Thierry Mandon promet de régler la question de la sélection en master d'ici la fin de l'année, alors que des tribunaux condamnent des universités qui refusent des étudiants en M2. Loin d'être uniforme, cette sélection dépend des disciplines et des établissements... et s'applique parfois déjà dès l'entrée en M1.
Un peu, beaucoup, à la folie… Les universités sélectionnent en master, mais plus ou moins. Impossible de dresser un constat général dans un paysage si divers.
Seule certitude : les recours des étudiants devant les juges se multiplient contre la sélection à l’entrée des masters 2.
Thierry Mandon a promis, lors de sa conférence de presse de rentrée du 15 septembre 2015, une clarification des règles en vigueur d’ici la fin de l’année.
Côté étudiants, le sentiment est unanime. "Même s’ils ne l’assument pas, la plupart des masters 2 sélectionnent à l’entrée", estime Alexandra Dupichot, présidente de l’Unedesep (Union nationale des étudiants en droit, gestion, AES, sciences économiques, politiques et sociales).
"Certains étudiants piétinent en M1 et redoublent en espérant obtenir un M2 l’année suivante, déplore également William Martinet, à la tête de l’Unef. D’autres abandonnent même leurs études à ce niveau intermédiaire."
Et si, globalement, la situation se régule, avec 150.000 étudiants en M1 et 140.000 en M2 – sachant qu’une partie des diplômés passe des concours de la fonction publique –, le problème est ailleurs, souligne William Martinet : "ce principe de sélection conduit à survaloriser certains masters ultra-sélectifs, et à dévaloriser les autres, comme des formations ‘poubelles’." Car d’une université et d’une discipline à l’autre, tout peut changer.
sciences dures et sciences humaines relativement épargnées
En sciences dures, cette ultra-sélectivité est le plus souvent absente. "De manière générale, l’offre et la demande s’équilibrent, explique Jean-Marc Broto, président de la Conférence des doyens de sciences. Beaucoup de nos masters 2 peuvent accepter toutes les candidatures."
Même chose dans la majorité des Arts, Lettres, Langues et Sciences humaines et sociales, évalue Philippe Saltel, à la tête de la Conférence des doyens et directeurs d’UFR de ces disciplines, dont les effectifs ont plutôt eu tendance à s’éroder ces dernières années.
Avec néanmoins plusieurs exceptions, pour des parcours très attractifs où la demande surpasse de loin le nombre de places. Ce sera plutôt en biologie pour les sciences, tandis qu’en sciences humaines, les filières de direction de projets culturels en arts du spectacle ou encore l’info-communication sont souvent engorgées.
Le campus de la Victoire de l'université de Bordeaux réunit les sciences de l'homme, dont la psychologie. // 2015
La psycho sous tension
Reste une filière où le blocage est permanent : la psychologie. Le master 2 donne en effet accès à la profession réglementée de psychologue — avec un numerus clausus — ou permet diverses spécialisations (psychologie du travail, psychologie clinique, etc.), avec pour toutes des quotas fixés à l'entrée.
D’où un nombre conséquent d’étudiants qui restent sur le carreau entre le M1 et le M2. D’après les chiffres du ministère, ils sont près de 5.000 en M2, contre 8.000 en M1. Un chiffre à relativiser, en tenant compte notamment des redoublants. Le taux de passage en M2 des étudiants entrants pour la première fois en M1 est lui de l’ordre de 40%. "Nous refusons des profils excellents à l’entrée du M2, avec des 14 de moyenne", rappelle Anne Fraïsse, présidente de l’université Montpellier 3.
Mais même dans cette discipline, les règles ne sont pas les mêmes partout. Certaines universités contingentent en effet leurs effectifs à l’entrée du master 1. À Paris 5, l’université accueille 400 étudiants en première année de master, répondant ainsi à la quasi-totalité des besoins pour ses étudiants de L3, tout en refusant à ce moment-là une partie des candidatures extérieures. 400 places sont proposées en master 2, mais le jeu des spécialités ne permet pas forcément à chacun d’obtenir son premier choix de parcours.
Ce principe de sélection conduit à survaloriser certains masters ultra-sélectifs, et à dévaloriser les autres, comme des formations ‘poubelles’.
Éco-gestion : sélection en M1 ou en M2 Selon les cas
Cette diversité de pratiques existe également dans les masters d’économie et de gestion, qui sont nombreux à être sous pression. "Nous avons une vraie problématique en gestion, car des ingénieurs et des diplômés de sciences dures postulent pour obtenir une double compétence. La sélection est donc très forte en master 2, nous ne pouvons absorber la demande. Par exemple, en management des projets internationaux, nous avons 30 places… et 350 dossiers !" explique le doyen de la faculté des sciences économiques et de gestion de l'université de Strasbourg, Thierry Burger-Helmchen.
De ce fait, si un grand nombre d'établissements sélectionnent principalement à l’entrée du M2, d’autres opèrent ce filtrage dès la première année de master. "L’admission en master 1 se fait sur dossier, détaille le responsable strasbourgeois. Nous garantissons ensuite une place en master 2 à tous nos étudiants. Pas forcément dans le premier parcours qu’ils demandent, bien sûr, mais ils auront obligatoirement une place quelque part.
Droit : Une sélection entre tradition et élitisme
C'est en droit que la sélection au milieu du master se révèle être la plus forte et la plus pratiquée par l'ensemble des universités de manière relativement homogène. "En moyenne, nous avons 350 demandes pour 30 places, explique le président de l’université Toulouse 1 Capitole, Bruno Sire. Avec des pics : en droit social ou en droit du travail, nous avons 668 candidatures pour 25 places", soupire-t-il.
Avec une problématique particulière : le M1 [bac + 4] reste le diplôme requis pour les concours publics, notamment avocat ou juge. "Nos cursus sont construits sur un tronc commun de quatre ans, explique Guillaume Leyte, à la tête de Paris 2. On ne peut pas priver les étudiants de l’accès à ces concours mais aussi à certaines professions juridiques."
Pour les juristes poursuivant en M2, c’est le moment de choisir sa spécialité.
Avec un mélange entre une nécessité de répartition entre les différentes filières, et le jeu de la hiérarchie entre établissements qui récupèrent, selon leur réputation, les meilleurs étudiants à l’échelle nationale. À Paris 2, les taux de sélections oscillent entre… 5% et 25% ! Plus de la moitié des 2.300 étudiants de master 2 d'Assas viennent d’une autre université.
"La sélection est très clairement affichée, les étudiants le savent et la situation se régule à l’échelle du pays, se défend le président de Paris 2.
Ce serait un mauvais service à rendre aux étudiants que d’accepter des profils aux résultats trop faibles pour réussir dans nos masters, où le niveau est très élevé. Et de l’autre côté de retirer cette chance à d’excellents profils de l’extérieur. Cela permet en outre de préserver la réputation de nos diplômes, condition de l’excellente insertion professionnelle qu’ils assurent."
Une grande diversité de problématiques, de particularités et de traditions que Thierry Mandon devra prendre en compte face à ce "bloc master" bien loin d'être uniforme.
Camille Stromboni
mam
Un peu, beaucoup, à la folie… Les universités sélectionnent en master, mais plus ou moins. Impossible de dresser un constat général dans un paysage si divers.
Seule certitude : les recours des étudiants devant les juges se multiplient contre la sélection à l’entrée des masters 2.
Thierry Mandon a promis, lors de sa conférence de presse de rentrée du 15 septembre 2015, une clarification des règles en vigueur d’ici la fin de l’année.
Côté étudiants, le sentiment est unanime. "Même s’ils ne l’assument pas, la plupart des masters 2 sélectionnent à l’entrée", estime Alexandra Dupichot, présidente de l’Unedesep (Union nationale des étudiants en droit, gestion, AES, sciences économiques, politiques et sociales).
"Certains étudiants piétinent en M1 et redoublent en espérant obtenir un M2 l’année suivante, déplore également William Martinet, à la tête de l’Unef. D’autres abandonnent même leurs études à ce niveau intermédiaire."
Et si, globalement, la situation se régule, avec 150.000 étudiants en M1 et 140.000 en M2 – sachant qu’une partie des diplômés passe des concours de la fonction publique –, le problème est ailleurs, souligne William Martinet : "ce principe de sélection conduit à survaloriser certains masters ultra-sélectifs, et à dévaloriser les autres, comme des formations ‘poubelles’." Car d’une université et d’une discipline à l’autre, tout peut changer.
sciences dures et sciences humaines relativement épargnées
En sciences dures, cette ultra-sélectivité est le plus souvent absente. "De manière générale, l’offre et la demande s’équilibrent, explique Jean-Marc Broto, président de la Conférence des doyens de sciences. Beaucoup de nos masters 2 peuvent accepter toutes les candidatures."
Même chose dans la majorité des Arts, Lettres, Langues et Sciences humaines et sociales, évalue Philippe Saltel, à la tête de la Conférence des doyens et directeurs d’UFR de ces disciplines, dont les effectifs ont plutôt eu tendance à s’éroder ces dernières années.
Avec néanmoins plusieurs exceptions, pour des parcours très attractifs où la demande surpasse de loin le nombre de places. Ce sera plutôt en biologie pour les sciences, tandis qu’en sciences humaines, les filières de direction de projets culturels en arts du spectacle ou encore l’info-communication sont souvent engorgées.
Le campus de la Victoire de l'université de Bordeaux réunit les sciences de l'homme, dont la psychologie. // 2015
La psycho sous tension
Reste une filière où le blocage est permanent : la psychologie. Le master 2 donne en effet accès à la profession réglementée de psychologue — avec un numerus clausus — ou permet diverses spécialisations (psychologie du travail, psychologie clinique, etc.), avec pour toutes des quotas fixés à l'entrée.
D’où un nombre conséquent d’étudiants qui restent sur le carreau entre le M1 et le M2. D’après les chiffres du ministère, ils sont près de 5.000 en M2, contre 8.000 en M1. Un chiffre à relativiser, en tenant compte notamment des redoublants. Le taux de passage en M2 des étudiants entrants pour la première fois en M1 est lui de l’ordre de 40%. "Nous refusons des profils excellents à l’entrée du M2, avec des 14 de moyenne", rappelle Anne Fraïsse, présidente de l’université Montpellier 3.
Mais même dans cette discipline, les règles ne sont pas les mêmes partout. Certaines universités contingentent en effet leurs effectifs à l’entrée du master 1. À Paris 5, l’université accueille 400 étudiants en première année de master, répondant ainsi à la quasi-totalité des besoins pour ses étudiants de L3, tout en refusant à ce moment-là une partie des candidatures extérieures. 400 places sont proposées en master 2, mais le jeu des spécialités ne permet pas forcément à chacun d’obtenir son premier choix de parcours.
Ce principe de sélection conduit à survaloriser certains masters ultra-sélectifs, et à dévaloriser les autres, comme des formations ‘poubelles’.
Éco-gestion : sélection en M1 ou en M2 Selon les cas
Cette diversité de pratiques existe également dans les masters d’économie et de gestion, qui sont nombreux à être sous pression. "Nous avons une vraie problématique en gestion, car des ingénieurs et des diplômés de sciences dures postulent pour obtenir une double compétence. La sélection est donc très forte en master 2, nous ne pouvons absorber la demande. Par exemple, en management des projets internationaux, nous avons 30 places… et 350 dossiers !" explique le doyen de la faculté des sciences économiques et de gestion de l'université de Strasbourg, Thierry Burger-Helmchen.
De ce fait, si un grand nombre d'établissements sélectionnent principalement à l’entrée du M2, d’autres opèrent ce filtrage dès la première année de master. "L’admission en master 1 se fait sur dossier, détaille le responsable strasbourgeois. Nous garantissons ensuite une place en master 2 à tous nos étudiants. Pas forcément dans le premier parcours qu’ils demandent, bien sûr, mais ils auront obligatoirement une place quelque part.
Droit : Une sélection entre tradition et élitisme
C'est en droit que la sélection au milieu du master se révèle être la plus forte et la plus pratiquée par l'ensemble des universités de manière relativement homogène. "En moyenne, nous avons 350 demandes pour 30 places, explique le président de l’université Toulouse 1 Capitole, Bruno Sire. Avec des pics : en droit social ou en droit du travail, nous avons 668 candidatures pour 25 places", soupire-t-il.
Avec une problématique particulière : le M1 [bac + 4] reste le diplôme requis pour les concours publics, notamment avocat ou juge. "Nos cursus sont construits sur un tronc commun de quatre ans, explique Guillaume Leyte, à la tête de Paris 2. On ne peut pas priver les étudiants de l’accès à ces concours mais aussi à certaines professions juridiques."
Pour les juristes poursuivant en M2, c’est le moment de choisir sa spécialité.
Avec un mélange entre une nécessité de répartition entre les différentes filières, et le jeu de la hiérarchie entre établissements qui récupèrent, selon leur réputation, les meilleurs étudiants à l’échelle nationale. À Paris 2, les taux de sélections oscillent entre… 5% et 25% ! Plus de la moitié des 2.300 étudiants de master 2 d'Assas viennent d’une autre université.
"La sélection est très clairement affichée, les étudiants le savent et la situation se régule à l’échelle du pays, se défend le président de Paris 2.
Ce serait un mauvais service à rendre aux étudiants que d’accepter des profils aux résultats trop faibles pour réussir dans nos masters, où le niveau est très élevé. Et de l’autre côté de retirer cette chance à d’excellents profils de l’extérieur. Cela permet en outre de préserver la réputation de nos diplômes, condition de l’excellente insertion professionnelle qu’ils assurent."
Une grande diversité de problématiques, de particularités et de traditions que Thierry Mandon devra prendre en compte face à ce "bloc master" bien loin d'être uniforme.
Camille Stromboni
mam
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