L'Algérie s'enfonce dans la fermeture de son marché

Plusieurs instructions du Premier ministre inquiètent les entreprises françaises présentes en Algérie ou susceptibles de s'y installer. Parmi les mesures gênantes : l'interdiction de rapatrier des devises et des contraintes sur l'actionnariat.
L'objectif affiché de l'Algérie, à quelques semaines de l'élection présidentielle, consiste à limiter les importations.
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Rien n'est officiel, mais toutes les entreprises étrangères présentes en Algérie en parlent. Les cinq instructions du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, « font peur à tout le monde », glisse un proche des milieux d'affaires étrangers. Depuis décembre, cinq textes visant à encadrer davantage les investissements étrangers circulent et commencent à s'appliquer, alors qu'ils ne sont pas publics.

Au coeur des textes - que « Les Echos » se sont procurés - figurent des mesures gênantes pour les entreprises françaises désirant s'installer en Algérie ou déjà sur place. Les sociétés d'importation étrangères ne pourront plus être détenues à 100 % par des capitaux étrangers, mais devront ouvrir leur actionnariat à 30 % de capitaux algériens. L'obligation doit s'appliquer à partir du 1er mars pour les nouveaux arrivants et d'ici au 30 septembre pour les autres. Sur place, les sociétés d'importation s'interrogent sur son champ d'application. « Elle vise surtout le secteur automobile et des entreprises comme Renault ou PSA, qui font de l'importation pour revente, affirme un observateur avisé. Quant aux entreprises qui à la fois produisent et importent - comme Michelin ou Sanofi-Aventis -, elles se demandent si la circulaire leur est applicable... » La plupart d'entre elles refusent de s'exprimer sur le sujet. La Chambre française de commerce en Algérie s'apprête, avec son homologue américaine, à demander des précisions par écrit au Premier ministre.
Des entreprises renoncent

Une autre instruction inquiète cette fois les entreprises de production souhaitant s'installer dans le pays. Car les futurs investissements ne pourront être réalisés qu'en partenariat avec des acteurs nationaux devant détenir 51 % de l'investissement. Autre volet, plus inquiétant : tout projet devra générer plus d'entrées que de sorties de devises. « Cela empêcherait quasiment tout investissement étranger dans le pays ! », déplore un acteur local. Dans les milieux d'affaires français, les regards se tournent vers AXA. « AXA, qui entend vendre des produits d'assurance en Algérie, ne pourrait dès lors pas transférer de dividendes au siège », commente un expert. A moins que la circulaire ne s'applique pas à l'entreprise qui a engagé son projet avant l'existence du texte. Mais rien n'est clair et beaucoup dénoncent « l'épée de Damoclès qui pèse sur les entreprises ».

L'objectif affiché de l'Algérie, à quelques semaines de l'élection présidentielle, consiste à limiter les importations - le président Abdelaziz Bouteflika déplorait mardi leur hausse, entre 2003 et 2008, tant pour les biens (de 10 à 31 milliards d'euros) que pour les services (de 2 à 6 milliards d'euros). Face à ces textes, certaines entreprises qui étaient en phase d'approche du marché algérien ont renoncé. D'autres maintiennent leur projet en misant sur le fait que certaines mesures ne seront que conjoncturelles. « On ne pourra pas empêcher les entreprises de rapatrier des dividendes ou alors l'Algérie va se mettre au ban du monde, témoigne un professionnel. Avec la chute des prix du baril, fermer le pays ne sera pas tenable. » Plutôt que d'empêcher les importations, l'Algérie risque de les favoriser, prédit même un consultant : « Les entreprises étrangères s'installeront ailleurs - en Tunisie, par exemple - et vendront leur marchandise à des importateurs algériens. »

Pour l'heure, l'Algérie reste pourtant sur cette ligne. Le président Bouteflika a annoncé mardi la création d'ici à la fin du mois d'un fonds d'investissement public d'un capital de 1,5 milliard d'euros pour financer des projets locaux. En enjoignant le gouvernement « à prémunir [le pays] des investissements spéculatifs et parasitaires »...

MARIE-CHRISTINE CORBIER, Les Echos
 
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