A françois hollande est revenu le rôle d’enterrer le socialisme

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"A François Hollande est revenu le rôle d’enterrer le socialisme"
INTERVIEW - Auteur de "Et François Hollande enterra le socialisme", Francis Brochet, journaliste spécialiste des questions économiques des quotidiens régionaux du Groupe EBRA, analyse le quinquennat de François Hollande comme le moment où la gauche française s'est converti au libéralisme économique. Pour lui, après trente ans de discours anti-libéraux, la gauche gouvernementale assume enfin des politiques qu'elle mène depuis bien plus longtemps.

Y a-t-il un hollandisme? Et si oui, quel est-il?
Non, il y a simplement une évolution du monde, une mondialisation libérale de l’économie, et une société devenue postmoderne. Et il y a un homme, François Hollande qui, dès les années 80 prônait d’aller vers une gauche libérale. Mais il n’est pas le seul à avoir porté cette voix à gauche. C’est également la teneur du discours de Laurent Fabius, nouveau Premier ministre devant l’Assemblée Nationale, en 1984, qui entérine le choix de l’Europe et le départ des communistes du gouvernement. Ces idées ont aussi été défendues par Michel Rocard. A François Hollande, et c’est le point de mon livre, est revenu le rôle d’enterrer le socialisme. Pas de l’abattre, mais bien de l’enterrer.

Pourquoi, si le libéralisme est porté par François Hollande, on l’associe pourtant plus facilement à Manuel Valls et Emmanuel Macron?
C’est tout simplement par sa fonction présidentielle, qui se doit de rassembler et de se placer au-dessus des clivages. Cependant, j’affirme que c’est bien François Hollande qui est aux commandes et à l’origine de la politique libérale du gouvernement. Emmanuel Macron, d’ailleurs, est au départ un de ses hommes de cabinet, qu’il a mis en place et qui applique la politique voulue par le président. Quant à Manuel Valls, il est arrivé à Matignon par la volonté de François Hollande car Jean-Marc Ayrault ne pouvait plus suivre la ligne imposée. Notamment sur la réforme fiscale, pour laquelle Ayrault n’était pas en accord avec Hollande, qui voulait baisser les impôts.

En faisant assumer son libéralisme par d’autres, n’est-ce pas un moyen pour Hollande de préserver son image d’homme de gauche en vue de 2017?
Ce type d’arrangement politique n’est pas essentiel, ce qui compte vraiment pour l’électorat, ce sont les politiques menées. Et les électeurs savent que François Hollande est à la manœuvre. Bien sûr qu’il devra rassembler son camp s’il se présente, mais c’est le jeu de toute élection présidentielle. Pour moi, ce genre de manœuvres relève simplement de calculs des microcosmes parisiens. Les Français jugeront sur les réformes.

«C’est bien François Hollande qui est aux commandes et à l’origine de la politique libérale du gouvernement»

En assumant son libéralisme, comment différencier le programme économique du PS des partis centristes et de la droite?
C’est une des difficultés, et François Hollande l’a déjà évoquée. Les gouvernements de gauche sont obligés de s’adapter à un environnement mondial et européen d’inspiration libérale. Je continue à croire qu’il existe des différences entre la droite et la gauche, notamment en matière de politique fiscale. Pour moi, le meilleur exemple reste la réforme des allocations familiales où il y a une claire intention de privilégier la redistribution en prenant aux plus riches pour donner aux plus pauvres. Mais il s’agit bien d’une réforme libérale, car elle se fait en diminuant l’enveloppe.

Pourquoi enterrer le socialisme maintenant, le débat sur le libéralisme n’est pas si nouveau au PS?
Mais pour la première fois, avec Hollande, l’évolution est assumée , même si le mot 'libéral' ne l’est pas. Il y a en France un vrai blocage, à droite comme à gauche d’ailleurs, sur ce mot. Ce qui me choque, en tant que journaliste, c’est d’ailleurs le grand écart qui a prévalu au PS entre les discours et les actes. Mon travail est de vérifier si les politiques font vraiment ce qu’ils disent, et disent ce qu’ils font. Par exemple, quand Lionel Jospin était Premier ministre, le PS avait un discours qui différait complètement avec sa pratique du pouvoir. Jospin se prévalait d’être plus à gauche que le travailliste anglais Tony Blair ou le socio-démocrate allemand Gerhard Schröder, alors même que son ministre de l’Economie s’appelait Dominique Strauss-Kahn. Ce qui est en train de changer, aujourd’hui, c’est qu’on arrête enfin ce double langage. Il suffit d’ailleurs de lire les livres de Hollande depuis trente ans pour se rendre compte qu’il a toujours été libéral.

«Ce qui peut profiter aux populismes, c’est de perpétuer la nostalgie d’une France capable d’agir seule»

Mais en 'enterrant' le socialisme, François Hollande ne fait-il pas le jeu du Front National et ne libère-t-il pas un espace à sa gauche?
Le risque d’alimenter l’abstention et le vote FN existe. Il est compréhensible qu’après trente ans passés à expliquer aux électeurs que le libéralisme n’est pas une bonne chose, ces derniers aillent voir ailleurs. Mais François Hollande a compris qu’il fallait s’adapter au monde et que la France ne pouvait plus faire ce qu’elle veut. Ce qu’on appelle l’'exception française' reposait sur le gaullisme et le communisme, deux forces qui pensaient que la nation et l’Etat avaient réponse à tout. Cet équilibre n’est plus possible actuellement. Au contraire, ce qui peut profiter aux populismes, c’est de perpétuer la nostalgie d’une France capable d’agir seule. Le talent de Marine Le Pen est de réussir à représenter cette nostalgie. Quant à la gauche radicale, elle n’arrive pas à se présenter comme une alternative crédible. Il ne faut pas oublier la tentative de Jean-Luc Mélenchon en 2012 lors des législatives à Hénin-Beaumont. Il n’est arrivé qu’en troisième position, derrière le Front National… et le PS.

Et François Hollande enterra le socialisme
Editions L'archipel
 
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