
POUR EN SAVOIR PLUS

"FINANCE ISLAMIQUE : L'OUVERTURE EUROPÉENNE", dossier de la Revue
banque, (no 696, 30 EUR, disponible sur www.revue-banque.fr).

"LE NOUVEL "ÂGE D'OR" DES FONDS SOUVERAINS AU MOYEN-ORIENT", Rapport
d'information no 33, commission des finances du Sénat, 61 p., sur
www.senat.fr ("Affaires étrangères et coopération").

"LA BATAILLE DES CENTRES DE DÉCISION : PROMOUVOIR LA SOUVERAINETÉ
ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE À L'HEURE DE LA MONDIALISATION", Rapport
d'information no 347, Mission commune d'information du Sénat (362 p.,
juin 2007), sur www.senat.fr ("Economie et finances, fiscalité").
Article paru dans l'édition du 18.12.07
***********************************************************

Des certificateurs indispensables
LE MONDE ECONOMIE | 17.12.07 | 12h26
http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHAT...HIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=1017256

Point de finance islamique sans eux. Ils sont issus des universités, et
considérés comme les meilleurs connaisseurs de la religion coranique
et de ses applications. Chaque banque islamique a créé en son sein un
"Sharia Supervisory Board", un comité composé de ces "sages", parfois
trois, parfois plus, pour prendre conseil auprès d'eux.

Ces experts certifient que les actions et le fonctionnement de la
banque islamique sont conformes à la charia. Ils interviennent aussi
sur la conception de produits financiers, ou lors de contrats. Pour
qu'une banque puisse vendre un produit financier estampillé "finance
islamique", elle doit d'abord en faire certifier la légalité
coranique.

Sheikh Nizam Yaqoobi est l'une de ces sommités. Membre du conseil des
indices Dow Jones islamiques, de l'organisme d'audit et de conseil
pour les institutions financières islamiques (Aaoifi) et du conseil de
l'International Islamic Financial Market (IIFM), il est directeur de
thèse à l'université du Pays de Galles et diplômé d'une maîtrise en
économie et religions de l'université McGill de Montréal (Canada). "La
direction de la banque est constamment en contact avec nous, par
téléphone, par fax ou par e-mail, car nous sommes impliqués dans
l'ingénierie financière. Il vaut mieux nous associer dès le stade
initial d'un contrat", explique-t-il.

Leur salaire ? Bien évidemment secret, mais certaines estimations leur
donnaient 10 000 euros annuels par banque en 2004, sachant que la
plupart siègent au moins à dix conseils et que certains sont membres
de trente à quarante "Sharia Board".

Difficile de se passer d'eux car tout est dans l'interprétation de la
loi coranique. "Si les grands principes de la charia sont établis,
l'interprétation, elle, évolue, explique un banquier. Il est donc très
difficile de savoir à l'avance si un produit financier sera conforme
ou non." De plus en plus d'universités du Golfe ouvrent des programmes
pour apprendre la finance islamique. Mais ce n'est pas encore
suffisant. Le développement exponentiel de la finance islamique est
tel qu'il y a pénurie de ces "sages" dans le monde.

Cécile Prudhomme
Article paru dans l'édition du 18.12.07
 
Instruments
LE MONDE ECONOMIE | 17.12.07 | 12h26 o Mis à jour le 17.12.07 | 12h26
http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHAT...HIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=1017255

Quelles sont les techniques spécifiques à la finance islamique ?

Les principaux outils issus de la tradition financière islamique
"peuvent être répartis en instruments participatifs et en instruments
de financement", résume Abdel-Maoula Chaar, responsable des programmes
de finance islamique à l'Ecole supérieure des affaires (ESA) de
Beyrouth, dans la Revue de Secure Finance (no 17). Parmi les premiers
figure la moudaraba (commandite), où un investisseur apporte des
capitaux à un entrepreneur, les gains étant partagés "selon une
répartition convenue à l'avance" et les pertes étant assumées par le
seul investisseur. Avec la moucharaka (association), les bénéfices
sont partagés "selon un accord convenu" et les pertes "en proportion
du capital investi".

Les opérations de financement comprennent la mourabaha, par laquelle
la banque achète un bien pour le compte d'un client dans le but de lui
revendre à un prix majoré et payable à terme, ou encore le salam
(financement agricole), l'istina (financement industriel), l'ijarah
(location) et l'ijarah mountahia bi istimlak (location-vente).

2 Quand ont été créées les premières banques islamiques ?

En 1963, la Mit Ghamr Saving Bank égyptienne a formalisé pour la
première fois ces techniques financières pour des comptes d'épargne,
indique la Revue banque (novembre 2007). L'idée de banque islamique a
ensuite été lancée par l'Organisation de la conférence islamique (OCI)
en 1970 et a donné lieu, cinq ans plus tard, à la création de la
Banque islamique de développement, puis de banques telles que la Dubai
Islamic Bank. Le Pakistan a islamisé son secteur bancaire en 1979, le
Soudan et l'Iran en 1983. Le secteur compterait environ 300
établissements dans le monde.

3 Quels sont les principaux établissements financiers islamiques ?

Selon le magazine britannique The Banker du 5 novembre, les dix
premières sont la banque Melli (Iran ; 35,5 milliards de dollars
d'actifs conformes à la charia), la Saderat (Iran ; 34,8), la
compagnie Takaful IBB Berhad (Brunei ; 31,5), la banque Al Rajhi
(Arabie saoudite ; 28,1), la banque Mellat (Iran ; 25,1), l'AmIslamic
Bank Berhad (Malaisie ; 22,3), la Kuwait Finance House (21,8), la
banque Tejarat (Iran, 18,9), la Dubai Islamic Bank (17,5) et la banque
Blom (Liban, 14,2). Le classement n'intègre pas les départements de
finance islamique des banques internationales, sauf la filiale du
groupe HSBC, Amanah, basée à Londres, la seule à avoir divulgué le
montant de ses actifs (9,7 milliards), ce qui en fait la quatorzième
du secteur. La banque Saudi Fransi d'Arabie saoudite, filiale à 31,1 %
de Calyon (groupe Crédit agricole), qui en assure le management, se
place en dix-huitième position (7,3 milliards de dollars).

4 Y a-t-il des conceptions différentes de la finance islamique ?
Un dossier de l'agence de notation Standard & Poor's d'avril note "des
différences profondes d'interprétation des principes de la charia
entre les différents courants de pensée islamiques. L'interprétation
moins conservatrice de la doctrine islamique en Afrique du Nord, à
l'instar d'une bonne partie de l'Asie musulmane, s'éloigne de
l'approche conservatrice qui prévaut dans le Golfe persique. En
Egypte, par exemple, la prestigieuse université Al-Azhar a édicté une
fatwa (opinion, en arabe) qui appelait les fidèles à ne pas considérer
l'intérêt comme riba ou usure (...), mais uniquement l'intérêt
"excessif" ou "usuraire" comme étant non conforme à la charia",
explique l'agence.

Article paru dans l'édition du 18.12.07
***********************************************************
Au Maghreb, une prudente progression
LE MONDE ECONOMIE | 17.12.07 | 12h26
http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHAT...HIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=1017257

La finance islamique connaît un développement encore limité au Maghreb,
mais elle semble promise à un bel avenir.

En Algérie, le phénomène a vu le jour en 1991, les responsables de la
banque centrale préférant autoriser l'offre de produits islamiques aux
particuliers plutôt que de voir ce secteur passer dans l'informel. En
pleine montée de l'intégrisme, naît ainsi la banque Al Baraka, avec
pour principal actionnaire un groupe saoudien. Al Baraka ne se voit
pas cependant accorder officiellement le label "islamique", car cela
jetterait un doute sur l'islamité des banques traditionnelles, fait
valoir Alger.

Seul établissement, aujourd'hui encore, à offrir des produits
islamiques en Algérie, Al Baraka draine une clientèle qui veut se
mettre en conformité avec la religion. Le produit qui marche le mieux
est le crédit automobile, "sans doute parce qu'il ne réclame pas
d'avoir une grande visibilité sur l'avenir", estime Bouaziz Hamza,
doctorant en économie et finances à l'université Paris-I -
Panthéon-Sorbonne, auteur d'une thèse sur le sujet de la finance
islamique au Maghreb. Depuis 2001, 47 500 véhicules ont été achetés en
Algérie grâce à un financement islamique, dont 17 500 pour la seule
année 2006. L'immobilier n'est pas encore vraiment concerné, mais cela
pourrait venir tant la spéculation dans ce domaine est importante, à
Alger surtout.

FAIBLESSE GÉNÉRALE

Si le financement islamique n'a pas mieux percé, cela tient à la
faiblesse générale du système bancaire algérien, hérité de trente
années de socialisme. Mais dans ce pays où le retour du religieux est
fort, la demande potentielle est sans doute élevée.

En Tunisie, il n'y a qu'une seule banque islamique, la BEST Bank (Beit
Ettamouil Essaoudi Ettounsi Bank). Elle a été créée en 1983, mais
demeure réservée aux institutionnels locaux ainsi qu'aux gros
investisseurs, en particulier ceux du Golfe. Les autorités tunisiennes
ont en effet évité jusqu'à présent de rendre accessibles au simple
citoyen les produits islamiques, vraisemblablement pour des raisons
politiques. Plus encore que dans le reste du Maghreb, Tunis redoute
tout ce qui s'apparente, de près ou de loin, à l'islamisme.

"Une étape importante a cependant été franchie, en février, avec le
vote d'une loi autorisant la création d'une institution islamique
internationale en collaboration avec la Banque islamique de
développement (BID), souligne Bouaziz Hamza. Cette institution sera
chargée de financer et de promouvoir le commerce entre les pays
arabes, surtout entre le Maghreb et le Machrek."

Au Maroc, les produits bancaires islamiques - appelés officiellement
"alternatifs" - ont fait leur entrée sur le marché financier le 1er
octobre, avec l'approbation du Parti de la justice et du développement
(PJD, parti islamiste modéré). Les autorités espèrent ainsi faire
entrer dans les banques de nombreux Marocains qui règlent leurs
transactions en liquide. Seulement 20 % de la population utilise un
compte bancaire. Attirer les capitaux des investisseurs du Golfe
constitue l'autre enjeu.

Il est trop tôt pour faire un bilan de ce tournant au Maroc. Pour
l'instant, seules trois banques classiques proposent des produits
islamiques. Les débuts ont été laborieux. Le crédit automobile est,
comme en Algérie, ce qui marche le mieux. Ce succès s'explique non pas
tant parce qu'il s'agit d'argent "hallal" (respectant les préceptes de
l'islam) que parce que ce prêt est moins cher d'environ 10 % par
rapport aux produits traditionnels, à l'inverse des prêts immobiliers.

En fin de compte, tous les experts le disent : l'avenir de la finance
islamique au Maghreb réside davantage dans sa compétitivité que dans
sa conformité au Coran...

Florence Beaugé
Article paru dans l'édition du 18.12.07
 
Entretien avec Jean-François Daguzan :
"Pas d'amalgame entre terrorisme et finances islamiques"
LE MONDE ECONOMIE | 17.12.07 | 12h26 o Mis à jour le 17.12.07 | 12h26
http://www.lemonde.fr/cgi-bin/ACHAT...HIVES&type_item=ART_ARCH_30J&objet_id=1017259

La place financière de Paris se met en ordre de marche pour accueillir
les pétrodollars des pays du Golfe, adaptant son offre de produits aux
préceptes de la religion musulmane. Vous êtes un expert de
l'intelligence et de la sécurité économiques, cette démarche vous
inquiète-t-elle ?

Cette initiative n'est guère étonnante. La place de Paris marche sur
les traces de la City qui s'est intéressé plus tôt que nous à un
marché considéré comme prometteur. Pas question de laisser de côté une
clientèle à haut potentiel.

Je ne pense pas qu'il y ait lieu de s'inquiéter. Je me refuse à tout
amalgame entre finances islamiques et terrorisme. Il ne faut pas
oublier que l'essentiel du financement du terrorisme se fait hors des
circuits bancaires, islamiques ou non.

Après le 11-Septembre, les Etats-Unis ont décidé le gel des avoirs
d'organisations liées au terrorisme. Le versement de la zakat (la dîme
religieuse) par des entreprises et des financiers saoudiens à des ONG
douteuses n'est-il pas un véritable danger ?

Vous ne pourrez être sûrs de la bonne utilisation des fonds versés que
si vous surveillez ces associations chargées, en principe, de
l'enseignement et de la propagation de l'islam dans le monde.
Concernant cette surveillance, je crois qu'il y a un avant et un
après-11 septembre 2001. Un immense appareil de contrôle des fonds a
été mis en place, qu'il s'agisse du Groupe d'action financière (GAFI),
des dispositifs mis en place par les Etats-Unis ou par l'Union
européenne. Des efforts importants ont été réalisés, mais il est sûr
que les mailles du filet ne sont pas encore suffisamment resserrées.
Le rapport de la commission d'enquête sur le 11-Septembre a bien
pointé que le maillon le plus faible en matière de lutte contre le
terrorisme concernait la question du financement. Les organisations
terroristes sont dotées d'experts qui bâtissent des nébuleuses
financières complexes où les porosités entre systèmes légal et illégal
sont réelles.

La coopération entre Etats laisse encore à désirer...

Il y a encore beaucoup de progrès à faire, mais le financement du
terrorisme repose aussi sur des circuits plus simples, qui échappent
au système bancaire. Je pense à l'awallah, par exemple, qui
s'apparente pour résumer, à une lettre de change. Le principe ? En
échange de l'argent que vous versez chez votre banquier local,
celui-ci vous signe un papier afin de pouvoir disposer de la même
somme auprès de l'un de ses contacts dans un autre pays. Un système
très ancien, beaucoup utilisé par les Chinois pour l'argent
clandestin. Et qui présente un gros avantage. Ces versements de la
main à la main ne sont pas traçables alors que tout virement
électronique l'est, même si cela peut s'avérer extrêmement compliqué à
faire.

Il est clair que les terroristes s'appuient sur l'ensemble de tous les
circuits disponibles pour subvenir à leurs besoins. Marie-Christine
Dupuis-Danon, qui a été conseillère antiblanchiment au sein de
l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime de 2000 à
2003, chargé d'aider les Etats membres de l'Organisation des Nations
unies à élaborer des dispositifs antiblanchiment, estime qu'une
organisation comme Al-Qaida doit faire face à un coût opérationnel de
35 à 40 millions de dollars par an. Evidemment tous ces chiffres
doivent être pris avec beaucoup de prudence, mais ils donnent un ordre
de grandeur sur les sommes en jeu.

Concernant le terrorisme, on parle de "noircissement" plutôt que de
blanchiment ?

On se trouve, en effet, dans un système inversé. Les institutions qui
perçoivent de l'argent propre, au nom de telle ou telle cause, doivent
pouvoir les réintégrer dans le circuit financier clandestin. On est
alors confronté aux sociétés écrans, à des chambres de compensation
opaques, aux paradis off-shore, bref à toute l'ingénierie financière
mondiale qui progresse de jour en jour. L'un des soucis actuels
concerne ainsi la "e-monnaie", les nouvelles technologies de paiement
telles que les cartes prépayées.

Propos recueillis par Marie-Béatrice Baudet
CV
2007
Maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique,
Jean-François Daguzan, 54 ans, docteur en science politique et en
droit, enseigne à l'université Paris-II.

2006
Rédacteur en chef de la revue Géoéconomie, il publie Terrorisme(s).
Abrégé d'une violence qui dure (CNRS Editions).

Article paru dans l'édition du 18.12.07
******************************************************************************
 
Je sais que tout est interessant mais tu pourrais pas faire un petit résumé pour les paresseux :D ?

le sujet est d'actualité ...

En résumé :

1) Un particulier (A) sollicite un prêt de X euros auprès d’une banque islamique (B).

2) La banque achète à un courtier(C) une quantité de métal précieux (par exemple) correspondant en valeur au montant X du prêt.

3) La banque revend illico ce métal à l'emprunteur(A) pour un prix X + I payables en un certain nombre d’échéances étalées dans le temps.

I correspond donc à l’intérêt qui serait prélevé par une banque normale mais est officiellement devenu un bénéfice sur une opération d’achat/vente et n’est donc pas considéré comme de « l’usure » par la charia.

4) L'emprunteur(A) qui est alors officiellement devenu propriétaire du métal le revend alors au courtier(C) au prix d'achat d'origine X, moins une commission supplémentaire prélevée par le courtier.

Tout se passe instantanément. Au bout de toutes ces opérations fictives, l'emprunteur a enfin la somme qu’il voulait et une quantité X de métal précieux a, sur papier, changé trois fois de mains en quelques secondes pour revenir à son propriétaire d’origine. Et vous appelez cela de l’économie réelle ?

On voit donc que les « techniques de finance islamique » consistent essentiellement à introduire des opérations supplémentaires pour maquiller les intérêts prélevés sur un prêt classique en "bénéfices" sur une vente.
 
En résumé :

1) Un particulier (A) sollicite un prêt de X euros auprès d’une banque islamique (B).

2) La banque achète à un courtier(C) une quantité de métal précieux (par exemple) correspondant en valeur au montant X du prêt.

3) La banque revend illico ce métal à l'emprunteur(A) pour un prix X + I payables en un certain nombre d’échéances étalées dans le temps.

I correspond donc à l’intérêt qui serait prélevé par une banque normale mais est officiellement devenu un bénéfice sur une opération d’achat/vente et n’est donc pas considéré comme de « l’usure » par la charia.

4) L'emprunteur(A) qui est alors officiellement devenu propriétaire du métal le revend alors au courtier(C) au prix d'achat d'origine X, moins une commission supplémentaire prélevée par le courtier.

Tout se passe instantanément. Au bout de toutes ces opérations fictives, l'emprunteur a enfin la somme qu’il voulait et une quantité X de métal précieux a, sur papier, changé trois fois de mains en quelques secondes pour revenir à son propriétaire d’origine. Et vous appelez cela de l’économie réelle ?

On voit donc que les « techniques de finance islamique » consistent essentiellement à introduire des opérations supplémentaires pour maquiller les intérêts prélevés sur un prêt classique en "bénéfices" sur une vente.


et alros

ou est le mal ??

excuse moi c'est vrai que spéculé sur la famine dans un PVD c'est de l'économie réelle..

Pardon
 
Alors, c'est de la pure hypocrisie pour faire des prêts à intérêts tout en prétendant ne pas demander d''intérêts

Ou voie tu des interts la dedans?

c'est une plus value sur une vente pas un interet donc pas de l'usure...

Ceci etant dis je pense que tu sera entierement d'accord avec moi pour dire que quelque arrangement entre amis valent mieux qu'enrichir encore plus les plus riches

non??

Et pour ce qui est de l'hypocrisie....le capitalisme qui nous gouverne est construit dessus alors.....
 
Ou voie tu des interts la dedans?

c'est une plus value sur une vente pas un interet donc pas de l'usure...

Ceci etant dis je pense que tu sera entierement d'accord avec moi pour dire que quelque arrangement entre amis valent mieux qu'enrichir encore plus les plus riches

non??

Et pour ce qui est de l'hypocrisie....le capitalisme qui nous gouverne est construit dessus alors.....


C'est de l'hypocrisie. C'est exactement pareil. La plus-value étalée sur différentes périodes correspond aux taux d'intérêt.

Cette histoire sera réglée quand les gens comprendront la différence entre l'intérêt et l'usure.



ps: Personne sur ce forum ne spécule sur la famine.
 
non c'est pas tout à fait correct ton résumé de la finance islamique, c'est tt simplement un transfert de propriété suivant les règles de la vente, et ça c'est la forme la plus connue, il y a bien d'autres. tapes islamic banking et wikipédia t'exposera tt un dossier dessus, de plus les sources en anglais sont plus fiable et cela par propre expérience.
la marge I c'est un gain halal ce n'est pas de l'intérêt encore moins de l'usure, si tu vas me vendre une voiture neuve tu ne vas pas me la donner en cadeau mais tu cherchera ta marge de rentabilité, et ça ça n'a rien d'hypocrite.
mais au fait il faut comprendre le mécanisme des banques dites classique pour voir la diff entre les deux, et ne pas confondre le principal et l'intérêt.
le principe de la finance islamique en tant que tel est correct en terme d'éthique, mais c'est la façon d'en user qui laisse à désirer: la marge des fois est exorbitante, et les banquiers ne se détachent tjr pas des tours de passe-passe.... donc si vous voulez critiquer, ce n'est pas à l' "islamic banking systeme" qu'il faut en vouloir mais aux banques ;)
 
Haut