D’où viennent les grandes familles fassies ?

Hommes de pouvoir, intellectuels mondialement reconnus, magnats de la finance… Craints ou jalousés, les Fassis sont depuis des siècles l’élite du Maroc. Qui sont-ils vraiment et quelle est leur histoire ?


L’un des rares spécialistes à avoir décortiqué le système sociopolitique marocain, John Waterbury, définit les Fassis comme « le modèle de l’élite urbaine, qui a conservé ses traditions, ses alliances et ses acquis, même quand elle a changé de ville (Casablanca dans un premier temps et la diaspora plus tard, ndlr) ». La clé de cette longévité ? D’abord le melting pot de départ, où, selon Roger Le Tourneau, « l’Arabe a apporté sa noblesse, l’Andalou son raffinement, le Kairouanais sa dextérité, le Juif son astuce et le Berbère sa ténacité ». Mélange de catégories sociales ensuite. On parle d’un triptyque entre commerçants aisés, savants respectés et charifs vénérés.

Trois origines, trois stratégies
Jusqu’au XVIIIe siècle, un notable fassi était reconnu par son appartenance à l’un des trois groupes distincts qui cohabitaient en médina : chorfas, andalous, beldyin.


Les chorfas, descendants des conquérants et du cousin et gendre du prophète, Ali, se sont enrichis sans entrave et ont même joui de privilèges. Se comportant comme des nobles de sang, ils ont aussi agis pour le bien de la communauté.
Les Andalous, chassés par la Reconquista et dont les derniers venus datent de 1666, se prévalent de leur nisba (origine arabe, un peu moins sanctifiée que celle des chorfas), et doivent leur ascension sociale au savoir et au commerce. A Al-Qaraouiyine, plusieurs ont fait une carrière cléricale. Des familles de lettrés, comme Bensouda et Belhaj, ont été cooptés de manière ininterrompue de 1600 à 1900. Les autres Andalous, comme les Tazi, Bennis ou Benjelloun, ont fait fortune à travers la caravane de pèlerinage.
Le troisième groupe, celui qui a eu le plus de mal à se faire accepter, jusqu’en 1750, est connu sous le double label de « beldyin » et « islamyin ». Il s’agit des Juifs convertis à l’islam au XVe siècle, en gros sous la pression des Almohades. Après avoir subi des discriminations et l’animosité des chorfas, ils sont devenus de grands commerçants, des négociateurs internationaux et des savants.

Jusque-là, le rang social ne faisait pas le pouvoir. C’est plutôt le réseau construit par les alliance entre familles, croisant leur ressources financières, foncières et leurs relations.

Les frontières se transforment
A la veille du XXe siècle, les frontières entre ces différents groupes n’existent plus. La distinction se fait dorénavant entre deux grandes catégories. Les premiers (Jamaï, El Mokri, Benslimane, Bensouda, El Fassi, etc.) sont proches de l’État, rompus, de génération en génération, aux postes administratifs éminents (grands vizirs, ministres des Finances, etc.). Les seconds (Benjelloun, Tazi, Lazrak, Lahlou, Berrada, Sqalli, etc.), plutôt commerçants, ne jurent que par les affaires qu’ils mènent depuis 1830, de Casablanca vers Manchester, l’Inde, etc.

Le secret du maintien des Fassis comme la première élite du pays, jusqu’au milieu des années 1980, est d’abord économique, parce que leur ascension a été exponentielle et favorisée par le pouvoir. Sous le protectorat par exemple, certaines familles ont agrandi leur fortune dans l’industrie agro-alimentaire et le transport, selon Waterbury. Certes, les réseaux internationaux tissées par les Fassis, la confiance dont ils jouissaient à l’étranger et leur mobilité spatiale (dès qu’ils se sont sentis à l’étroit à Fès, ils l’ont abandonnée) leur conféraient plusieurs atouts intrinsèques. Mais le coup de pouce du pouvoir est indéniable, renforcé par trois facteurs concomitants qui faisaient l’affaire du Palais. Une école élitiste, un parti nationaliste makhzénisé (l’Istiqlal, appelé « parti des Fassis » par le mouvement populaire, qui a eu droit à des faveurs dans les premières années de l’indépendance) et un conservatisme familial enraciné.

Depuis le milieu des années 1980, l’exception fassie n’est plus de mise. D’abord, l’ascenseur social n’est plus en panne et le Makhzen décide de diversifier son élite dirigeante. Aujourd’hui, le secteur bancaire et de la haute finance est le seul où la nomenclature fassie est toujours prédominante.


http://telquel.ma/2014/06/18/les-grandes-familles-fassies_138913
 
Salam,
Les Fassis, sont nés de cette volonté de diviser, de catégoriser en bien et en mal, de créer des antagonismes "régionaux" ..

Un espace, un lieu géographique où confluait toutes origines, de tous horizons ou ethnies, des Zaouyas les plus reculées, de l’Andalousie mauresque, des familles qui y ont fait souche, tissé des liens, les uns réussissant et les autres y survivant ...

On oublie tous les "fassis" fauchés, foulant au pied, les peaux qui ont fait la renommée de la maroquinerie, comme ces générations d'artisans, pour mettre à l'index les plus dynamiques, oublieux de ceux qui ont aussi alimenté les rangs de la résistance à la colonisation, dont les signataires du manifeste de l'indépendance ...

Enfin, il s'agit avant tout d'individus, de réussites personnelles et cette vision "communautarisant" n'est pas dénuée d'une arrière pensée quasi "racialiste" voire "raciste" ...
 
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