Une lutte fratricide. Si la victoire des Frères musulmans au premier tour des législatives égyptiennes ne faisait aucun doute, le score de 24 % obtenu dimanche par les salafistes constitue une véritable surprise qui pourrait changer la donne politique en Égypte. Sur les 56 sièges en jeu au second tour, 22 opposent mardi les islamistes "modérés" du PLJ (Frères musulmans) au parti islamiste radical al-Nour (salafistes). L'issue est pour le moins incertaine. Pour comprendre les dessous du "réveil" salafiste en Égypte, Le Point.fr a interrogé Tariq Ramadan, professeur d'études islamiques contemporaines à Oxford, et auteur de L'islam et le réveil arabe (Presses du Châtelet).
Le Point.fr : Comment expliquez-vous le score important des salafistes en Égypte ?
Tariq Ramadan : Il est primordial de noter le revirement spectaculaire qui a été effectué par les salafistes ces dernières semaines. Il faut savoir que ce courant, qui prêche une vision très littérale du Coran et de la tradition - sans rien contextualiser - affirmait encore il y a quelques mois que la démocratie était anti-islamique, et qu'il ne fallait surtout pas participer aux élections. Il a tout à coup changé. Pendant ces dernière semaines, les salafistes ont joué sur le sentiment populaire. Ils sont extrêmement présents sur le terrain, tiennent beaucoup de mosquées. Ils ont également tiré parti de l'image d'opposant historique qui colle à la peau des Frères musulmans.
Comment expliquer ce revirement ?
Sans doute ont-ils vite saisi que se présentait devant eux une opportunité historique de pouvoir tourner les événements à leur avantage. Alors que ni eux ni les Frères musulmans n'étaient présents au début de la révolution, ils se sont rendu compte que plus le temps passait, plus le référent islamique réapparaissait au sein de la population. Même si sous la dictature, alors qu'il était fortement combattu et nié, il participait toujours aux consciences. Dès le début de la révolution, je faisais remarquer que ceux qui ont aidé la révolution n'étaient pas des islamistes, mais qu'ils restaient des musulmans.
Dès lors, la victoire des Frères musulmans, avec 37 % des voix, n'est-elle pas ternie ?
Il faut savoir que les Frères musulmans avaient volontairement décidé de se limiter à un plafond de 40 % des voix. Leur but : ne pas représenter tout de suite une majorité mais une forte minorité. Il s'agissait d'un calcul stratégique visant à ne pas s'exposer. D'autre part, ils mesuraient déjà les oppositions en leur sein. Ainsi, ils ont décidé de ne pas nommer de représentants dans tout le pays. Tout à coup, les salafistes arrivent et remportent une grosse part du gâteau. Il faut dire qu'ils bénéficient du soutien financier et idéologique de l'Arabie saoudite. En finançant ce mouvement, ils lui donnent la possibilité de s'exprimer sur le terrain. Contrairement à ce que l'on croit, ce ne sont pas 60 % (addition des scores des Frères et des salafistes, NDLR) des islamistes qui gagnent aujourd'hui en Égypte. Il y a une vraie fracture entre les deux courants. Alliés de l'Arabie saoudite, les États-Unis n'ont aucun problème avec le salafisme saoudien - même s'il est très conservateur et va jusqu'à établir des châtiments - dès lors qu'il protège leurs intérêts.
Le Point.fr : Comment expliquez-vous le score important des salafistes en Égypte ?
Tariq Ramadan : Il est primordial de noter le revirement spectaculaire qui a été effectué par les salafistes ces dernières semaines. Il faut savoir que ce courant, qui prêche une vision très littérale du Coran et de la tradition - sans rien contextualiser - affirmait encore il y a quelques mois que la démocratie était anti-islamique, et qu'il ne fallait surtout pas participer aux élections. Il a tout à coup changé. Pendant ces dernière semaines, les salafistes ont joué sur le sentiment populaire. Ils sont extrêmement présents sur le terrain, tiennent beaucoup de mosquées. Ils ont également tiré parti de l'image d'opposant historique qui colle à la peau des Frères musulmans.
Comment expliquer ce revirement ?
Sans doute ont-ils vite saisi que se présentait devant eux une opportunité historique de pouvoir tourner les événements à leur avantage. Alors que ni eux ni les Frères musulmans n'étaient présents au début de la révolution, ils se sont rendu compte que plus le temps passait, plus le référent islamique réapparaissait au sein de la population. Même si sous la dictature, alors qu'il était fortement combattu et nié, il participait toujours aux consciences. Dès le début de la révolution, je faisais remarquer que ceux qui ont aidé la révolution n'étaient pas des islamistes, mais qu'ils restaient des musulmans.
Dès lors, la victoire des Frères musulmans, avec 37 % des voix, n'est-elle pas ternie ?
Il faut savoir que les Frères musulmans avaient volontairement décidé de se limiter à un plafond de 40 % des voix. Leur but : ne pas représenter tout de suite une majorité mais une forte minorité. Il s'agissait d'un calcul stratégique visant à ne pas s'exposer. D'autre part, ils mesuraient déjà les oppositions en leur sein. Ainsi, ils ont décidé de ne pas nommer de représentants dans tout le pays. Tout à coup, les salafistes arrivent et remportent une grosse part du gâteau. Il faut dire qu'ils bénéficient du soutien financier et idéologique de l'Arabie saoudite. En finançant ce mouvement, ils lui donnent la possibilité de s'exprimer sur le terrain. Contrairement à ce que l'on croit, ce ne sont pas 60 % (addition des scores des Frères et des salafistes, NDLR) des islamistes qui gagnent aujourd'hui en Égypte. Il y a une vraie fracture entre les deux courants. Alliés de l'Arabie saoudite, les États-Unis n'ont aucun problème avec le salafisme saoudien - même s'il est très conservateur et va jusqu'à établir des châtiments - dès lors qu'il protège leurs intérêts.