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PLD (Peace, Love and Diversity)
Une prophétie autoréalisatrice est une prophétie qui modifie des comportements de telle sorte qu'ils font advenir ce que la prophétie annonce. Ce qui n'était qu'une possibilité parmi d'autres devient réalité, par l'autorité de l'oracle qui énonce la prophétie ou par la focalisation des esprits sur cette possibilité. L'inverse, la prophétie autodestructrice ou paradoxe du prophète ou encore paradoxe du prévisionniste, est une prédiction qui, au contraire, détruit les possibilités de réalisation de la prédiction.
Dans les deux cas, le fait d'énoncer la prédiction et de trouver des gens pour y croire modifie les anticipations et donc les comportements.
Plus généralement, ces prophéties font partie des système à rétroaction, rétroaction positive (amplificatrice, instable) pour les autoréalisatrices, rétroaction négative (amortissante, stabilisatrice) pour les autodestructices.
À noter que l'adjectif, autoréalisatrice ou autodestructrice, se rapporte à la prophétie, et non aux événements annoncés ; une prophétie qui annonce une destruction peut être «autoréalisatrice», tandis qu'une prophétie «autodestructrice» peut se rapporter à un événement positif.
Sommaire [masquer]
Dans un texte de 1929, l'écrivain hongrois Frigyes Karinthy écrit sous le titre "L'Oracle de Macbeth" (traduction Judith et Pierre Karinthy) :
« Si cela a échappé à quelqu’un : on appelle Oracle de Macbeth (d’après la prophétie de cette nature que l’on trouve dans Macbeth de Shakespeare) les prédictions qui, volontairement ou inconsciemment (de bonne ou mauvaise foi) provoquent ce qu’elles prédisent : ce ne sont donc pas des prédictions à proprement parler, mais des suggestions (plus rarement) conscientes ou (le plus souvent) inconscientes, qui s’immiscent auprès de notre volonté sous le déguisement du stimulus le plus efficace chatouillant notre désir le plus avide, la prescience, afin de l’influencer, d’y implanter subrepticement des éléments de volonté étrangers, de la mettre au service d’une volonté étrangère. »
C'est donc à Frigyes Karinthy qu'il faut donner la primauté du concept moderne de prophétie autoréalisatrice. La notion de prophétie autoréalisatrice a été décrite vingt ans plus tard sous ce nom par le sociologue fonctionnaliste Robert K. Merton à partir du « théorème de Thomas » : « Si les hommes considèrent des situations comme réelles, alors elles le deviennent dans leurs conséquences ». Selon Thomas, les actions individuelles se comprennent au regard de la « définition de la situation » que ceux-ci font avant d'agir. Aussi, peu importe que les individus se trompent, que leurs représentations soient justes ou fausses, car les actions conséquentes à une croyance sont identiques que celle-ci soit juste ou fausse.
Fonctionnement de la prophétie autoréalisatrice[modifier | modifier le code]
C'est en 1949, dans Social Theory et Social Structure (traduit en français sous le titre Éléments de théorie et de méthode sociologique) que Robert K. Merton a développé la notion de prophétie autoréalisatrice (appelée initialement "prédiction créatrice" chapitre 4) à partir du théorème de Thomas. Il la présente ainsi : « C’est, au début, une définition fausse de la situation qui provoque un comportement qui fait que cette définition initialement fausse devient vraie ».
À la différence du « théorème de Thomas », dans ce cas, ce ne sont donc plus simplement les conséquences de la croyance qui sont vraies, mais la croyance qui le devient.
Robert K. Merton explique ainsi les problèmes d'intégration des Afro-Américains dans les syndicats aux États-Unis. Pour Merton, si les Afro-Américains ne sont pas intégrés dans les syndicats, c'est parce que les syndicalistes pensent que les Noirs ne partagent pas les valeurs du syndicat en travaillant durant les grèves, mais si ceux-ci sont amenés à travailler à l'encontre du syndicat, c'est qu'ils en sont en réalité exclus.
Prophétie autodestructrice[modifier | modifier le code]
La situation réciproque de la prophétie autoréalisatrice est appelée en anglais « Self-defeating prophecy », l'expression est généralement traduite « prophétie autodestructrice ». Cette fois, c'est le fait d'annoncer un événement qui le contrecarre.
On trouve notamment de telles situation en économie : par exemple, le fait d'annoncer qu'une ressource sera abondante et pas chère l'an prochain (ou, respectivement, sera rare et chère), incite des investisseurs à augmenter leur besoin de cette ressource (respectivement : s'organiser pour s'en passer le plus possible), ce qui augmente la demande (respectivement : la baisse) et joue en sens inverse de la prédiction. L'effet est suffisant pour que les prévisionnistes professionnels en tiennent compte, sous peine de détruire leur crédibilité.
Par exemple on considère souvent que le désastre que devait causer le bogue de l'an 2000 était une prophétie autodestructrice car l'annonce d'une catastrophe a permis d'obtenir la mobilisation nécessaire pour la contrecarrer. On peut mobiliser un tel raisonnement pour analyser l'élection présidentielle française de 1995, le fait qu'Édouard Balladur ait été annoncé vainqueur par de nombreux journaux aurait pu provoquer sa défaite. Idem pour l'élection de 2002 : la prédiction selon laquelle Lionel Jospin irait sans problème au second tour aurait démobilisé les électeurs et provoqué (en partie) sa défaite ; la simple possibilité que J.M. Le Pen soit élu suffit à mobiliser massivement ses opposants et rendre franchement impossible cet événement (prophétie autodestructrice).
Exemples de prophéties autoréalisatrices dans différents domaines[modifier | modifier le code]Éducation[modifier | modifier le code]
Différentes expériences ont montré que le système éducatif (parents comme enseignants) était sensible aux réputations des élèves. Dans une certaine mesure, le fait d'annoncer que des enfants sont bons ou en difficulté, dociles ou rebelles, contribue à les rendre tels. Par exemple si on pense détecter un certain talent (artistique par exemple) chez un enfant, on le poussera vers une carrière de ce type, on lui demandera plus d'efforts et plus de travail ce qui contribuera à lui donner un niveau supérieur à la moyenne, justifiant le talent prédéterminé.
Dans les deux cas, le fait d'énoncer la prédiction et de trouver des gens pour y croire modifie les anticipations et donc les comportements.
Plus généralement, ces prophéties font partie des système à rétroaction, rétroaction positive (amplificatrice, instable) pour les autoréalisatrices, rétroaction négative (amortissante, stabilisatrice) pour les autodestructices.
À noter que l'adjectif, autoréalisatrice ou autodestructrice, se rapporte à la prophétie, et non aux événements annoncés ; une prophétie qui annonce une destruction peut être «autoréalisatrice», tandis qu'une prophétie «autodestructrice» peut se rapporter à un événement positif.
Sommaire [masquer]
- 1 Mécanisme
- 1.1 Aux origines de la prophétie autoréalisatrice
- 1.2 Fonctionnement de la prophétie autoréalisatrice
- 2 Prophétie autodestructrice
- 3 Exemples de prophéties autoréalisatrices dans différents domaines
- 3.1 Éducation
- 3.2 Économie
- 3.3 Guerre et paix
- 3.4 Politique
- 3.5 Médecine
- 3.6 Sciences
- 3.7 Légendes et littérature
- 4 Références
- 5 Bibliographie
- 6 Article connexe
Dans un texte de 1929, l'écrivain hongrois Frigyes Karinthy écrit sous le titre "L'Oracle de Macbeth" (traduction Judith et Pierre Karinthy) :
« Si cela a échappé à quelqu’un : on appelle Oracle de Macbeth (d’après la prophétie de cette nature que l’on trouve dans Macbeth de Shakespeare) les prédictions qui, volontairement ou inconsciemment (de bonne ou mauvaise foi) provoquent ce qu’elles prédisent : ce ne sont donc pas des prédictions à proprement parler, mais des suggestions (plus rarement) conscientes ou (le plus souvent) inconscientes, qui s’immiscent auprès de notre volonté sous le déguisement du stimulus le plus efficace chatouillant notre désir le plus avide, la prescience, afin de l’influencer, d’y implanter subrepticement des éléments de volonté étrangers, de la mettre au service d’une volonté étrangère. »
C'est donc à Frigyes Karinthy qu'il faut donner la primauté du concept moderne de prophétie autoréalisatrice. La notion de prophétie autoréalisatrice a été décrite vingt ans plus tard sous ce nom par le sociologue fonctionnaliste Robert K. Merton à partir du « théorème de Thomas » : « Si les hommes considèrent des situations comme réelles, alors elles le deviennent dans leurs conséquences ». Selon Thomas, les actions individuelles se comprennent au regard de la « définition de la situation » que ceux-ci font avant d'agir. Aussi, peu importe que les individus se trompent, que leurs représentations soient justes ou fausses, car les actions conséquentes à une croyance sont identiques que celle-ci soit juste ou fausse.
Fonctionnement de la prophétie autoréalisatrice[modifier | modifier le code]
C'est en 1949, dans Social Theory et Social Structure (traduit en français sous le titre Éléments de théorie et de méthode sociologique) que Robert K. Merton a développé la notion de prophétie autoréalisatrice (appelée initialement "prédiction créatrice" chapitre 4) à partir du théorème de Thomas. Il la présente ainsi : « C’est, au début, une définition fausse de la situation qui provoque un comportement qui fait que cette définition initialement fausse devient vraie ».
À la différence du « théorème de Thomas », dans ce cas, ce ne sont donc plus simplement les conséquences de la croyance qui sont vraies, mais la croyance qui le devient.
Robert K. Merton explique ainsi les problèmes d'intégration des Afro-Américains dans les syndicats aux États-Unis. Pour Merton, si les Afro-Américains ne sont pas intégrés dans les syndicats, c'est parce que les syndicalistes pensent que les Noirs ne partagent pas les valeurs du syndicat en travaillant durant les grèves, mais si ceux-ci sont amenés à travailler à l'encontre du syndicat, c'est qu'ils en sont en réalité exclus.
Prophétie autodestructrice[modifier | modifier le code]
La situation réciproque de la prophétie autoréalisatrice est appelée en anglais « Self-defeating prophecy », l'expression est généralement traduite « prophétie autodestructrice ». Cette fois, c'est le fait d'annoncer un événement qui le contrecarre.
On trouve notamment de telles situation en économie : par exemple, le fait d'annoncer qu'une ressource sera abondante et pas chère l'an prochain (ou, respectivement, sera rare et chère), incite des investisseurs à augmenter leur besoin de cette ressource (respectivement : s'organiser pour s'en passer le plus possible), ce qui augmente la demande (respectivement : la baisse) et joue en sens inverse de la prédiction. L'effet est suffisant pour que les prévisionnistes professionnels en tiennent compte, sous peine de détruire leur crédibilité.
Par exemple on considère souvent que le désastre que devait causer le bogue de l'an 2000 était une prophétie autodestructrice car l'annonce d'une catastrophe a permis d'obtenir la mobilisation nécessaire pour la contrecarrer. On peut mobiliser un tel raisonnement pour analyser l'élection présidentielle française de 1995, le fait qu'Édouard Balladur ait été annoncé vainqueur par de nombreux journaux aurait pu provoquer sa défaite. Idem pour l'élection de 2002 : la prédiction selon laquelle Lionel Jospin irait sans problème au second tour aurait démobilisé les électeurs et provoqué (en partie) sa défaite ; la simple possibilité que J.M. Le Pen soit élu suffit à mobiliser massivement ses opposants et rendre franchement impossible cet événement (prophétie autodestructrice).
Exemples de prophéties autoréalisatrices dans différents domaines[modifier | modifier le code]Éducation[modifier | modifier le code]
Différentes expériences ont montré que le système éducatif (parents comme enseignants) était sensible aux réputations des élèves. Dans une certaine mesure, le fait d'annoncer que des enfants sont bons ou en difficulté, dociles ou rebelles, contribue à les rendre tels. Par exemple si on pense détecter un certain talent (artistique par exemple) chez un enfant, on le poussera vers une carrière de ce type, on lui demandera plus d'efforts et plus de travail ce qui contribuera à lui donner un niveau supérieur à la moyenne, justifiant le talent prédéterminé.