Education islamique vs philosophie, l’éclairage de ali benmakhlouf : apprendre sans exclure

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APPRENDRE SANS EXCLURE/ ALI BENMAKHLOUF



Une polémique qui ne s’est pas encore éteinte a opposé récemment ceux qui ont vu dans une citation du manuel scolaire de l’éducation islamique (première année du baccalauréat) une agression obscurantiste contre la philosophie et son enseignement, aux auteurs du manuel. Je fus de ceux-là. Ali Benmakhlouf, professeur de philosophie à l’université de Paris Est Créteil, Membre Senior de l’institut universitaire de France et de l’Institut International de Philosophie, a un point de vue qui nous a échappé. Même s’il y a un aspect, celui de l’enseignant marocain, à discuter, Ali Benmakhlouf pose un éclairage nouveau raisonné sur cette polémique.

D’où vient alors la polémique actuelle ?
Certainement pas des manuels de philosophie, ni du rayonnement de cette discipline, remarquable au Maroc, par la qualité de ses enseignants. Il vient d’une lecture ciblée sur des passages du manuel d’étude islamique. Là encore, il faut faire des distinctions importantes pour éviter quelques crampes mentales :

1-Un des passages contestés concerne la citation d’un ouvrage d’Ibn Salah Al Shahrazuri (1161-1245) qui fustige la pratique philosophique. Il s’agit précisément d’une citation et non d’un propos endossé par les rédacteurs du manuel. Ce passage est très critique à l’égard de la pratique philosophique. Mais la critique éveille le jugement, non la colère. Tout réside dans la qualité de l’enseignant : il attire l’attention sur la citation. Celle-ci figure d’ailleurs entre guillemets dans le texte. Le rôle de l’enseignant est de montrer que le travail de l’intellect (Al ‘aql) ne peut mener à aucun aveuglement. Il se met en position de répondre à l’élève (Al thilmida wa al thilmid, selon la terminologie nouvelle qui fait sa part à la parité scolaire), élève qui ne peut manquer de s’interroger sur les propos radicaux d’Al Shahrazuri. Nourrir la contradiction c’est nourrir le jugement. La censure, quelle qu’elle soit, qu’elle émane de ceux qui font l’éloge de la philosophie ou de ceux qui ont font la critique, ne saurait être justifiée. Pascal disait bien que Descartes était « inutile et incertain ». Il ne vient à personne de censurer Pascal. En revanche, son propos doit être soumis à la discussion.

2-Le manuel d’éducation islamique, nouvellement confectionné, est nettement mieux réalisé que le précédent. Il a émondé les expressions qui dévalorisaient les autres religions. Il tourne autour de quatre objectifs : l’affirmation de l’unicité divine comme élément distinctif du message prophétique, l’affirmation de l’universel par le biais de la reconnaissance de l’autre appartenant à d’autres religions, la présentation des principes du droit et la présentation des principes d’équité.

3-Il appartient à l’enseignant de hiérarchiser les priorités, de distinguer entre l’essentiel (ces quatre objectifs) et le subsidiaire (telle ou telle citation), puis d’instruire l’élève à l’usage des guillemets et à l’exposition de l’avis des penseurs sans nécessairement endosser leur avis. Cela permet d’éviter les anachronismes, d’évaluer les contextes, et de ne pas attribuer à un auteur du 12e siècle des positions de l’extrémisme religieux d’aujourd’hui.

Un manuel reste un outil, une béquille. La qualité de l’enseignement repose sur la parole de l’enseignant qui éveille l’intérêt des élèves et les met sur la voie de l’apprentissage, non sur celle de la conviction, toujours pathologique quand elle se présente toute seule sans la réflexion.

http://www.quid.ma/societe/educatio...e-de-ali-benmakhlouf-:-apprendre-sans-exclure
 
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