Quand internet revendique le voile comme accessoire de mode

Espiegle69

Evil Halouf
Fashionista et porteuse du hijab, le voile islamique ? Blogueuses, youtubeuses, entrepreneuses, des femmes veulent montrer que c’est compatible et retrouver une visibilité qu’elles ne trouvent pas ailleurs.
Angleterre, Etats-Unis, Koweït, Pays-Bas, Venezuela, aucune partie du globe n’échappe aux blogueuses mode et beauté qui portent le voile.

En France, Asma Farès apprend à plus de 86 000 abonnées comment mettre son hijab en toutes circonstances.

L’envie de faire des vidéos lui est venu en 2012. Esthéticienne, elle s’intéresse aux vidéos de beautistas voilées ou non telle que l’Américaine Kandee Johnson, célèbre pour ses maquillages imitant des célébrités, ou l’Anglaise Amena, créatrice du hoojab, voile dérivé du hijab. Ne voyant pas de blogueuse voilée en France, elle décide de se lancer : « Je dois être l’une des premières youtubeuses françaises à faire des tutos voile et maquillage. »

Asma MakeUp, lancée par Asma Farès, devient une chaîne de référence pour les femmes francophones voilées. Elle précise :

« Les internautes ne comprenaient pas toujours ce que racontaient les vidéos en anglais, elles étaient contentes d’avoir des tutoriels hijab dans leur langue. »

Ces hijabistas connectées, femmes voilées passionnées par la mode, démontrent aux jeunes femmes qu’être pudique selon les règles religieuses n’induit pas une négligence physique. Certaines abonnées remercient Asma Farès de leur donner envie de prendre soin de leur apparence :

« En portant le hijab, certaines se sont laissé aller. Le fait de voir mes vidéos leur donne envie de se faire jolie pour elles-mêmes ou leur époux. »

S’afficher derrière son écran n’est pas toujours confortable, les fashionistas voilées sont aussi confrontées à l’intolérance de femmes musulmanes rigoristes qui les accusent d’être dans l’erreur. « Il y en a qui sont prêtes à me mettre une “fatwa” car elles pensent que j’égare les autres sœurs », déplore Asma Farès. Elle assure ne pas se définir comme militante mais joue, par la force des choses, un rôle de sensibilisation voire de vulgarisation concernant l’islam. Si la futilité des vidéos shampoing et rouges à lèvres permet de normaliser l’image de la femme musulmane, cela lui paraît évident d’y contribuer.

« Par mes vidéos, il y a aussi des femmes chrétiennes ou athées qui comprennent mieux la religion musulmane, certaines posent des questions et pensent que le voile ne colle ni avec les couleurs ni avec le maquillage. »

Pourtant rien n’empêche une femme musulmane de mettre un voile coloré comme le précise Silvia Naef, professeur à l’Unité d’arabe de l’université de Genève * :

« Il y a une sorte d’appropriation du voile qui est devenu un phénomène de masse, une femme peut dire “Je suis musulmane et cela ne m’empêche pas d’être une femme, de me mettre en valeur”. »

Bruno Nassim Aboudrar, auteur de « Comment le voile est devenu musulman » (Flammarion, mars 2014), et Silvia Naef rappellent que le voile, loin des stéréotypes, est porté par des jeunes femmes qui vivent dans le monde actuel et qui adoptent les mêmes habitudes de consommation que les autres femmes occidentales. « Il faut sortir de la vision de la musulmane très puritaine et militante car c’est une minorité », souligne Silvia Naef.

Par la médiatisation de ces jeunes femmes dans l’air du temps, Internet remet les pendules à l’heure et donne à voir la diversité de la femme musulmane qui a choisi de se couvrir la tête. L’apparence qui se veut pudique répond ainsi aux codes des fashionistas. Le voile, signifiant religieux, devient un accessoire de mode. Bruno Nassim Aboudrar l’assure :

« Si le voile devient un accessoire de mode, il perd en “intensité” religieuse, devient plus profane, bref il se laïcise. C’est un peu ce qui advient aussi aux crucifix quand ils sont portés par des stars du rock ».

Grâce aux réseaux sociaux, une clientèle, en recherche de vêtements qui répondent à certaines exigences religieuses, s’est développée. L’occasion pour les plus créatives et influentes de se lancer dans le stylisme et de générer une nouvelle économie.

C’est le cas de Dina Torkia, qui comptabilise plus de 27 millions de vues sur YouTube et possède sa boutique en ligne. Comme elle le raconte au Guardian dans une interview publiée le 16 mars 2015, Internet a été salvateur pour elle. Voulant suivre une école de stylisme, l’intégration s’est révélée compliquée à cause de son voile. Aujourd’hui elle est une hijabista assumée.

Lieu de réussite pour certaines, Internet est d’abord une échappatoire face au grand débat français sur le port du voile. Asma s’enthousiasme :

« Pour une femme voilée, Internet est idéal. Cela nous évite d’être confrontées à l’intolérance des autres. »

Après avoir décidé de mettre le voile, elle n’a pas cherché du travail en tant qu’esthéticienne dans une boutique. Elle regrette :

« Aux Etats-Unis ou en Angleterre, on peut voir des femmes voilées vendre des cosmétiques dans de grandes enseignes internationales, en France, c’est impossible. »

Au lieu d’opérer un repli sur soi, les fashionistas voilées s’ouvrent au monde. Instagram, Twitter, Facebook, YouTube, autant de réseaux sociaux qui peuvent être considérés comme émancipateurs : « Dans le sens où ils rendent public des sujets et situations émanant de la sphère privée », selon Nolwenn Henaff, docteure en sciences de l’information et de la communication. Les femmes voilées ont trouvé par les réseaux sociaux cette visibilité. Asma Farès se réjouit :

« YouTube accepte tout le monde. Sans Internet, on ne nous verrait pas. On ne nous voit ni à la télé ni dans les piscines, par le biais d’Internet nous sommes enfin visibles. »

Selon Nolwenn Henaff :

« La production d’écriture personnelle en ligne sur les réseaux sociaux instaure, par le double effet de la narration et de la publicité, des usages et des pratiques sociales permettant d’exister numériquement, d’avoir une identité propre sur le Toile. »

Les youtubeuses définissent ainsi leur propre identité. Elles échappent à la caricature de la femme qui subit son voile et imposent leur voix. Nolwenn Henaff conclut :

« Si leur parole est d’abord expressive, elles cherchent ensuite à rejoindre ses autres significatifs, autrement dit le public écoutant. Elles appellent finalement à la reconnaissance. »

Rue 89 - 29 Aout 2015

 

« En portant le hijab, certaines se sont laissé aller. Le fait de voir mes vidéos leur donne envie de se faire jolie pour elles-mêmes ou leur époux. »


Et PAS pour (trouver) le futur époux... :sournois:



:D
 

Fitra

Allah, Souria, Houria wa bass
Il n'y'a pas une tonne de maquillage non plus.

Se faire belle devant sa cam sur Internet, c'est un peu contradictoire avec le fait de porter le voile pour moi. C'est un nouveau hijab, un hijab occidental. Mais je ne juge pas.

Ce n'est pas une question de haram/halal mais d'attitude qui va avec. Le haram/halal c'est juste la base. Pour le reste, ça vient avec la pratique, ceux qui ont une culture islamique ont la chance d'avoir un héritage qui les guide déjà, mais ce n'est pas le cas de tout le monde.
Je les soutiens de tout coeur, elles pensent bien faire et je suis sûre que ça fait du bien à l'image de l'Islam. Des non-musulmanes qui se disent que ce sont des femmes comme les autres,épanouies, sympathiques, etc. Peut-être qu'on n'est pas d'accord avec la méthode mais tout ça, ça viendra après.

Et puis j'ai rien à leur dire, elles ont la base, c'est bien, ça n'est pas mon cas par exemple. :)

La méthode de l'Islam ça a toujours été : voici les bases, voici l'étape supérieure, voici l'étape encore supérieure. Suivez les bases, après faites comme vous pouvez, essayez au moins, ne vous prenez pas trop la tête, mais essayez.
C'est ça qui encourage à aimer l'Islam qui est exigeant tout en étant simple, sans être rigoriste ni brutal, en tenant compte de l'évolution des gens, en ne les inhibant pas quand ils font quelque chose de mal en pensant bien faire.

Par exemple comme ici, on a des musulmans qui composent avec la société occidentale même dans ce qu'elle a de pas top (consumérisme , exhibition, etc.), mais il faut le voir comme une transition vers quelque chose de mieux dans le respect et l'ouverture envers tout le monde.
 
Mais est ce autorisé de mettre du khôl et sortir? Apparemment les gens deviennent beaucoup plus difficile et disent que la femme est censée sortir sans être maquillé. ..


Tu trouveras des avis qui sont contre, mais les avis qui disent que rien n'interdit l'embellissement pour une femme qd elle sort de chez elle m'ont plus convaincus perso. Chacun se fait sa propre opinion... :)


Je voulais juste rajouter qu'en islam, pour interdire (je ne te vise pas toi personnellement), il faut ramener des arguments basés sur le coran, sinon la tradition prophétique, ou qq chose comme la protection de la santé de la personne...

Pcq les "on dit" des gens c'est ce qui déforme l'islam et c'est très dangereux.
 
Dernière édition:
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AncienMembre

Non connecté
Mais est ce autorisé de mettre du khôl et sortir? Apparemment les gens deviennent beaucoup plus difficile et disent que la femme est censée sortir sans être maquillé. ..

C'est une "zinah" apparente => permise.

Je parle dans un cadre "sunnite" parce que dans le coranisme, la question est tellement konne qu'elle ne se pose même pas.
 
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