jeudi 3 avril 2008
Ramzy Baroud
Il y a très peu de commentateurs qui exposent réellement que les raisons de la guerre étaient entièrement égoïstes, sans un iota de moralité.
Cinq ans après linvasion et loccupation de lIrak par les Etats-Unis, les médias dominants procèdent une fois de plus à un examen minutieux du sujet. Les coûts et les implications de la guerre sont analysés de tous les angles de vue possibles, à une exception notable près : le coût pour le peuple irakien lui-même.
Dans toutes les enquêtes spéciales et tous les reportages exclusifs, très peu est dit au sujet des pertes subies par les Irakiens, complètement négligées ou mentionnées à la hâte et dont les chiffres ne peuvent quêtre sous-estimés. Commodément ignorés aussi sont les millions de blessés, de gens intérieurement et extérieurement déplacés, les victimes de viol et kidnapping qui en garderont des cicatrices physiques et psychologiques pour le restant de leurs jours.
Nous nous trouvons coincés dans un paradigme sans issue, où il semble nécessaire de sympathiser avec les problèmes de lagresseur pour ne pas être accusé « de manquer de patriotisme », tout en devant rester aveugle à lincalculable angoisse vécue par les victimes. Certains éprouvent réellement le besoin daller jusquà blâmer les Irakiens de leur propre malheur. Les deux candidats démocrates à la présidence, Hillary Clinton et Barack Obama ont exprimé leur souhait que les Irakiens prennent la responsabilité de la situation dans leur pays, affirmant comme cela a déjà été fait : « nous ne pouvons pas gagner leur guerre civile. Il ny a aucune solution militaire. »
Il aurait été utile que Clinton tire ses astucieuses conclusions avant quelle nait voté pour la résolution 2002 du sénat autorisant le président Bush à attaquer lIrak. Noublions pas pour autant les affirmations répétées de Clinton et dObama que toutes les options, y compris militaires, sont sur la table concernant la façon « de traiter » lambition alléguée de lIran dacquérir des armes nucléaires. Mais aller aussi loin que daccuser les Irakiens dêtre responsables de la guerre qui se poursuit est une nouvelle dégringolade pour ces candidats « anti-guerre ».
Est-ce encore un secret, cinq ans après, que la guerre contre lIrak a été menée pour des raisons stratégiques, pour maintenir le contrôle dune superpuissance qui patauge sur une grande partie des approvisionnements en énergie dans le monde et pour maintenir la suprématie régionale dIsraël, lallié de loin le plus cher ?
Naturellement, il y a ceux qui préfèrent imaginer un monde dans lequel la superpuissance bien intentionnée combattrait de toutes ses forces pour permettre à des nations plus petites et éloignées de jouir des fruits de la liberté et de la démocratie. Mais rien nest plus ridicule de ridicule que de prétendre que les Irakiens sont capables de contrôler les paramètres du conflit en cours, comme de prétendre quun gouvernement de marionnettes dont élection et laction sont entièrement sous les ordres des militaires américain serait capable de prendre et des responsabilités.
Tout aussi absurde est linsinuation que la guerre civile en Irak est exclusivement le fait dIrakiens, et que les militaires américains nont pas délibérément planté les graines de la division, espérant transformer son rôle en Irak en échangeant celui doccupant contre celui darbitre et veillant à ce que les « bons » lemportent sur les « méchants ».
Lidée que les Etats-Unis puissent quitter immédiatement lIrak ou prennent la pleine responsabilité financière et légale de la dévastation et du génocide oui, du génocide survenus ces cinq dernières années est simplement impensable du point de vue des médias américains qui ne traitent de la guerre quen termes de pertes américaines (et jamais irakiennes).
Il y a très peu de commentateurs qui exposent réellement que les raisons de la guerre étaient entièrement égoïstes, sans un iota de moralité. Est-ce que Bush utiliserait la même logique que celle quil a utilisée pour justifier lexécution de Saddam Hussein suggérant que cela était justifié par la violence exercée par le président irakien contre son propre peuple sil était question de ceux qui sont responsables de la mort de plus dun million dIrakiens en raison de cette guerre ?
Et en effet les Irakiens meurent en nombres qui ne diminuent pas, indépendamment des médias et de lexagération officielle au sujet du « renforcement [des troupes] ». Seuls les services des affaires extérieures indiquent que le nombre dIrakiens morts a dépassé le million, alors quune enquête faite par lagence britannique ORB estime ce nombre à plus d1,2 million. Mais la situation dramatique des Irakiens ne se limite pas à un décompte des morts, puisque ceux qui survivent supportent une peine incalculable : la pauvreté qui augmente, le taux de chômage entre 40-70% (évaluations gouvernementales), le manque total de sécurité dans les villes importantes et, selon Oxfam International, quatre millions de personnes ont besoin dune aide durgence.
« Bagdad est devenu la ville la plus dangereuse au monde, en grande partie en raison de la politique américaine de monter des groupes ethniques et sectaires irakiens les uns contre les autres. Aujourdhui, Bagdad est une ville de ghettos emplis de Sunnites et de Chiites, divisée par des murs en béton érigés par les militaires américains » rapporte Dahr Jamail, une des quelques voix courageuses qui ont honnêtement fait connaître les terribles résultats de cette guerre.
En effet, il ne semble y avoir aucune statistique encourageante en provenance dIrak. Même sous le régime précédent et les terribles sanctions appliquées par les Etats-Unis et les Nations Unies, les Irakiens étaient beaucoup plus aisés avant la guerre. Maintenant, les Irakiens ne servent que doutils pour la propagande permanente du gouvernement américain. Du point de vue de Bush, de McCain et de Cheney, les Irakiens sont les victimes dAl-Qaeda qui doit être combattu à tout prix. Du point de vue de Clinton et dObama, ils doivent combattre leurs propres guerres et en prendre la responsabilité, comme si « lirresponsabilité » irakienne était le principal problème.
Lors dune autre « visite surprise » en lIrak par un dirigeant américain, le vice-président Dick Cheney a déclaré que lIrak était « un effort qui avait réussi ». Du point de vue des contrats exorbitants accordés aux entreprises sélectionnées, la guerre a en effet réussi à rendre quelques compagnies et individus déjà riches encore beaucoup plus riches.
En attendant, Shlomo Brom, un universitaire renommé de lInstitut Universitaire de Tel Aviv pour les Etudes de Sécurité Nationale et ancien chef de la Division de la planification stratégique de larmée israélienne, voit les choses dun angle légèrement différent. « Nimporte quel Irak sera meilleur que lIrak sous Saddam, parce que lIrak de Saddam avait la capacité de menacer Israël, » a-t-il déclaré selon le Christian Science Monitor.
En considérant une telle logique tordue, on peut seulement espérer que lexpérience réussie de Cheney se terminera bientôt, et que le souhait dIsraël pour sa sécurité est maintenant assouvi. Le peuple irakien ne pourra supporter dautres « succès » de ce type.
Ramzy Baroud
Il y a très peu de commentateurs qui exposent réellement que les raisons de la guerre étaient entièrement égoïstes, sans un iota de moralité.
Cinq ans après linvasion et loccupation de lIrak par les Etats-Unis, les médias dominants procèdent une fois de plus à un examen minutieux du sujet. Les coûts et les implications de la guerre sont analysés de tous les angles de vue possibles, à une exception notable près : le coût pour le peuple irakien lui-même.
Dans toutes les enquêtes spéciales et tous les reportages exclusifs, très peu est dit au sujet des pertes subies par les Irakiens, complètement négligées ou mentionnées à la hâte et dont les chiffres ne peuvent quêtre sous-estimés. Commodément ignorés aussi sont les millions de blessés, de gens intérieurement et extérieurement déplacés, les victimes de viol et kidnapping qui en garderont des cicatrices physiques et psychologiques pour le restant de leurs jours.
Nous nous trouvons coincés dans un paradigme sans issue, où il semble nécessaire de sympathiser avec les problèmes de lagresseur pour ne pas être accusé « de manquer de patriotisme », tout en devant rester aveugle à lincalculable angoisse vécue par les victimes. Certains éprouvent réellement le besoin daller jusquà blâmer les Irakiens de leur propre malheur. Les deux candidats démocrates à la présidence, Hillary Clinton et Barack Obama ont exprimé leur souhait que les Irakiens prennent la responsabilité de la situation dans leur pays, affirmant comme cela a déjà été fait : « nous ne pouvons pas gagner leur guerre civile. Il ny a aucune solution militaire. »
Il aurait été utile que Clinton tire ses astucieuses conclusions avant quelle nait voté pour la résolution 2002 du sénat autorisant le président Bush à attaquer lIrak. Noublions pas pour autant les affirmations répétées de Clinton et dObama que toutes les options, y compris militaires, sont sur la table concernant la façon « de traiter » lambition alléguée de lIran dacquérir des armes nucléaires. Mais aller aussi loin que daccuser les Irakiens dêtre responsables de la guerre qui se poursuit est une nouvelle dégringolade pour ces candidats « anti-guerre ».
Est-ce encore un secret, cinq ans après, que la guerre contre lIrak a été menée pour des raisons stratégiques, pour maintenir le contrôle dune superpuissance qui patauge sur une grande partie des approvisionnements en énergie dans le monde et pour maintenir la suprématie régionale dIsraël, lallié de loin le plus cher ?
Naturellement, il y a ceux qui préfèrent imaginer un monde dans lequel la superpuissance bien intentionnée combattrait de toutes ses forces pour permettre à des nations plus petites et éloignées de jouir des fruits de la liberté et de la démocratie. Mais rien nest plus ridicule de ridicule que de prétendre que les Irakiens sont capables de contrôler les paramètres du conflit en cours, comme de prétendre quun gouvernement de marionnettes dont élection et laction sont entièrement sous les ordres des militaires américain serait capable de prendre et des responsabilités.
Tout aussi absurde est linsinuation que la guerre civile en Irak est exclusivement le fait dIrakiens, et que les militaires américains nont pas délibérément planté les graines de la division, espérant transformer son rôle en Irak en échangeant celui doccupant contre celui darbitre et veillant à ce que les « bons » lemportent sur les « méchants ».
Lidée que les Etats-Unis puissent quitter immédiatement lIrak ou prennent la pleine responsabilité financière et légale de la dévastation et du génocide oui, du génocide survenus ces cinq dernières années est simplement impensable du point de vue des médias américains qui ne traitent de la guerre quen termes de pertes américaines (et jamais irakiennes).
Il y a très peu de commentateurs qui exposent réellement que les raisons de la guerre étaient entièrement égoïstes, sans un iota de moralité. Est-ce que Bush utiliserait la même logique que celle quil a utilisée pour justifier lexécution de Saddam Hussein suggérant que cela était justifié par la violence exercée par le président irakien contre son propre peuple sil était question de ceux qui sont responsables de la mort de plus dun million dIrakiens en raison de cette guerre ?
Et en effet les Irakiens meurent en nombres qui ne diminuent pas, indépendamment des médias et de lexagération officielle au sujet du « renforcement [des troupes] ». Seuls les services des affaires extérieures indiquent que le nombre dIrakiens morts a dépassé le million, alors quune enquête faite par lagence britannique ORB estime ce nombre à plus d1,2 million. Mais la situation dramatique des Irakiens ne se limite pas à un décompte des morts, puisque ceux qui survivent supportent une peine incalculable : la pauvreté qui augmente, le taux de chômage entre 40-70% (évaluations gouvernementales), le manque total de sécurité dans les villes importantes et, selon Oxfam International, quatre millions de personnes ont besoin dune aide durgence.
« Bagdad est devenu la ville la plus dangereuse au monde, en grande partie en raison de la politique américaine de monter des groupes ethniques et sectaires irakiens les uns contre les autres. Aujourdhui, Bagdad est une ville de ghettos emplis de Sunnites et de Chiites, divisée par des murs en béton érigés par les militaires américains » rapporte Dahr Jamail, une des quelques voix courageuses qui ont honnêtement fait connaître les terribles résultats de cette guerre.
En effet, il ne semble y avoir aucune statistique encourageante en provenance dIrak. Même sous le régime précédent et les terribles sanctions appliquées par les Etats-Unis et les Nations Unies, les Irakiens étaient beaucoup plus aisés avant la guerre. Maintenant, les Irakiens ne servent que doutils pour la propagande permanente du gouvernement américain. Du point de vue de Bush, de McCain et de Cheney, les Irakiens sont les victimes dAl-Qaeda qui doit être combattu à tout prix. Du point de vue de Clinton et dObama, ils doivent combattre leurs propres guerres et en prendre la responsabilité, comme si « lirresponsabilité » irakienne était le principal problème.
Lors dune autre « visite surprise » en lIrak par un dirigeant américain, le vice-président Dick Cheney a déclaré que lIrak était « un effort qui avait réussi ». Du point de vue des contrats exorbitants accordés aux entreprises sélectionnées, la guerre a en effet réussi à rendre quelques compagnies et individus déjà riches encore beaucoup plus riches.
En attendant, Shlomo Brom, un universitaire renommé de lInstitut Universitaire de Tel Aviv pour les Etudes de Sécurité Nationale et ancien chef de la Division de la planification stratégique de larmée israélienne, voit les choses dun angle légèrement différent. « Nimporte quel Irak sera meilleur que lIrak sous Saddam, parce que lIrak de Saddam avait la capacité de menacer Israël, » a-t-il déclaré selon le Christian Science Monitor.
En considérant une telle logique tordue, on peut seulement espérer que lexpérience réussie de Cheney se terminera bientôt, et que le souhait dIsraël pour sa sécurité est maintenant assouvi. Le peuple irakien ne pourra supporter dautres « succès » de ce type.