Le plus grand parti du Maroc c'est " Ma Gueule !"

Nom : Boualem
Prénom : Zakaria.
né en 1976 à guercif
Signe particulier : Marocain à tendance paranoïaque.


Jusqu’à ces derniers mois, Zakaria Boualem pensait être cynique. Imperméable à l’optimisme, profondément sceptique - c’était d’ailleurs son fonds de commerce. Pourtant, il doit bien vous avouer qu’en ce début d’année, il a tout simplement rêvé. Oui, il s’est laissé aller à imaginer un Maroc plus juste, plus respectueux de ses locataires. Il a découvert des concitoyens courageux, il a écouté un discours royal positif. Et, encore une fois, il a rêvé. Il s’est aussitôt heurté à un mur de négativisme, un truc violent. Notre glorieux système a fait de nous des individus imperméables au rêve, à la notion de souffle, de liberté, d’élan collectif, des gens qui doutent de tout, qui traquent le louche partout. Au point que même nos artistes parlent comme des sécuritaires. Chaque Marocain considère que tous les autres Marocains sont louches, c’est tout simplement terrible.

Exemple de dialogue :
- Locataire 1 : Il y a trop de corruption dans notre pays !
- Locataire 2 : Tu as raison, dénonçons-là.
- ça tombe bien, j’ai fait une pétition, signe là si tu veux.
- Tu veux me manipuler ?
- Non, puisque tu viens de dire que tu es d’accord avec moi.
- C’est encore pire. Tu profites du fait que nous disons la même chose pour me faire dire la même chose que toi. Tu es louche ! J’ai le droit de dire la même chose que toi, mais pas le même jour que toi ni à côté de toi.
- Oui, mais pourquoi ?
- Parce que tu es louche. D’ailleurs, je vais dire le contraire de ce que je voulais dire, yallah !

Précisons que le plus grand parti du Maroc n’est ni Facebook, ni l’3adl, c’est bien entendu le parti de “magueule”. Le magueuliste juge toute proposition politique ou sociale au seul prisme de son impact sur sa situation personnelle. Il existe même des magueulistes extrémistes, qui estiment que tous ceux qui ne pensent pas comme eux et arrivent à dépasser leur cas particulier sont louches. C’est ainsi qu’on a vu fleurir un courant de pensée récent qui refuse à tout individu ne baignant pas dans la misère absolue le droit de militer pour un Maroc plus juste.
Exemple de dialogue :
- Locataire 1 : La santé publique est défaillante, l’école est catastrophique.
- Magueuliste extrémiste : Oui, mais toi, tu peux te payer une clinique et une école privée.
- C’est vrai, mais ce n’est pas une raison pour accepter cette situation.
- Mais de quoi tu te plains ? Tu es louche !
 
Zakaria Boualem a également constaté l’apparition d’un courant révisionniste. Des gens de bonne foi qui applaudissent au fait que le roi ait lancé un changement de constitution, boosté l’instance de surveillance de la concurrence, accordé plus de moyens à la lutte contre la corruption et libéré des prisonniers politiques sans pour autant admettre que les manifestations y sont pour quelque chose. La prochaine étape, c’est l’instauration d’un calendrier makhzénien où l’on passe directement du 19 au 21 février sans passer par la date qui n’existe pas (le calendrier makhzénien attribuera 29 jours au mois de février pour retomber sur ses pieds rapidement, le décalage avec le reste du monde ne durera qu’une dizaine de jours).

Enfin, notre ami Zakaria Boualem a découvert qu’un nombre important de ses amis considèrent que toutes ces revendications sont déplacées. La théorie est simple : “Nous devons changer nous-mêmes avant de demander quoi que ce soit au système - ce sont les Marocains qui sont pourris, il n’y a qu’à voir leur incivisme, leur corruption, leur mauvaise foi, etc.” En version light, cette théorie donne : “Engagez-vous dans les associations locales plutôt que de grogner, elles font un boulot phénoménal et elles connaissent les réalités”. En général, on ajoute à ce discours la fameuse citation de Kennedy qui exhorte le peuple à se demander ce qu’il peut faire pour son pays plutôt que d’attendre l’inverse - comme si on ne pouvait pas faire les deux à la fois. Zakaria Boualem vous l’affirme : cette théorie est dangereuse. Elle feint de mettre sur le même plan le citoyen et l’Etat, comme si le premier disposait des moyens du second. Elle constitue la négation de la politique, la négation de l’Etat, un appel à l’autogestion comme mode exclusif de gouvernance. Il s’agit tout simplement d’une théorie anarchiste, a3oudou billah !

Le tsunami dial carrossa n’en est qu’à son début. à la semaine prochaine !

http://www.telquel-online.com/469/zb_469.shtml
 
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