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AncienMembre
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Bonsoir à tous,
Voici l'extrait d'un article intéressant où la journaliste Elisabeth Lévy mène une interview assez contradictoire avec les démographes Hervé Le Bras et Emmanuel Todd au sujet de la situation démographique de la France. Abordant la question de l'immigration, les deux auteurs livrent un point de vue qui me semble à la fois nouveau, satisfaisant et optimiste.
Qu'en pensez-vous ?
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http://www.lepoint.fr/grands-entret...abillent-la-france-09-02-2012-1433594_326.php
Vous ne nierez pas qu'en trente ans la France a été transformée par l'immigration. Le génie national, qui a su fabriquer des Français à partir d'Alsaciens et de Normands, n'est-il pas mis en échec par l'afflux de populations venues du Maghreb ou d'Afrique noire ?
E. T. : Votre question reflète une obsession maladive de l'époque, mais n'a rien à voir avec la réalité. Pour l'anthropologue, l'arrivée de Chinois ou de Maghrébins ne fait qu'ajouter quelques provinces à la diversité française. Encore ces provinces sont-elles appelées à disparaître dans le moule régional : il est absurde de croire que les Maghrébins seraient les mêmes en région parisienne et en Provence.
Et quand vous décrivez les spécificités des systèmes familiaux dans le monde islamique, êtes-vous atteint d'obsession ?
E. T. : Ce qui importe, c'est la fragilité de l'individu, qu'il soit breton, languedocien ou maghrébin. Les systèmes culturels sont forts, mais les valeurs portées par chaque individu sont faibles. La réalité, c'est la désintégration du système familial maghrébin dans une société française bien moins raciste qu'on ne le dit.
Mais vous voyez bien que l'intégration des nouvelles provinces ne marche pas !
H. L. B. : Non, nous ne le voyons pas ! Nous voyons les tendances de fond, par exemple la rapidité de l'intégration, en termes de résultats scolaires, que révèlent les données de l'Insee. En revanche, nous avons de la mémoire. L'idée selon laquelle les nouveaux venus ne seraient pas intégrables a prévalu à d'autres époques. Elle est non seulement dangereuse, mais auto-réalisatrice, car elle incite ces nouveaux venus à conserver leurs structures anthropologiques.
E. T. : De toute façon, la première génération préfère toujours l'entre-soi. Cela dit, les Turcs mis à part, il faut plutôt déplorer le déficit de communautarisme de nos immigrés. Une bonne partie des problèmes sociaux dans les banlieues s'explique par l'implosion de la culture familiale d'origine, dans un contexte interdisant les structures communautaires qui faciliteraient l'atterrissage. On agite le spectre du repli sur soi parce que des gens mangent un peu halal, mais il s'agit d'une tendance générale : que je sache, l'enfermement de l'élite parisienne n'a rien à voir avec la culture d'origine, ou alors je me lance dans l'étude anthropologique de l'énarque...
Gilles Kepel, Hugues Lagrange ou le géographe Christophe Guilly s'accordent pourtant pour observer la montée d'une forme de séparatisme ethnique ou religieux, peut-être parce qu'ils observent la réalité à un instant, quand vous la regardez à l'échelle des siècles.
E. T. : Nous sommes en pleine confusion ! Il est inévitable que les populations les plus affectées par la crise sociale aiguë que nous traversons soient les derniers arrivés. Rappelons-nous le parcours de la première communauté juive : émancipation en 1791, sortie des ghettos, apprentissage de la langue française, intégration à la bourgeoisie, notamment parisienne. Ces bons Français fondent l'Alliance israélite universelle et affichent un patriotisme vibrant. Et pourtant, jusqu'à la guerre de 1914, le taux de mariages mixtes est tout simplement nul ! Il commence à progresser entre les deux guerres, après cent trente ans d' « intégration ». Dans les années 1990, trente ans après l'arrivée du groupe dans la société française, il était déjà de 25 % pour les filles maghrébines et de 50 % pour les garçons.
H. L. B. : L'indicateur de fécondité des femmes immigrées est également très significatif. Chez les étrangères arrivées depuis plus de dix ans, l'écart avec la fécondité des Françaises est deux fois moins important que chez celles arrivées depuis moins de dix ans. Par ailleurs, quand on parle d'immigration, on pense généralement à la deuxième et à la troisième génération, issues de l'immigration des années 1960 et 1970, c'est-à-dire de familles de six à dix enfants, analphabètes pour la plupart. Est-il surprenant que leurs enfants n'aient pas aussi bien réussi que ceux de la bourgeoisie française ? Aujourd'hui, les nouveaux immigrants sont issus de milieux urbains, ils ont au moins le niveau bac, n'ont pas encore fondé de famille et parlent un français très satisfaisant. Ce qui déstabilise les Français, c'est qu'ils n'incarnent pas l'immigré standard, l'esclave moderne cantonné au ménage ou au ramassage des ordures - au fond, ils sont intégrés dès leur arrivée.
E. T. : Essayons d'avoir une approche généreuse et réaliste et cessons de sommer les nouveaux immigrants de se comporter comme s'ils étaient là depuis deux cents ans !
Voici l'extrait d'un article intéressant où la journaliste Elisabeth Lévy mène une interview assez contradictoire avec les démographes Hervé Le Bras et Emmanuel Todd au sujet de la situation démographique de la France. Abordant la question de l'immigration, les deux auteurs livrent un point de vue qui me semble à la fois nouveau, satisfaisant et optimiste.
Qu'en pensez-vous ?
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http://www.lepoint.fr/grands-entret...abillent-la-france-09-02-2012-1433594_326.php
Vous ne nierez pas qu'en trente ans la France a été transformée par l'immigration. Le génie national, qui a su fabriquer des Français à partir d'Alsaciens et de Normands, n'est-il pas mis en échec par l'afflux de populations venues du Maghreb ou d'Afrique noire ?
E. T. : Votre question reflète une obsession maladive de l'époque, mais n'a rien à voir avec la réalité. Pour l'anthropologue, l'arrivée de Chinois ou de Maghrébins ne fait qu'ajouter quelques provinces à la diversité française. Encore ces provinces sont-elles appelées à disparaître dans le moule régional : il est absurde de croire que les Maghrébins seraient les mêmes en région parisienne et en Provence.
Et quand vous décrivez les spécificités des systèmes familiaux dans le monde islamique, êtes-vous atteint d'obsession ?
E. T. : Ce qui importe, c'est la fragilité de l'individu, qu'il soit breton, languedocien ou maghrébin. Les systèmes culturels sont forts, mais les valeurs portées par chaque individu sont faibles. La réalité, c'est la désintégration du système familial maghrébin dans une société française bien moins raciste qu'on ne le dit.
Mais vous voyez bien que l'intégration des nouvelles provinces ne marche pas !
H. L. B. : Non, nous ne le voyons pas ! Nous voyons les tendances de fond, par exemple la rapidité de l'intégration, en termes de résultats scolaires, que révèlent les données de l'Insee. En revanche, nous avons de la mémoire. L'idée selon laquelle les nouveaux venus ne seraient pas intégrables a prévalu à d'autres époques. Elle est non seulement dangereuse, mais auto-réalisatrice, car elle incite ces nouveaux venus à conserver leurs structures anthropologiques.
E. T. : De toute façon, la première génération préfère toujours l'entre-soi. Cela dit, les Turcs mis à part, il faut plutôt déplorer le déficit de communautarisme de nos immigrés. Une bonne partie des problèmes sociaux dans les banlieues s'explique par l'implosion de la culture familiale d'origine, dans un contexte interdisant les structures communautaires qui faciliteraient l'atterrissage. On agite le spectre du repli sur soi parce que des gens mangent un peu halal, mais il s'agit d'une tendance générale : que je sache, l'enfermement de l'élite parisienne n'a rien à voir avec la culture d'origine, ou alors je me lance dans l'étude anthropologique de l'énarque...
Gilles Kepel, Hugues Lagrange ou le géographe Christophe Guilly s'accordent pourtant pour observer la montée d'une forme de séparatisme ethnique ou religieux, peut-être parce qu'ils observent la réalité à un instant, quand vous la regardez à l'échelle des siècles.
E. T. : Nous sommes en pleine confusion ! Il est inévitable que les populations les plus affectées par la crise sociale aiguë que nous traversons soient les derniers arrivés. Rappelons-nous le parcours de la première communauté juive : émancipation en 1791, sortie des ghettos, apprentissage de la langue française, intégration à la bourgeoisie, notamment parisienne. Ces bons Français fondent l'Alliance israélite universelle et affichent un patriotisme vibrant. Et pourtant, jusqu'à la guerre de 1914, le taux de mariages mixtes est tout simplement nul ! Il commence à progresser entre les deux guerres, après cent trente ans d' « intégration ». Dans les années 1990, trente ans après l'arrivée du groupe dans la société française, il était déjà de 25 % pour les filles maghrébines et de 50 % pour les garçons.
H. L. B. : L'indicateur de fécondité des femmes immigrées est également très significatif. Chez les étrangères arrivées depuis plus de dix ans, l'écart avec la fécondité des Françaises est deux fois moins important que chez celles arrivées depuis moins de dix ans. Par ailleurs, quand on parle d'immigration, on pense généralement à la deuxième et à la troisième génération, issues de l'immigration des années 1960 et 1970, c'est-à-dire de familles de six à dix enfants, analphabètes pour la plupart. Est-il surprenant que leurs enfants n'aient pas aussi bien réussi que ceux de la bourgeoisie française ? Aujourd'hui, les nouveaux immigrants sont issus de milieux urbains, ils ont au moins le niveau bac, n'ont pas encore fondé de famille et parlent un français très satisfaisant. Ce qui déstabilise les Français, c'est qu'ils n'incarnent pas l'immigré standard, l'esclave moderne cantonné au ménage ou au ramassage des ordures - au fond, ils sont intégrés dès leur arrivée.
E. T. : Essayons d'avoir une approche généreuse et réaliste et cessons de sommer les nouveaux immigrants de se comporter comme s'ils étaient là depuis deux cents ans !