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Enquête. ce que veut vraiment l’etat islamique
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[QUOTE="Curios, post: 14106812, member: 376939"] Abu Muhammad Al-Maqdisi a écrit à son ancien élève qu’il devait se montrer prudent et ne pas “émettre de larges proclamations de takfîr” ou “déclarer des personnes coupables d’apostasie en raison de leurs péchés”. La distinction entre apostat et pécheur est un des désaccords fondamentaux entre Al-Qaida et l’EI. Nier la sainteté du Coran ou les prophéties de Mahomet relève clairement de l’apostasie. Mais Abou Moussab Al-Zarqaoui et l’organisation qu’il a créée estiment que de nombreux actes peuvent justifier d’exclure un musulman de l’islam, comme vendre de l’alcool et des drogues, porter des vêtements occidentaux, se raser la barbe ou encore voter lors d’une élection. Etre chiite est aussi un motif d’exclusion, car l’EI estime que le chiisme est une innovation, or innover par rapport au Coran revient à nier sa perfection initiale. Ainsi quelque 200 millions de chiites sont menacés de mort. Il en va de même pour les chefs d’Etat de tous les pays musulmans, qui ont élevé le droit des hommes au dessus de la charia en se présentant à des élections ou en appliquant des lois qui ne viennent pas de Dieu. Conformément à sa doctrine sur l’excommunication, l’EI s’engage à purifier le monde en exterminant de larges groupes de personnes. Les publications sur les réseaux sociaux laissent penser que les exécutions individuelles se déroulent plus ou moins en continu et que des exécutions de masse sont organisées à quelques semaines d’intervalle. Les “apostats” musulmans sont les victimes les plus nombreuses. Il semble en revanche que les chrétiens qui ne résistent pas au nouveau pouvoir échappent à l’exécution automatique. Abou Bakr Al-Baghdadi les laisse vivre tant qu’ils paient un impôt spécial, appelé jizya, et qu’ils se soumettent. Retour à un islam “ancien” Des siècles se sont écoulés depuis la fin des guerres de religion en Europe. Depuis, les hommes ont cessé de mourir en masse pour d’obscurs différends théologiques. C’est peut-être pour cette raison que les Occidentaux ont accueilli la théologie et les pratiques de l’EI avec tant d’incrédulité et un tel déni. De nombreuses organisations musulmanes traditionnelles sont même allées jusqu’à affirmer que l’EI était “contraire à l’islam”. Toutefois, les musulmans qui emploient cette expression sont souvent “embarrassés et politiquement corrects, avec une vision naïve de leur religion” qui néglige “ce qu’elle a impliqué, historiquement et juridiquement”, suggère Bernard Haykel, chercheur de Princeton d’origine libanaise et expert de premier plan sur la théologie de l’EI. Tous les universitaires à qui j’ai posé des questions sur l’idéologie de l’EI m’ont renvoyé vers Bernard Haykel. Selon ce dernier, les rangs de l’EI sont profondément imprégnés d’ardeur religieuse. Les citations du Coran sont omniprésentes. Pour lui, l’argument selon lequel l’EI a déformé les textes de l’islam est grotesque et on ne peut le soutenir que par ignorance volontaire. “Les gens veulent absoudre l’islam, explique-t-il, d’où le mantra affirmant que ‘l’islam est une religion pacifique’. Comme s’il existait un ‘islam’ ! Ce qui compte, c’est ce que font les musulmans et comment ils interprètent leurs textes. Les membres de l’EI ont la même légitimité que n’importe qui d’autre.” Tous les musulmans reconnaissent que les premières conquêtes de Mahomet ont été chaotiques et que les lois de la guerre transmises par le Coran et les récits sur le règne du Prophète étaient adaptées à une époque troublée et violente. Bernard Haykel estime que les combattants de l’EI représentent un authentique retour à un islam ancien et qu’ils reproduisent fidèlement ses pratiques guerrières. Cela englobe un certain nombre de pratiques que les musulmans modernes préfèrent ne pas reconnaître comme faisant partie intégrante de leurs textes sacrés. “L’esclavage, la crucifixion et les décapitations ne sont pas des éléments que des [djihadistes] fous sélectionneraient dans la tradition médiévale”, affirme Bernard Haykel. Les combattants de l’EI sont “en plein dans la tradition médiévale et ils la transposent dans son intégralité à l’époque contemporaine”. Le Coran précise que la crucifixion est l’une des seules sanctions permises contre les ennemis de l’islam. La taxe imposée aux chrétiens est clairement légitimée par la sourate At-Tawbah, neuvième chapitre du Coran, qui intime aux musulmans de combattre les chrétiens et les juifs “jusqu’à ce qu’ils versent la capitation [la taxe] de leurs propres mains, après s’être humiliés”. Lorsque l’EI a commencé à réduire des gens en esclavage, même certains de ses sympathisants ont renâclé. Néanmoins, le califat a continué à pratiquer l’asservissement et la crucifixion. “Nous conquerrons votre Rome, briserons vos croix et asservirons vos femmes, a promis Mohamed Al-Adnani, porte-parole de l’EI, dans l’un des messages qu’il a adressés à l’Occident. Si nous n’y parvenons pas, nos enfants et nos petits-enfants y parviendront. Et ils vendront vos fils sur le marché aux esclaves.” II. Territoire En novembre 2014, je me suis rendu en Australie pour rencontrer Musa Cerantonio, un trentenaire identifié comme l’une des deux plus importantes “nouvelles autorités spirituelles” guidant les étrangers pour qu’ils rejoignent l’EI. Pendant trois ans, il a été télévangéliste sur Iqraa TV, au Caire, mais il est parti quand la chaîne a contesté ses appels fréquents à la création d’un califat. Maintenant, il prêche sur Facebook et Twitter. Musa Cerantonio, un homme grand et avenant à l’air studieux, raconte qu’il blêmit à la vue des vidéos de décapitations. Il déteste voir la violence, même si les sympathisants de l’EI sont contraints de la soutenir. Il a une barbe broussailleuse qui rappelle certains fans du Seigneur des anneaux, et son obsession pour l’idéologie apocalyptique de l’islam m’était familière. En juin 2014, Musa Cerantonio et son épouse ont tenté d’émigrer – il n’a pas précisé où (“Il est illégal de partir en Syrie”, précise-t-il méfiant) – mais ils ont été arrêtés en route, aux Philippines, et expulsés vers l’Australie. En Australie, chercher à rejoindre l’EIou se rendre sur son territoire est une infraction ; le gouvernement a donc confisqué le passeport de Musa Cerantonio. Jusqu’à présent, toutefois, il est libre. C’est un idéologue sans affiliation officielle, mais dont la parole fait autorité auprès des autres djihadistes pour ce qui touche à la doctrine de l’EI. Nous nous sommes donné rendez-vous pour déjeuner à Footscray, une banlieue multiculturelle très peuplée de Melbourne. Musa Cerantonio a grandi là, dans une famille italo-irlandaise. [/QUOTE]
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