C’est désormais clair, il y a deux France.
L’une est éduquée, l’autre non.
Je ne parle pas de riches et de pauvres.
D’intelligents et de limités.
De racistes et de tolérants.
De sud contre nord, des quartiers riches contre les cités, etc, etc, etc.
Je répète, JE NE PARLE PAS de fracture morale (alerte aux trolls).
Je parle d’éducation* (pas de diplômes).
Il y a une France qui a poussé ses études et/ou travaillé sa vigilance culturelle, et il y a l’autre, frappée par l’illettrisme, le décrochage scolaire, le divertissement de masse, projetée dans la précarité culturelle, sociale et économique.
Cette France-là vote Front National.
Il n’y a aucun mépris dans ces mots, juste un triste constat.
Cette idée a été confortée ce week-end en lisant l’article de l’Obs sur les électeurs du FN. Un des votants dit cette phrase : « Si on n’aime pas la France, on se casse en Islam ou dans un autre pays où la ***** est tolérée. Voilà. »
On comprend bien que les mots ont perdu leurs sens, ou ne les ont jamais eus.
Pour ce graphiste, l’Islam est un concept vague qui ressemble à un pays, peut-être une région abstraite dans laquelle « la ***** » est officielle. Pour lui cela n’a peu d’importance et l’on imagine bien qu’il ne l’a pas appris et n’a pas poussé le dossier : pas la peine. Une autre interviewée rajoute : « Excusez-nous d’être français ! On ne voit que les Arabes, les juifs, mais nous on fait quoi, on est où ? ». Pour Caroline, là aussi, c’est de la bouillie de concepts. On sent poindre une forme de haine qui s’accroche comme elle peu à des mots mal compris. On l’imagine devant sa télévision, le regard figé sur TMC, effrayée par ce reportage sur la BAC de Lyon, avec tous ces juifs et ces arabes en cagoule qui crient Alawakbar et portent des kippas en faisant chabbat avec des femmes en tchador, allez hop, emballé c’est pesé… Tout ça c’est pareil, c’est pas comme nous, c’est bizarre et ça fait peur…
Cette France non éduquée se retrouve dans des idées simples.
Le gentil c’est Nous. Le méchant c’est l’Autre.
On n’ira pas plus loin.
Cela fait quarante ans que cette philosophie de Carambar, sans la blague, perce progressivement pour s’installer désormais au Panthéon de nos angoisses.
Certains disent qu’ils sont ****. Je ne crois pas. Ils manquent simplement de munitions pour comprendre. Ils ne sont pas équipés pour la critique. Pas de références historiques, pas de mémoire, pas d’analogies, pas d’esprit de prospective, pas d’anticipation. Ils n’ont pas lu les philosophes, ni les essayistes, ni qui que ce soit qui pense. Ils n’ont pas défendu d’idées dans des dissertations, pas soutenu leurs pensées à l’oral. Cette France non éduquée vit dans l’instant présent, et l’instant présent est en crise, dominé par le terrorisme, le chômage, les allocations familiales. Rien à péter de COP21 et de la démocratie directe, du pouvoir citoyen et de Jean-Jacques Rousseau. Pas de mémoire et pas d’avenir. Cette France-là emmerde l’autre, elle trace dans le désert une voie qui paraît droite, extrêmement droite. C’est la revanche inconsciente du peuple moqué contre l’instruit prétentieux.
Je vois dans ce constat deux points négatifs et un point positif. Malheureusement la chronologie n’est pas favorable.
Le premier point négatif c’est que l’illettrisme est encore très important en France, que l’échec scolaire est un véritable fléau, que le système éducatif français est en bout de course. On en paie donc le prix cash.
Le point positif c’est que si on se concentre sur l’éducation alors on peut progressivement inverser la vapeur et ré-présenter à toute la population les bases d’une pensée solide qui rejette les idées obscures. C’est jouable. C’est long et compliqué, mais c’est jouable.
Mais le deuxième point négatif, c’est qu’en prenant le pouvoir (et il est en train de le faire !), le Front National aura tout intérêt à maintenir la population dans l’angoisse et la peur, dans l’obsession sécuritaire, dans le rejet et l’exclusion, dans la sous-culture pré-mâchée. En jouant sur les émotions et les réflexes reptiliens, le FN pulvérise le libre-arbitre et l’esprit critique des humanistes. Cercle vicieux bien huilé qui verra les éduqués rejetés aux portes de la démocratie par une population maintenue sous perfusion autoritaire.
C’est donc une sorte de fracture civile (« guerre » ?) culturelle et éducative qui va s’installer, dans laquelle la discussion sera très difficile, car nous ne parlons pas le même langage. La seule possibilité est de trouver un contre-langage positif et humaniste aussi simple que celui du FN, tout en réinvestissant le champs de la culture et de l’éducation.
Pris en tenailles, les gens de tous horizons retrouveront le bon côté de la force, le côté positif de la France.
On y croit.
J’y crois.
*Quand je parle d’éducation, je ne parle pas forcément de diplômes mais de curiosité d’esprit, d’accès au savoir, d’environnement familial favorable, de possibilité de se cultiver. Le graphique n’est là que pour illustrer, il n’a pas valeur de preuve.
http://leclairon.tv/site/index.php/2015/12/07/la-fracture-francaise/
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L’une est éduquée, l’autre non.
Je ne parle pas de riches et de pauvres.
D’intelligents et de limités.
De racistes et de tolérants.
De sud contre nord, des quartiers riches contre les cités, etc, etc, etc.
Je répète, JE NE PARLE PAS de fracture morale (alerte aux trolls).
Je parle d’éducation* (pas de diplômes).
Il y a une France qui a poussé ses études et/ou travaillé sa vigilance culturelle, et il y a l’autre, frappée par l’illettrisme, le décrochage scolaire, le divertissement de masse, projetée dans la précarité culturelle, sociale et économique.
Cette France-là vote Front National.
Il n’y a aucun mépris dans ces mots, juste un triste constat.
Cette idée a été confortée ce week-end en lisant l’article de l’Obs sur les électeurs du FN. Un des votants dit cette phrase : « Si on n’aime pas la France, on se casse en Islam ou dans un autre pays où la ***** est tolérée. Voilà. »
On comprend bien que les mots ont perdu leurs sens, ou ne les ont jamais eus.
Pour ce graphiste, l’Islam est un concept vague qui ressemble à un pays, peut-être une région abstraite dans laquelle « la ***** » est officielle. Pour lui cela n’a peu d’importance et l’on imagine bien qu’il ne l’a pas appris et n’a pas poussé le dossier : pas la peine. Une autre interviewée rajoute : « Excusez-nous d’être français ! On ne voit que les Arabes, les juifs, mais nous on fait quoi, on est où ? ». Pour Caroline, là aussi, c’est de la bouillie de concepts. On sent poindre une forme de haine qui s’accroche comme elle peu à des mots mal compris. On l’imagine devant sa télévision, le regard figé sur TMC, effrayée par ce reportage sur la BAC de Lyon, avec tous ces juifs et ces arabes en cagoule qui crient Alawakbar et portent des kippas en faisant chabbat avec des femmes en tchador, allez hop, emballé c’est pesé… Tout ça c’est pareil, c’est pas comme nous, c’est bizarre et ça fait peur…
Cette France non éduquée se retrouve dans des idées simples.
Le gentil c’est Nous. Le méchant c’est l’Autre.
On n’ira pas plus loin.
Cela fait quarante ans que cette philosophie de Carambar, sans la blague, perce progressivement pour s’installer désormais au Panthéon de nos angoisses.
Certains disent qu’ils sont ****. Je ne crois pas. Ils manquent simplement de munitions pour comprendre. Ils ne sont pas équipés pour la critique. Pas de références historiques, pas de mémoire, pas d’analogies, pas d’esprit de prospective, pas d’anticipation. Ils n’ont pas lu les philosophes, ni les essayistes, ni qui que ce soit qui pense. Ils n’ont pas défendu d’idées dans des dissertations, pas soutenu leurs pensées à l’oral. Cette France non éduquée vit dans l’instant présent, et l’instant présent est en crise, dominé par le terrorisme, le chômage, les allocations familiales. Rien à péter de COP21 et de la démocratie directe, du pouvoir citoyen et de Jean-Jacques Rousseau. Pas de mémoire et pas d’avenir. Cette France-là emmerde l’autre, elle trace dans le désert une voie qui paraît droite, extrêmement droite. C’est la revanche inconsciente du peuple moqué contre l’instruit prétentieux.
Je vois dans ce constat deux points négatifs et un point positif. Malheureusement la chronologie n’est pas favorable.
Le premier point négatif c’est que l’illettrisme est encore très important en France, que l’échec scolaire est un véritable fléau, que le système éducatif français est en bout de course. On en paie donc le prix cash.
Le point positif c’est que si on se concentre sur l’éducation alors on peut progressivement inverser la vapeur et ré-présenter à toute la population les bases d’une pensée solide qui rejette les idées obscures. C’est jouable. C’est long et compliqué, mais c’est jouable.
Mais le deuxième point négatif, c’est qu’en prenant le pouvoir (et il est en train de le faire !), le Front National aura tout intérêt à maintenir la population dans l’angoisse et la peur, dans l’obsession sécuritaire, dans le rejet et l’exclusion, dans la sous-culture pré-mâchée. En jouant sur les émotions et les réflexes reptiliens, le FN pulvérise le libre-arbitre et l’esprit critique des humanistes. Cercle vicieux bien huilé qui verra les éduqués rejetés aux portes de la démocratie par une population maintenue sous perfusion autoritaire.
C’est donc une sorte de fracture civile (« guerre » ?) culturelle et éducative qui va s’installer, dans laquelle la discussion sera très difficile, car nous ne parlons pas le même langage. La seule possibilité est de trouver un contre-langage positif et humaniste aussi simple que celui du FN, tout en réinvestissant le champs de la culture et de l’éducation.
Pris en tenailles, les gens de tous horizons retrouveront le bon côté de la force, le côté positif de la France.
On y croit.
J’y crois.
*Quand je parle d’éducation, je ne parle pas forcément de diplômes mais de curiosité d’esprit, d’accès au savoir, d’environnement familial favorable, de possibilité de se cultiver. Le graphique n’est là que pour illustrer, il n’a pas valeur de preuve.
http://leclairon.tv/site/index.php/2015/12/07/la-fracture-francaise/
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