mardi 7 octobre 2008 - 06h:33
Renaud Girard - Le Figaro
« Les négociations avec Israël sont au point mort, à cause du manque de fiabilité des négociateurs israéliens », estime Khaled Mechal, le chef du Hamas, dans un entretien exceptionnel au Figaro.
Pensez-vous que larrivée dun nouveau gouvernement israélien dirigé par Tzipi Livni représente une fenêtre dopportunité pour la paix ?
Khaled MECHAL - Par expérience, les Palestiniens savent que le changement de leader en Israël apporte rarement une modification de la stratégie profonde du pays. Tant que lélite politique israélienne nacceptera pas quatre principes fondamentaux, aucune négociation sérieuse ne pourra commencer. Ces principes sont : 1)le retour aux frontières de 1967 ; 2)le respect du droit au retour des réfugiés ; 3)le respect des droits des Palestiniens sur Jérusalem Est ; 4)le démantèlement des colonies de peuplement.
Que pensez-vous des négociations actuelles entre lAutorité palestinienne et le gouvernement israélien ?
Non seulement le Hamas, mais aussi toute la rue palestinienne condamnent ces rencontres. Dabord parce quelles se produisent alors quIsraël poursuit lextension des colonies, la construction du mur de séparation, le blocus de Gaza, la pratique des barrages routiers en Cisjordanie. Ensuite parce que les Palestiniens sont actuellement divisés : la partie palestinienne négocie donc en position de faiblesse. Rien de productif ne peut donc sortir de ces rencontres, qui ne servent quà améliorer les relations publiques dIsraël, sans obtenir de lui la moindre concession.
Quel prix le Hamas est-il prêt à demander pour se réconcilier avec le Fatah, après le coup dEtat à Gaza que vous reproche Mahmoud Abbas, président de lAutorité Palestinienne ?
Ce nétait pas un « coup dEtat » : personne ne peut se rebeller contre soi-même ! Cest nous qui étions le gouvernement palestinien, car cest nous qui avions gagné les élections, sous le contrôle des observateurs internationaux ![/B]
Pour contrôler Gaza, vous avez quand même fait usage de la force !
Nous nous sommes seulement défendus face à une agression dune équipe palestinienne corrompue, rendue possible par lafflux darmes et dargent israéliens, visant à détruire la légitimité du gouvernement dunité nationale issu des élections de 2006. Nous ne posons aucune condition à une réconciliation palestinienne.
Pour réussir, elle devra être construite autour des modalités suivantes : 1) le respect du jeu démocratique en Palestine, cest-à-dire le respect des résultats des élections passées et à venir ; 2) le respect de la Constitution palestinienne ; 3) le rétablissement de services de sécurité avec un recrutement uniquement fondé sur des critères de professionnalisme et de patriotisme, loin du factionnalisme, du népotisme et de la corruption ; 4) le strict respect des accords intra-palestiniens du Caire (2005) et de la Mecque (2007) ; 5) la prise en compte de l « accord des prisonniers » (2006) ; 6) la volonté affichée dédifier, par consensus, une nouvelle OLP (Organisation de libération de la Palestine) ; 7) le respect des quatre principes fondamentaux dont je vous ai parlé au début de cette interview.
Pourquoi une nouvelle OLP ?
Parce que la nation palestinienne a besoin dun seul forum politique et qui soit en ordre. Il ne sagit pas là davancer les intérêts partisans du Hamas. Cest une exigence de cohérence pour la défense de la cause palestinienne en général.
Où en sont vos négociations avec Israël, par lentremise de lEgypte, pour libérer le soldat de Tsahal Gilad Shalit, que vous détenez depuis juin 2006 ?
Elles sont au point mort, à cause du manque de fiabilité des négociateurs israéliens, qui reviennent sans cesse sur les points acquis.
Linitiative du roi saoudien Abdallah, entérinée à lunanimité par la Ligue arabe, qui propose à Israël une reconnaissance par tous les Etats arabes en échange de son retrait sur les frontières de 1967, vous convient-elle ?
Hamas ne mettra jamais dobstacle à nimporte quel effort arabe pour redonner aux Palestiniens leur droit. Je lai dit moi-même lors du Sommet de la Ligue arabe de 2007 auquel vous faites allusion. Mais je vous rappelle quIsraël na pas répondu à cette offre et que les Américains nont pas daigné la reprendre au bond.
Est-ce à dire que vous pourriez envisager de reconnaître publiquement le droit à lexistence dIsraël ?
Laccord des prisonniers (négociée par le leader emblématique du Fatah emprisonné en Israël Marwan Barghouti avec ses codétenus du Hamas, NDLR) a répondu implicitement à cette question. Je prends la responsabilité de vous dire que le Hamas a endossé cet « accord des prisonniers ».
Mais pourquoi ne franchissez-vous pas le pas ? Pourquoi ne faites-vous pas une déclaration de reconnaissance de lEtat dIsraël en bonne et due forme ?
Les Palestiniens qui lont fait nont toujours pas obtenu dEtat ; ils ne sont toujours pas indépendants ; ils vivent toujours sous un régime doccupation et leurs terres continuent à être confisquées.
Le Hamas, pour sa part, a très clairement donné son accord pour la constitution dun Etat palestinien libre et indépendant, le long des frontières de 1967, sur le territoire de Gaza et de la Cisjordanie. Cest le maximum, quen tant que victimes, nous pouvons dire. Cest à loccupant de répondre dabord à nos demandes légitimes, exprimées par les quatre principes fondamentaux dont je vous ai parlé.
Beaucoup dIsraéliens vous accusent de vouloir les jeter à la mer...
Cest faux. Nous navons aucun problème avec les Juifs, mais seulement avec les gens qui occupent notre terre et nous dénient nos droit, quelle que soit leur religion ou leur race. Historiquement, vous devez vous souvenir que le monde arabo-musulman a toujours accueilli les Juifs, leur a toujours permis de vivre en paix, et même de devenir ministres.
Attendez-vous quelque chose de la France ?
Il y a longtemps que nous attendons une initiative de lEurope, et plus particulièrement de la France. Cest attente est dautant plus grande que les Américains, par leur partialité en faveur dIsraël, se sont disqualifiés comme médiateurs. Il existe aujourdhui un vide, qui appelle une initiative de la France.
Cela veut-il dire que la France devrait à vos yeux remplir le rôle dhonest broker (intermédiaire sincère) dans le conflit israélo-palestinien ?
Oui, si elle est continue à se maintenir à égale distance des parties au conflit, à demander larrêt des colonisations de peuplement israéliennes, à adhérer aux quatre principes fondamentaux dont jai parlé, à préconiser une solution politique fondée sur le retour aux frontières de 1967. Le rôle historique de la France dans le monde a toujours été dêtre le minaret des droits de lhomme et de la démocratie. Avec lénergie qui le caractérise, le président Sarkozy devrait pouvoir donner une impulsion vitale aux négociations de paix. Notre peuple souffre, nous sommes les premiers à vouloir cette paix.
Renaud Girard - Le Figaro
« Les négociations avec Israël sont au point mort, à cause du manque de fiabilité des négociateurs israéliens », estime Khaled Mechal, le chef du Hamas, dans un entretien exceptionnel au Figaro.
Pensez-vous que larrivée dun nouveau gouvernement israélien dirigé par Tzipi Livni représente une fenêtre dopportunité pour la paix ?
Khaled MECHAL - Par expérience, les Palestiniens savent que le changement de leader en Israël apporte rarement une modification de la stratégie profonde du pays. Tant que lélite politique israélienne nacceptera pas quatre principes fondamentaux, aucune négociation sérieuse ne pourra commencer. Ces principes sont : 1)le retour aux frontières de 1967 ; 2)le respect du droit au retour des réfugiés ; 3)le respect des droits des Palestiniens sur Jérusalem Est ; 4)le démantèlement des colonies de peuplement.
Que pensez-vous des négociations actuelles entre lAutorité palestinienne et le gouvernement israélien ?
Non seulement le Hamas, mais aussi toute la rue palestinienne condamnent ces rencontres. Dabord parce quelles se produisent alors quIsraël poursuit lextension des colonies, la construction du mur de séparation, le blocus de Gaza, la pratique des barrages routiers en Cisjordanie. Ensuite parce que les Palestiniens sont actuellement divisés : la partie palestinienne négocie donc en position de faiblesse. Rien de productif ne peut donc sortir de ces rencontres, qui ne servent quà améliorer les relations publiques dIsraël, sans obtenir de lui la moindre concession.
Quel prix le Hamas est-il prêt à demander pour se réconcilier avec le Fatah, après le coup dEtat à Gaza que vous reproche Mahmoud Abbas, président de lAutorité Palestinienne ?
Ce nétait pas un « coup dEtat » : personne ne peut se rebeller contre soi-même ! Cest nous qui étions le gouvernement palestinien, car cest nous qui avions gagné les élections, sous le contrôle des observateurs internationaux ![/B]
Pour contrôler Gaza, vous avez quand même fait usage de la force !
Nous nous sommes seulement défendus face à une agression dune équipe palestinienne corrompue, rendue possible par lafflux darmes et dargent israéliens, visant à détruire la légitimité du gouvernement dunité nationale issu des élections de 2006. Nous ne posons aucune condition à une réconciliation palestinienne.
Pour réussir, elle devra être construite autour des modalités suivantes : 1) le respect du jeu démocratique en Palestine, cest-à-dire le respect des résultats des élections passées et à venir ; 2) le respect de la Constitution palestinienne ; 3) le rétablissement de services de sécurité avec un recrutement uniquement fondé sur des critères de professionnalisme et de patriotisme, loin du factionnalisme, du népotisme et de la corruption ; 4) le strict respect des accords intra-palestiniens du Caire (2005) et de la Mecque (2007) ; 5) la prise en compte de l « accord des prisonniers » (2006) ; 6) la volonté affichée dédifier, par consensus, une nouvelle OLP (Organisation de libération de la Palestine) ; 7) le respect des quatre principes fondamentaux dont je vous ai parlé au début de cette interview.
Pourquoi une nouvelle OLP ?
Parce que la nation palestinienne a besoin dun seul forum politique et qui soit en ordre. Il ne sagit pas là davancer les intérêts partisans du Hamas. Cest une exigence de cohérence pour la défense de la cause palestinienne en général.
Où en sont vos négociations avec Israël, par lentremise de lEgypte, pour libérer le soldat de Tsahal Gilad Shalit, que vous détenez depuis juin 2006 ?
Elles sont au point mort, à cause du manque de fiabilité des négociateurs israéliens, qui reviennent sans cesse sur les points acquis.
Linitiative du roi saoudien Abdallah, entérinée à lunanimité par la Ligue arabe, qui propose à Israël une reconnaissance par tous les Etats arabes en échange de son retrait sur les frontières de 1967, vous convient-elle ?
Hamas ne mettra jamais dobstacle à nimporte quel effort arabe pour redonner aux Palestiniens leur droit. Je lai dit moi-même lors du Sommet de la Ligue arabe de 2007 auquel vous faites allusion. Mais je vous rappelle quIsraël na pas répondu à cette offre et que les Américains nont pas daigné la reprendre au bond.
Est-ce à dire que vous pourriez envisager de reconnaître publiquement le droit à lexistence dIsraël ?
Laccord des prisonniers (négociée par le leader emblématique du Fatah emprisonné en Israël Marwan Barghouti avec ses codétenus du Hamas, NDLR) a répondu implicitement à cette question. Je prends la responsabilité de vous dire que le Hamas a endossé cet « accord des prisonniers ».
Mais pourquoi ne franchissez-vous pas le pas ? Pourquoi ne faites-vous pas une déclaration de reconnaissance de lEtat dIsraël en bonne et due forme ?
Les Palestiniens qui lont fait nont toujours pas obtenu dEtat ; ils ne sont toujours pas indépendants ; ils vivent toujours sous un régime doccupation et leurs terres continuent à être confisquées.
Le Hamas, pour sa part, a très clairement donné son accord pour la constitution dun Etat palestinien libre et indépendant, le long des frontières de 1967, sur le territoire de Gaza et de la Cisjordanie. Cest le maximum, quen tant que victimes, nous pouvons dire. Cest à loccupant de répondre dabord à nos demandes légitimes, exprimées par les quatre principes fondamentaux dont je vous ai parlé.
Beaucoup dIsraéliens vous accusent de vouloir les jeter à la mer...
Cest faux. Nous navons aucun problème avec les Juifs, mais seulement avec les gens qui occupent notre terre et nous dénient nos droit, quelle que soit leur religion ou leur race. Historiquement, vous devez vous souvenir que le monde arabo-musulman a toujours accueilli les Juifs, leur a toujours permis de vivre en paix, et même de devenir ministres.
Attendez-vous quelque chose de la France ?
Il y a longtemps que nous attendons une initiative de lEurope, et plus particulièrement de la France. Cest attente est dautant plus grande que les Américains, par leur partialité en faveur dIsraël, se sont disqualifiés comme médiateurs. Il existe aujourdhui un vide, qui appelle une initiative de la France.
Cela veut-il dire que la France devrait à vos yeux remplir le rôle dhonest broker (intermédiaire sincère) dans le conflit israélo-palestinien ?
Oui, si elle est continue à se maintenir à égale distance des parties au conflit, à demander larrêt des colonisations de peuplement israéliennes, à adhérer aux quatre principes fondamentaux dont jai parlé, à préconiser une solution politique fondée sur le retour aux frontières de 1967. Le rôle historique de la France dans le monde a toujours été dêtre le minaret des droits de lhomme et de la démocratie. Avec lénergie qui le caractérise, le président Sarkozy devrait pouvoir donner une impulsion vitale aux négociations de paix. Notre peuple souffre, nous sommes les premiers à vouloir cette paix.