Facebook : la mémoire cachée

L’appétit vorace de Facebook pour les données personnelles n’est un secret pour personne. Régulièrement, son estomac numérique gargouille auprès de ses membres pour réclamer son dû. « Donnez-moi votre numéro de mobile, que je puisse renvoyer votre mot de passe en cas d’oubli ! » « Expliquez-moi vos opinions politiques, que je puisse mieux cibler mes publicités ! » « Dites-moi ce que vous lisez, ce que vous écoutez, ce que vous regardez, ce que vous cuisinez, que vos amis puissent en profiter ! » Et la plupart des 800 millions d’inscrits, dociles, jettent leurs gros steaks de vie privée dans la gueule béante du réseau social. Ce que personne ne semble savoir, en revanche, c’est que le monstre est dépourvu de système digestif. Il se contente de stocker les données, toujours plus de données, sans jamais en effacer aucune.

Les découvertes du jeune Max Schrems sont effarantes. Au mois de juillet, cet étudiant autrichien en droit a réussi à se procurer l’ensemble des données dont Facebook dispose sur lui. En épluchant les 1222 pages ( !) de son dossier, il a constaté que le réseau social avait soigneusement archivé toutes les informations qu’il croyait avoir supprimées depuis belle lurette. Anciens pseudonymes, messages privés, demandes d’amis refusées... Il soupçonne même l’existence de fiches sur les internautes non inscrits à Facebook. Max Schrems a décidé de saisir les autorités compétentes en Irlande, où Facebook a son siège européen, pour demander une enquête approfondie. À 24 ans, il est en passe de devenir une sérieuse épine dans le pied du réseau qui valait 70 milliards de dollars.



« Statut : effacé »



« Je ne cherche aucun gain financier ou personnel. Je veux simplement pouvoir aller sur Facebook sans me soucier du traitement de ma vie privée », justifie-t-il. Lors de son échange universitaire en Californie, l’an dernier, il a eu l’occasion de rencontrer des responsables de Facebook et de parler avec eux des différences de législation entre les États-Unis et l’Europe en matière de protection de la vie privée. Les premiers sont très laxistes, et le vieux Continent beaucoup plus strict. « J’ai écrit un article sur ce sujet, et j’ai alors découvert que tous les utilisateurs de Facebook vivant en dehors des États-Unis et du Canada étaient liés par contrat à Facebook Irlande », une société « qu’ils ont probablement installée là pour bénéficier d’une fiscalité avantageuse ». Hors Amérique du Nord, donc, « Facebook dépend des lois européennes sur la vie privée. Et bien sûr, il ne les respecte pas. » La bataille commence.

Dégainant sa directive 95/46/CE qui garantit un tel droit à tout citoyen européen, Max Schrems écrit à Facebook pour réclamer l’accès à l’ensemble des données le concernant, via un formulaire très bien caché sur le site du réseau. Il doit insister un peu, et finit par recevoir sur CD-Rom un fichier PDF lourd de plusieurs centaines de mégaoctets et long de 1222 pages. Avec les quelques étudiants qui l’accompagnent dans sa démarche, il a créé le site « Europe versus Facebook » pour partager ses découvertes et expliquer aux internautes comment faire de même. Il y publie son dossier PDF après l’avoir anonymisé, et liste très précisément le type d’informations stockées par Facebook pour chacun de ses membres.

http://www.ecrans.fr/Facebook-la-memoire-cachee,13424.html
 
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