Evasion fiscale des entreprises : l'étonnante décision du gouvernement

mam80

la rose et le réséda
Modérateur
Des députés voulaient que tout citoyen puisse consulter les détails des comptes de chaque multinationale, pays par pays. Mais l'exécutif en a voulu autrement…

C'est une joute pour le moins originale qui s'est déroulée mardi dans les travées de l'Assemblée. En plein milieu de la nuit, le gouvernement a fait pression pour annuler une mesure des députés, qui prévoyait d'obliger à rendre public le reporting pays par pays des activités des grandes entreprises.

Concrètement, le reporting en lui-même est déjà prévu par un article du projet de loi de finances 2016, mais seulement auprès de l'administration fiscale. Celui-ci oblige toutes les entreprises dégageant plus de 750 millions d'euros de chiffre d'affaires à détailler au fisc leurs "bénéfices et agrégats économiques comptables et fiscaux" dégagés dans chaque coin du globe. Mais les députés voulaient aller plus loin, en l'imposant aux entreprises de plus de 40 millions d'euros de chiffre d'affaires ou de plus de 250 salariés et surtout, de les obliger à publier ces données "en ligne, en format de données ouvert, centralisées et accessibles au public".

Et ils ont bien failli réussir leur coup. Il est un peu plus de minuit, dans la soirée du 15 au 16 décembre, quand les élus de l'Assemblée nationale votent une disposition en ce sens dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2015, avec 28 voix contre 24.

Mais patatras : le secrétaire d'Etat au Budget, Christian Eckert, ne l'entend pas de cette oreille et décide, chose exceptionnelle, d'une seconde délibération après une suspension de séance.

Après trois quarts d'heure de tractations infructueuses, la mesure repasse en l'état dans l'hémicycle… et est finalement retoquée à 1 heure du matin passée.

Mais pourquoi l'exécutif a-t-il fait des pieds et des mains pour annuler cette mesure ?

L'argument principal, c'est le risque que fait peser un tel déballage public sur la compétitivité des entreprises françaises, qui seraient les seules au monde à fournir des données aussi détaillées, ce qui pourrait donc donner un avantage à leurs concurrents.

"Mais cela ne tient pas, s'étrangle Eric Alauzet, député écologiste à l'origine de cet amendement. Depuis 2014, cette obligation de publication du reporting pays par pays s'applique déjà aux banques. Leur business s'est-il écroulé depuis ?".

L'autre justification, c'est que la mesure prévue dans le budget 2016 (le reporting pays par pays des données comptables et fiscales auprès de l'administration) constitue déjà une belle avancée.

"Encore faut-il que l'administration dispose de suffisamment de moyens, en termes de personnes et de temps, pour identifier toutes les fraudes, prévient Eric Alauzet. C'est pour cela que le fait que tout le monde puisse consulter ces données est essentiel pour une efficacité maximale.

Par exemple, on a déjà pu constater à de nombreuses reprises l'utilité des journalistes d'investigation pour mettre au jour des affaires d'évasion fiscale".

Le dossier est loin d'être clos. L'élu promet de revenir à la charge sur le sujet dès la présentation du projet de loi de Michel Sapin sur la transparence économique, prévue au printemps prochain.

Thomas Le Bars

En vidéo : Le paradis luxembourgeois au coeur de l'incohérence européenne



http://www.capital.fr/a-la-une/poli...n-du-gouvernement-1092305#1cZHyLTshZ8j5u4J.99

mam
 
Haut