Jet Far west, ou la dure réalité du low cost au Maroc

JET FAR WEST, ou la dure réalité du low cost au Maroc

Par : Mohammed MRAIZIKA
(Docteur en Sciences Sociales, Consultant en droit
International Humanitaire, président d'almohagir, directeur de l'ICLH)

Aux temps mémoriaux du Far West américain, des peaux rouges et des bandits qui écumaient les routes, personne ne pouvait prédire avec exactitude l'arrivée de la diligence à destination et quelles épreuves auront endurées les voyageurs pendant le trajet. Prendre de nos jours un vol "low-cost" Paris-Casablanca, Marseille-Marrakech, Londres-Agadir ou Charleroi-Casa, c'est partir à l'aventure, c'est savoir prendre son mal en patience, c'est supporter l'insupportable.

Comment en est on arrivé là ?

Le low cost : théorie et pratique

Le low cost c'est d'abord un concept économique qui a fait ses preuves dans de nombreux secteurs tels que le mobilier, l'alimentaire, les vêtements, les voitures, les crédits. Aujourd'hui, crise économique oblige, ses méthodes s'imposent de plus en plus dans tous les secteurs de la vie économique jusqu' au transport aérien.

C'est un modèle économique basé sur un principe simple : " offrir des produits et services de qualité tout en supprimant le "superflu inutile et coûteux" ". Voilà pour la théorie. Dans la pratique le yoghourt " à bas prix " tourne souvent au vinaigre et le sofa acheté à bas prix (fabriqué en Chine ou en Corée) se transforme subitement en une usine d'eczéma. Les bébés britanniques en savent quelque chose.

Le secteur du transport aérien n'échappe pas à cette règle. C'est aujourd'hui l'un des secteurs les plus prisés des lowcosters et, en même temps, celui où les lacunes et les dysfonctionnements du modèle se font le plus sentir.

La ruée vers le ciel marocain des compagnies à " bas prix " est récente. Il a fallu à tous ces lowcosters avides de rentabilité maximale beaucoup de temps et de persévérance pour réussir à ouvrir des brèches sérieuses dans le monopole quasi absolu que la Royale Air Maroc exerçait sur le ciel national.

La libéralisation en 2004 du transport aérien marocain, l'entrée en vigueur de l'Open Sky en 2006 sont quelques-uns des facteurs clefs qui favorisèrent cette percée. Ils eurent rapidement un impact fort sur le trafic aérien national lui permettant d'enregistrer un taux de croissance annuel moyen très important. Selon, Mr Karim Ghellab, ministre de l'Equipement et du transport, le Maroc " a enregistré en 2007 un taux de croissance du trafic aérien global de 17%, soit la plus forte croissance de trafic réalisée au niveau mondial ". L'Office national des aéroports (ONDA), donne d'autres chiffres qui montrent l'ampleur de cette croissance: " le mouvement d'avions, aussi bien international que local, a évolué de 7,4% entre 2006 et 2007. En effet, plus de 142 vols hebdomadaires additionnels et " le nombre de compagnies aériennes étrangères desservant le Maroc a doublé en 4 ans, passant de 22 en 2003 à 44 actuellement " précisent certains rapports.

Les compagnies " low cost " qui écument le ciel marocain ont pour noms Jet4You, Thomson fly, Ryanair, Thomas Cook, Aigle Azur, My Way Airways, Ettihad Airways, Buraq Air, Helvetic Airways, Easy Jet , Axis Airways ou encore " Atlas Blue " filiale de Royal Air Maroc (RAM).

Cette formidable profusion d'offres et cet encombrement sans précédent sont différemment interprétés. Du côté des utilisateurs les plus assidus dont certains fréquentaient jadis ces " cercueils ambulants" qui sont les autocars (Clichy/Asnières-Maroc), on ne voit dans cette profusion et cet encombrement du ciel marocain que des aspects positifs : 4 ou 5 heures de vol (au lieu de 3) comparées aux deux jours de route en autocar, dans des conditions de confort, d'hygiène et de sécurité lamentables ne sont pas pour les contrarier. Les prix pratiqués encouragent fortement cette adhésion et expliquent le silence ambiant. Du côté des pouvoirs publics cette profusion d'offres de transport aérien à bas prix, cette présence massive des compagnies low cost et les résultats qu'elles génèrent quant au nombre de touristes/an, se lisent comme un facteur positif en terme de développement du secteur et une dynamique favorable à la réalisation des ambitions de la vision 2010.

Le développement de l'Internet, la prolifération des centres d'appels, la mise en place par certaines compagnies (Jet4you et Atlas blue) de réseaux d'agences partenaires dans les grandes villes, ne font que renforcer cette tendance et conforter dans leurs calculs les promoteurs de ce mode de transport à bas prix.

Mais force est de constater que ce développement rapide et cette montée en puissance du low cost au Maroc suscitent inquiétude et interrogations. Les dérives et les manquements constatés aujourd'hui par les usagers atteignent des degrés inquiétants. Ils risquent en tout cas à moyen terme de produire les effets contraires. Il suffit aujourd'hui de consulter les forums internet, de lire les courriers des lecteurs ou d'interroger les voyageurs qui débarquent dans des aéroports déserts à des heures impossibles pour se rendre compte de l'étendue du malaise et du mécontentement.

La rationalisation de ce mode de transport dans le sens du respect du voyageur, à tous les niveaux de la chaine, s'impose comme une nécessité impérieuse pour ne pas dire une urgence.
 
Les dérives et les conséquences du low cost

Le low cost ou le " bas coût " pratiqué sans discernement et sans contrôle est une source de problèmes et de contraintes. C'est un fait, car très vite on bascule du " bas prix " vers la " mauvaise qualité ", vers la " basse sécurité ", vers le non respect des délais et des clauses du contrat du transport, voire même, et c'est le plus grave, vers la mise en danger de la vie d'autrui.

Ce à quoi assistent aujourd'hui, médusés ou moqueurs, les touristes qui fréquentent nos aéroports est un spectacle affligeant.

Il n'y a pas que les Marocains de l'étranger (MRE) qui commencent à dénoncer leurs conditions d'accueil et de voyage low cost. Le mécontentement semble général tant les causes du mécontentement sont nombreuses et récurrentes : escales imprévues, incidents mécaniques ou techniques répétitifs, accueil très moyen, surtaxe des bagages (10 euros/Kg), arrivées tardives (minuit et plus).dans des aéroports déserts, embarquement matinal (6 h).

Certes. Ce modèle économique low cost, qui " a pour principe de répercuter, sur le prix final consommateur, la minoration des coûts inhérents à un produit ou service " ne peut prospérer qu'on proposant un produit ou un service simplifié à l'extrème " dont tous les superflus ont été supprimés " (utilisation des terminaux secondaires moins chers, repas payants, confort limité, personnel réduit). Mais, cette option ne doit pas franchir les limites du raisonnable et de l'acceptable toujours au détriment de l'utilisateur principal, le voyageur.

Rappelons- nous ces accidents dramatiques à répétition qui ont marqué cet été 2008 : un Boeing 737 de la compagnie kirghize Itek Air s'est écrasé au décollage près de l'aéroport de Bichkek, capitale du Kirghizstan, faisant de nombreuses victimes, Un autre Boeing 737 de la compagnie Easyjet qui effectuait une liaison entre Londres et Cagliari (Sardaigne) a dû interrompre son vol et atterrir en urgence à l'aéroport de Nice évitant ainsi une véritable tragédie.

L'encombrement que connaissent aujourd'hui nos principaux aéroports (Casablanca, Agadir, Marrakech) n'est que le signe avant-coureur de ce qui les attend demain. Les compagnies low cost envisagent en effet un développement plus conséquent dans les années à venir. Jet4you, compte atteindre un objectif de 1,5 million de voyageurs d'ici 2010 et ambitionne d'avoir une flotte de 10 appareil, Atlas Blue, filiale de la RAM adopte une politique de développement aussi offensive et ambitieuse. Sa flotte sera " constituée de 14 appareils en 2008-2009 avant de passer à 24 avions à l'horizon 2012", selon l'un de ses responsables.

Il est donc temps, grand temps, de mettre ces compagnies aériennes et ces lowcosters devant leurs responsabilités en les incitant, par une réglementation forte, intransigeante sur la sécurité et la tranquillité du voyageur, à prendre les mesures qui s'imposent dans le sens de l'amélioration des conditions d'accueil et de transports des voyageurs. Mais, si rien n'est fait dans ce sens, le plus rapidement possible, ça sera dans peu de temps - au regard de ce qui se passe actuellement sous le ciel national et compte tenu du désordre qui règne dans nos aéroport - le Far West et l'anarchie la plus totale au détriment des voyageurs, des touristes, de nos visions (2010), de nos projets touristiques et de l'image de notre pays.


© wafin.be, Le 07 Octobre 2008.
 

Angelo52

y=mx+p
En même temps, ceux qui se plaignent des compagnies low-cost, rien ne les empêchent d'aller vers des compagnies régulières et même se payer une class affaires. :rolleyes:
 
En même temps, ceux qui se plaignent des compagnies low-cost, rien ne les empêchent d'aller vers des compagnies régulières et même se payer une class affaires. :rolleyes:

Jsuis d'accord avec toi, c'est vrai mais quand tu vois que même la RAM, c'est pareil si pas pire, y'a de quoi se poser des questions ...
 
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