Etats-unis : que deviennent les policiers blancs qui ont tué des noirs ?

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Au vu des affaires qui ont précédé celles de Ferguson, ils s'en sortent généralement à bon compte.

Que va-t-il advenir de Darren Wilson, qui a tiré sur le jeune Michael Brown le 9 août à Ferguson ? Le sort de ce policier blanc de 28 ans mis en congé forcé est maintenant entre les mains des douze membres d’un grand jury du comté de Saint Louis, chargés de décider s’il y a lieu de le poursuivre. La décision pourrait ne pas tomber avant mi-octobre. Mercredi, plusieurs dizaines de manifestants se sont rassemblés devant le bureau du procureur du comté pour exiger son inculpation, ce qui illustre la profonde défiance d’une partie des Américains, notamment les Noirs, vis-à-vis d’une justice qu’ils estiment être à deux vitesses.
De fait, il n’est pas impossible que Darren Wilson finisse par s’en tirer à bon compte, si l’on en juge par les précédentes affaires de Noirs non armés tués par des policiers blancs. Le magazine américain Mother Jones, orienté à gauche, rappelle cinq cas d'impunité flagrante.
Ou l'acteur Anthony Dwain Lee, tué de 7 balles en 2000 lors d’une soirée Halloween parce qu’il portait un pistolet en plastique. L’enquête interne la police de Los Angeles a conclu à la bonne foi du policier.

Ou encore Oscar Grant, 22 ans et quelques ennuis avec la justice, abattu sur un quai de métro d’Oakland, en Californie, le jour du nouvel an 2009 alors qu’il n’avait rien à ne se reprocher ce soir-là (l’affaire avait donné lieu à un film, Fruitvale Station). Le policier a dit avoir confondu son arme avec son Taser. Condamné à deux ans de prison, il est ressorti au bout de onze mois.

Ainsi l'affaire Edward Garner, en 1974. Cet adolescent de 15 ans se trouvait sur le lieu d'un cambriolage. Alors que deux policiers lui ont demandé de s'arrêter, il a cherché à fuir. Un policier lui a alors tiré dans la tête. L'adolescent n'était pas armé. Acquitté, le policier n'a jamais été condamné malgré un avis de la Cour suprême (Tennessee v. Garner) allant dans le sens de la condamnation.

Selon Delores Jones-Brown, une universitaire new-yorkaise spécialisée dans les questions judiciaires et ethniques, qui a passé au crible 21 cas entre 1994 et 2009, les policiers responsables de la mort de Noirs non armés sont rarement condamnés. Trois seulement sur ces 21 ont été in fine reconnus coupables. Dans la plupart de ces cas, relève-t-elle, «il semble que les policiers n’aient eu qu’à prononcer le mot "peur" pour être reconnus non-responsables de leur conduite criminelle. Mais peu d'enquêtes sérieuses ont cherché à savoir si cette peur était rationnelle ou si elle était le fruit de stéréotypes raciaux».

Selon le ministère de la Justice lui-même, les Noirs comme les Hispaniques ont trois fois plus de risques d’être fouillés lors de contrôles routiers que les Blancs, et ils ont quatre fois plus de risques d’être confrontés à la violence lors de contrôles policiers.

Un sondage réalisé en milieu de semaine pour le New York Times et CBS News reflète bien la différence de perception de la justice selon qu'on est Noir ou Blanc aux Etats-Unis. Seuls 11% des Noirs font «fortement» confiance aux autorités locales pour mener une enquête «équitable», tandis que 32% ne leur font «pas tellement» confiance et 27% «pas du tout». Les Blancs sont plus nombreux (31%) à faire «fortement» confiance et seulement 7% à ne «pas du tout» leur faire confiance.


Ou le cas d’Amadou Diallo, 23 ans, non armé, abattu de 41 balles par des policiers à l’entrée de son immeuble du Bronx, à New York, en février 1999. Le jeune homme avait la malchance de ressembler à un homme recherché pour viol, et les policiers ont cru qu’il sortait une arme, alors qu’en réalité il cherchait son portefeuille. Les quatre policiers en cause ont été acquittés, les jurés ayant reconnu la légitime défense. Ils n’ont pas non plus été radiés de la police, mais simplement été interdits de port d’arme.
Cordélia BONAL
LIBERATION
 
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