Froid dans le dos ?

Ceci est l’Etidard (mais jamais trop…) titré « Ça freeze le ridicule » du n° 20 du « Clébard (à sa mémère) », périodique rennais aléatoire et irrespectueux.

« Dans le grand n’importe quoi du communautarisme, la nouveauté c’est de se retrouver le plus nombreux possible pour ne rien faire. Ça s’appelle un Flash Mob ou une Freeze. C’est inutile et ça se revendique comme tel. Ou comment réunir une foule de gens muets, sourds et trop heureux de faire comme leur voisin. Et cela alors que les 35 heures sont déjà de l’histoire ancienne, que le fichage des citoyens est devenu l’idée fixe du gouvernement, que le remboursement des soins médicaux se réduit comme peau de chagrin, que ta retraite, tintin ! mon pote, que les étrangers go home ! etc, etc… Alors le samedi 13 septembre, à 18h15, quelques centaines de personnes (la presse locale parlant de 1 200 gugusses) s’étaient donné rendez-vous Place de la mairie et rue Le Bastard. Pour quoi faire ? se demandèrent les passants qui, justement et c’est leur sale manie, passaient. Pour s’immobiliser pendant cinq minute, se « statufier ». Tout simplement. On entend déjà les spécialistes la ramener : le situationnisme est de retour et les petits-fils de Debord, Vaneigem et Khayati s’amusent à détourner les codes de la mobilisation de rue. Mais de contestation de la société marchande, point. Le freeze — puisque c’est le nom de ces étranges rassemblements — « ne porte aucun message et c’est une manifestation pacifique » selon Charles Nouyrit, l’organisateur d’une freeze party au Trocadero en mars 2008 qui rassembla, elle, 3 000 personnes.
Rennes a donc eu sa freeze. La réunion des participants s’est faite via le site communautaro-carriériste Facebook.com et parfois grâce au relais de sites plus renno-rennais. Boris, freezeur rennais et heureux explique que « c’est une démonstration de guérilla marketing » mais sans vraiment pouvoir expliquer ce que veulent dire ces gros mots. Sachez pourtant, néophytes, que la guérilla marketing c’est une forme de publicité « théorisée » par Jay Conrad Levinson, un universitaire américain. Selon lui, « la Guérilla Marketing est pour les gens qui ont des rêves ambitieux pour leur business mais un petit budget à leur disposition ». De la publicité à moindre frais avec une gueule de performance artistique, tout pour tromper le gogo en somme. Ça fait rêver… Le freeze qui s’est déroulé à Rennes il y a un mois n’est peut-être pas encore une forme déguisée de publicité. Mais que penser d’un millier de personnes qui vont où on leur dit d’aller, sans qu’aucune raison ou motivation leur ait été donnée ? De deux choses l’une : Internet apparaît certes comme un formidable instrument de mobilisation mais reste en réalité un bien pathétique émetteur de message. Et ça peut être d’autant plus inquiétant que deux heures plus tôt dans l’après-midi, ce même 13 septembre, une autre manifestation (celle-là avec message, excusez de l’archaïsme) n’a rassemblé que trois cents personnes. Là, on demandait un plus d’humanité pour les sans-papiers et un plus grand respect de la liberté d’expression (excusez de l’urgence).
Allez ! Petit doigt sur la couture du pantalon, camarade, demain avoir bien été t’immobiliser là où on t’avait dit d’aller t’immobiliser, tu voteras pour machin parce qu’on t’aura dit de voter pour machin. Et tu achèteras ce truc parce qu’on t’aura dit d’acheter ce truc. Et c’est comme ça et pas autrement.

FP
 
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