Edito Charlot Hebdo : Bienvenue en France 2012

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Par Marwan Muhammad le 19 avril 2012

Cet édito est extrait de Charlot Hebdo, numéro spécial élections.



Bienvenue en France 2012, où les gens se parlent de moins en moins mais s’accusent mutuellement, où quand un homme politique te parle de croissance, tu peux être sur que tu ne verras pas la couleur des billets,

où l’écologie n’est pas une façon de vivre mais une opinion politique, où pour être une femme libérée il faut se balader nue et manger des yaourts au bifidus,

où des gens roulent des pelles à leur caniche et laissent mourir de froid les sans abris, où les candidats exigent le strict respect de la loi et rentrent chez eux en excès de vitesse,

où la mixité est obligatoire à la piscine mais inexistante à l’assemblée nationale,

où quand un mec te dit qu’il veut « élever le niveau du débat », c’est qu’il s’apprête à descendre les minorités,

où il suffit de dire que quelqu’un est « controversé » pour disqualifier sa pensée,

où il n’y a pas de statistiques ethniques et religieuses donc ouf, pas de discriminations,

où il y a 60 millions d’experts en terrorisme et 6 millions de suspects,

où on invente la taxe carbone pour se déculpabiliser comme si on pouvait effacer notre empreinte sur le monde juste en payant,

où la voix off te parle de « terrorisme islamiste » pendant qu’on te montre à l’écran de simples musulmans en prière,

où le gars qui a tout fait foirer pendant 5 ans peut se re-présenter aux élections sans se faire lapider à coups de tomates,

où la droite extrême est raciste et la gauche s’excuse de ne pas l’être,

où on a 9.4% de chômeurs et plus de 130000 sans logis, mais c’est pas grave parce qu’on a BFM TV.

La France, c’est ce pays qui reste dans le classement de tête des marchands de canons tout en prônant « la paix » à tort mais surtout à travers. Un pays qui se regarde dans le miroir et n’aime pas ce qu’il y voit, un peuple qui ne chante pas la marseillaise mais refuse qu’on la remplace.

France. Complexe. Complexée. Incapable de se définir autrement que par « je ne suis pas… »

On attend le résultat des élections comme des joueurs devant le tirage du loto, convaincus que le sort du pays changera radicalement si on passe de la « démocratie sociale » à la « sociale démocratie », alors que le prochain président sera soumis comme les précédents au diktat des marchés et des groupes d’intérêts. Aussi méritées que soient les critiques à l’égard des politiques, notre responsabilité de citoyens Lambda n’en est pas moins grande dans l’état de la France. La frustration et la désillusion que vivent nombre d’entre nous sont à la mesure des attentes que nous avons (mal) placées dans le pouvoir politique.

Se saisir du vote comme d’un moyen d’expression et de réforme, c’est bien, c’est même nécessaire, mais pas suffisant.

Au delà des élections, où est la société civile ?

Que restera-t-il de notre envie de changer le monde au lendemain du second tour des présidentielles et surtout, quels moyens déployons nous pour faire de cet espoir une vérité ?
 
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