Femmes musulmanes: guerre d'algérie, 1954-1962 de diane sambron.

Drianke

اللهم إفتح لنا أبواب الخير وأرزقنا من حيت لا نحتسب
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L’ouvrage est issu de la thèse d’histoire de Diane Sambron sur « La politique d’émancipation du gouvernement français à l’égard des femmes musulmanes pendant la guerre d’Algérie ».

L’auteure y étudie le rôle effectif des femmes dans la lutte d’indépendance nationale du peuple algérien, mais se donne également pour objectif d’analyser comment elles devinrent, dès le début de la guerre, un enjeu militaire et politique. Ainsi, l’apport majeur du livre est de montrer comment les femmes algériennes furent tiraillées entre l’armée française, qui vit en elles la clé de la résolution du conflit, et le FLN, qui les exhorta à rejoindre le combat nationaliste.

L’engagement des femmes dans la guerre survint dès 1954 et se concrétisa par leur intégration dans l’Armée de libération nationale et dans les réseaux de la guérilla urbaine, ou encore par leur collaboration avec les combattants du FLN. Toutefois, cet investissement fut relativement réduit jusqu’en 1957, date à laquelle apparurent sur la scène médiatique de nouvelles jeunes femmes chargées du transport des armes et de leur dépôt. Ces fidayine, bien que minoritaires par rapport à l’ensemble des combattantes (2%), incarnèrent dès lors « la femme algérienne combattante » et suscitèrent de nouveaux engagements féminins. Cet activisme engendra l’intensification de la répression envers les femmes qui, bien qu’ayant gêné l’autorité militaire, n’en fut pas moins importante. Elle atteignit son apogée en 1958 et aboutit à la condamnation de centaines de femmes pour « atteinte à la sûreté de l’État » ou « faits de rébellion », parfois même à leur condamnation à mort. Diane Sambron revient aussi sur la question des viols perpétués par l’armée française qui, difficilement quantifiables et désapprouvés par les instances civiles et militaires, touchèrent tant des combattantes que des civiles.

Toutefois, dans une guerre où l’action politique et psychologique tint une place si importante, l’intervention de l’armée ne fut pas seulement répressive, mais s’orienta vers la propagande sous l’impulsion du 5e bureau d’action psychologique. Perçues comme vecteur d’intégration de la population musulmane, les femmes devaient basculer en faveur du maintien de la présence française en Algérie. Dès lors, une intense propagande s’opéra en leur direction par les tracts ou les affiches, mais aussi par la presse écrite, radiodiffusée et télévisée. Cette action propagandiste passa aussi par le soutien aux associations comme le Mouvement de solidarité féminine créée le 13 mai 1958 par Mmes Massu et Salan. Œuvrant pour la « libération du statut féminin », l’association créa notamment des « cercles féminins » où étaient conviés les femmes musulmanes. Ces « cercles » furent aussi le fait des équipes médico-sociales itinérantes, corps d’armée spécifique, dont la mission essentielle était l’action psychologique en direction de l’opinion féminine. Enfin, furent aussi mises en place des Sections administratives spéciales qui, dispensant des soins médicaux gratuits, des conseils d’hygiène et de puéricultrice, étaient là encore destinée à toucher la composante féminine de la population algérienne. Mais c’est surtout par son soutien aux réformes du statut de la femme, réglementé en Algérie par les pratiques sociales et les lois religieuses, que l’action de l’armée fut la plus significative. Elle aboutit notamment à l’ordonnance de 1959 qui, à défaut de s’attaquer à la polygamie, supprima la répudiation et la contrainte matrimoniale, instaura l’obligation du mariage civil, l’âge légal du mariage à 15 ans et le divorce judiciaire.

La réaction du FLN, face à ce qu’il considérait comme une tentative de récupération de l’opinion publique féminine, prit la forme d’une contre-propagande, notamment par la dénonciation des exactions commises par les colons. Il s’opposa aussi catégoriquement à l’émancipation des femmes telle que décrite par les statuts de 1959, tant parce qu’elle émanait de l’État colonial que parce qu’elle reposait sur une lecture moderniste du Coran. De plus, l’incorporation des femmes dans les instances FLN/ALN fut extrêmement encadrée et ces dernières se virent bien souvent confier des tâches traditionnellement féminines. Elles furent dès lors massivement infirmières, propagandistes, cuisinières ou blanchisseuses. Dans le maquis, la promiscuité entre hommes et femmes fut jugée indécente et très vite, les infirmières furent remplacées par des hommes, les mariages entre combattants réglementés, les tests de virginités instaurés pour les nouvelles recrues. Cette séparation hommes/femmes se retrouva aussi au sein du corps des combattants où les femmes eurent rarement accès à des postes de responsabilités et de commandement.

La participation des femmes algériennes à la lutte d’indépendance a été consacrée par différents textes constitutionnels de l’État algérien, dont la constitution de 1963 qui inscrivit l’égalité de droits entre femmes et hommes. Toutefois, comme le rappelle l’auteure en conclusion, une jurisprudence beaucoup plus respectueuse de l’orthodoxie traditionnelle remit rapidement en cause cette évolution du statut juridique de la femme, ce que confirma l’adoption en 1984 du code de la famille appelé « code de l’infamie » et toujours en vigueur.

Vanessa Codaccioni


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@Jmenfoutiste
@breakbeat

Celà pourrait vous intéresser pour comprendre certaines choses...avec cette histoire de maillot de bain et la natation pour les musulmanes dans la section islam me suis rappelée ce livre...

Retirer le haïk ça suffit pas aujourd'hui faut se mettre en maillot de bain en public devant des étrangers...:eek:
 

Drianke

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Ayons les femmes, et le reste suivra

Écrit par Stéphanie



Voici un texte intéressant de Frantz Fanon, auteur antillais anti-colonialiste (Les Damnés du colonialisme, Peau noire, masque blanc, etc.) Intéressant car il démontre comment le colonialisme a tout d'abord mobilisé sa machine de guerre contre les femmes en tant qu'honneur à préserver pour pouvoir ensuite miner les autres valeurs de la société.

Cet extrait du livre « L’an V de la révolution Algérienne » de Frantz Fanon, est malheureusement plus que jamais d’actualité. Un texte grâce auquel on peut s’apercevoir que l’on nage bien dans le neo-colonialisme.

« Le haïk délimite de façon très nette la société colonisée algérienne. On peut évidemment demeurer et indécis et perplexe devant une petite fille, mais toute incertitude disparaît au moment de la puberté. Avec le voile, les choses se précisent et s’ordonnent. La femme algérienne est bien aux yeux de l’observateur : « celle qui se dissimule derrière son voile. ».

Nous allons voir que ce voile, élément parmi d’autres de l’ensemble vestimentaire traditionnel algérien, va devenir l’enjeu d’une bataille, à l’occasion de laquelle les forces d’occupation mobiliseront leurs ressources les plus puissantes et les plus diverses, et où le colonisé déploiera une force étonnante d’inertie. La société coloniale, prise dans son ensemble, avec ses valeurs, ses lignes de force et sa philosophie, réagit de façon assez homogène en face du voile. Avant 1954, plus précisément depuis les années 1930-1935, le combat décisif est engagé. Les responsables de l’administration française en Algérie, préposés à la destruction de l’originalité du peuple, chargés par les pouvoirs de procéder coûte que coûte à la désagrégation des formes d’existence susceptibles d’évoquer de près ou de loin une réalité nationale, vont porter le maximum de leurs efforts sur le port de voile, conçu en l’occurrence, comme symbole du statut de la femme algérienne. Une telle position n’est pas la conséquence d’une intuition fortuite. C’est à partir des analyses des sociologues et des ethnologues que les spécialistes des affaires dites indigènes et les responsables des Bureaux arabes coordonnent leur travail. A un premier niveau, il y a reprise pure et simple de la fameuse formule : « Ayons les femmes et le reste suivra. » Cette explication se contente simplement de revêtir une allure scientifique avec les « découvertes » sociologiques. Sous le type patrilinéaire de la société algérienne, les spécialistes décrivent une structure d’essence matrimoniale. La société arabe a souvent été présenté par les occidentaux comme une sociétés de l’extériorité, du formalisme et du personnage . La femme algérienne, intermédiaire entre les forces obscures et le groupe paraît alors revêtir une importance primordiale. Derrière le patriarcat visible, manifeste, on affirme l’existence, plus capitale, d’un matriarcat de base. Le rôle de la mère algérienne, ceux de la grand-mère, de la tante, de la « vieille » sont inventoriés et précisés.

L’administration coloniale peut alors définir une doctrine politique précise : « Si nous voulons frapper la société algérienne dans sa contexture, dans ses facultés de résistance, il nous faut d’abord conquérir les femme, il faut que nous allions les chercher derrière le voile où elles se dissimulent et dans les maisons où les hommes les cache. ». C’est la situation de la femme qui sera alors prise en compte comme thème d’action. L’administration dominante veut défendre solennellement la femme humiliée, mise à l’écart cloîtrée… On décrit les possibilités immenses de la femme, malheureusement transformée par l’homme algérien en objet inerte démonétisé, voire déshumanisé. Le comportement de l’Algérien est dénoncé très fermement et assimilé à des survivances moyenâgeuses et barbare. Avec une science infinie, la mise en place d’un réquisitoire type contre l’Algérien sadique et vampire dans son attitude avec les femmes, est emprise et menée à bien. L’occupant amasse autour de la vie familiale de l’Algérien tout un ensemble de jugements, d’appréciations, de considérants, multiplie les anecdotes et les exemples édifiants, tentant ainsi d’enfermer l’Algérien dans un cercle de culpabilité.

Des sociétés d’entraide et de solidarité avec les femmes algériennes se multiplient. Les lamentations s’organisent. « On veut faire honte à l’algérien du sort qu’il réserve à la femme. ». c’est la période d’effervescence et de mise en application de toute une technique d’infiltration au cours de laquelle des meutes d’assistance sociales et d’animatrices se ruent sur les quartier arabes.

C’est d’abord le siège des femmes indigentes et affamées qui est entrepris. A chaque kilo de semoule distribué correspond une dose d’indignation contre le voile et la claustration. Après l’indignation, les conseils pratiques. Les femmes algérienne sont invitées à jouer « un rôle fondamental, capital » dans la transformation de leur sort. On les presse de dire non à une sujétion séculaire. On leur décrit le rôle immense qu’elles ont à jouer. L’administration coloniale investit des sommes importantes dans ce combat. Après avoir posé que la femme constitue le pivot de la société algérienne, tous les efforts sont faits pour en avoir le contrôle. L’Algérien, est il assuré, ne bougera pas, résistera à l’entreprise de destruction culturelle menée par l’occupant, s’opposera à l’assimilation, tant que sa femme n’aura pas renversé la vapeur. Dans le programme colonialiste, c’est à la femme que revient la mission historique de bousculer l’homme algérien. Convertir la femme, la gagner aux valeurs étrangères, l’arracher à son statut, c’est à la fois conquérir un pouvoir réel sur l’homme et posséder les moyens pratiques, efficaces, de déstructurer la culture algérienne. »

Frantz FANON
 

Pièces jointes

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Salam

Je me suis arrêté à un des titres "Ayons les femmes et nous auront le reste". Je lirai calmement in sha Allah, mais mon opinion est déjà faite sur le sujet. Sans vouloir lancer la pierre ou l'anathème aux femmes musulmanes, puisque les premiers responsables sont les hommes musulmans et leur lâcheté, elles suivent ce que les ennemis de leur religion veulent, par bien des stratagèmes. Tout passe par la femme! Tout.

Salam.
 
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