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VIB
«Ici, les gens ont peur du village voisin»
Si la gauche a conservé la Meurthe-et-Moselle, le vote Front national a fortement progressé dans le département.
La Meurthe-et-Moselle a résisté à la vague bleue promise. Elle reste le dernier bastion de la gauche de l’Est, ayant remporté 14 cantons sur 23. La droite est parvenue à rafler le reste, aucun conseiller départemental frontiste n’est élu. Mais le FN a fait une percée exceptionnelle sur ce territoire habituellement peu perméable au parti de Marine Le Pen, récoltant presque 30% des suffrages au premier comme au deuxième tour. En tête dans sept cantons la semaine dernière, il a été repoussé partout.
(...)
Ici, il a bel et bien changé de camp le changement. Aux abords du bureau de vote installé dans l’espace loisirs en périphérie, un couple de retraité un peu dur d’oreille se dit «déçu». Ils s’offusquent : «Appeler à faire barrage au FN cela revient à dire qu’un tiers des Français sont tarés et qu’il faut les empêcher de nuire.» Une famille fait son entrée, vestes polaires bariolées, et avance d’un pas décidé vers l’urne, carte d’électeur en main. Eux aussi ont voté «pour le changement».
«LA MOITIÉ A VOTÉ FN, C’EST DUR»
Une BMW se gare. Un couple chic en descend, les pharmaciens de la commune. Ils sont plutôt à gauche, et ont voté sans «état d’âme» pour l’UMP. «Les vieux ont la mémoire courte ici. Ils ont oublié le nazisme, la guerre ?» Le père de monsieur a été déporté. Dans son officine, il ne porte plus le même regard sur ses clients. «Je me dis que la moitié a voté FN. C’est dur.»«Ce qui nous étonne, c’est à quel point les gens sont décomplexés»,ajoute sa femme. Ils racontent les conversations devenues «franches et animées» avec leurs amis. Et le fossé qui se creuse entre eux et les autres commerçants. «Les gens les plus libéraux économiquement sont ceux qui le sont le moins au niveau des idées. Chirac parlait de fracture sociale, aujourd’hui elle est aussi et surtout culturelle. La pauvreté intellectuelle, le manque de curiosité sont tels… Ici, les gens ont peur du village voisin, peur de tout ce qui est en dehors de chez eux.»
La pharmacienne a accompagné une classe de collégiens visiter un musée nancéen. Une première pour la majorité des ados. Le musée, mais aussi Nancy. Une ville pourtant distante de 60 km seulement. «Ils n’avaient jamais vu la place Stanislas», se désole-t-elle. Son mari dit son incompréhension : «Le FN a fait campagne sur l’insécurité, l’immigration, rien de cohérent avec le territoire ! En tout et pour tout, il doit y avoir trois familles marocaines et deux autres turques à Baccarat. La ville est très calme, tranquille.» Le FN n’est pas passé, mais sa progression sur le territoire laissera des traces.
«Ici, les gens ont peur du village voisin» - Libération
Si la gauche a conservé la Meurthe-et-Moselle, le vote Front national a fortement progressé dans le département.
La Meurthe-et-Moselle a résisté à la vague bleue promise. Elle reste le dernier bastion de la gauche de l’Est, ayant remporté 14 cantons sur 23. La droite est parvenue à rafler le reste, aucun conseiller départemental frontiste n’est élu. Mais le FN a fait une percée exceptionnelle sur ce territoire habituellement peu perméable au parti de Marine Le Pen, récoltant presque 30% des suffrages au premier comme au deuxième tour. En tête dans sept cantons la semaine dernière, il a été repoussé partout.
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Ici, il a bel et bien changé de camp le changement. Aux abords du bureau de vote installé dans l’espace loisirs en périphérie, un couple de retraité un peu dur d’oreille se dit «déçu». Ils s’offusquent : «Appeler à faire barrage au FN cela revient à dire qu’un tiers des Français sont tarés et qu’il faut les empêcher de nuire.» Une famille fait son entrée, vestes polaires bariolées, et avance d’un pas décidé vers l’urne, carte d’électeur en main. Eux aussi ont voté «pour le changement».
«LA MOITIÉ A VOTÉ FN, C’EST DUR»
Une BMW se gare. Un couple chic en descend, les pharmaciens de la commune. Ils sont plutôt à gauche, et ont voté sans «état d’âme» pour l’UMP. «Les vieux ont la mémoire courte ici. Ils ont oublié le nazisme, la guerre ?» Le père de monsieur a été déporté. Dans son officine, il ne porte plus le même regard sur ses clients. «Je me dis que la moitié a voté FN. C’est dur.»«Ce qui nous étonne, c’est à quel point les gens sont décomplexés»,ajoute sa femme. Ils racontent les conversations devenues «franches et animées» avec leurs amis. Et le fossé qui se creuse entre eux et les autres commerçants. «Les gens les plus libéraux économiquement sont ceux qui le sont le moins au niveau des idées. Chirac parlait de fracture sociale, aujourd’hui elle est aussi et surtout culturelle. La pauvreté intellectuelle, le manque de curiosité sont tels… Ici, les gens ont peur du village voisin, peur de tout ce qui est en dehors de chez eux.»
La pharmacienne a accompagné une classe de collégiens visiter un musée nancéen. Une première pour la majorité des ados. Le musée, mais aussi Nancy. Une ville pourtant distante de 60 km seulement. «Ils n’avaient jamais vu la place Stanislas», se désole-t-elle. Son mari dit son incompréhension : «Le FN a fait campagne sur l’insécurité, l’immigration, rien de cohérent avec le territoire ! En tout et pour tout, il doit y avoir trois familles marocaines et deux autres turques à Baccarat. La ville est très calme, tranquille.» Le FN n’est pas passé, mais sa progression sur le territoire laissera des traces.
«Ici, les gens ont peur du village voisin» - Libération