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Actualités marocaines
Le juif en nous
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[QUOTE="windsorite, post: 5063769, member: 189421"] Cela étant, il serait faux d’affirmer que les manuels scolaires marocains aujourd’hui utilisés manifestent une hostilité à l’égard des juifs, comme c’est le cas dans d’autres pays arabo-musulmans. Ils pèchent davantage par omission. Omission évidemment regrettable parce que le savoir ainsi transmis est tronqué et ne rend pas compte de l’identité plurielle des Marocains. “Pour être bien avec nous-mêmes, il nous faut être en paix avec la part de l’autre qui est en nous”, nous dit un enseignant de lycée. Avec raison : confondre identité et uniformité, n’est-ce pas faire le jeu des tenants du repli sur soi et de la pensée monolithique dont on sait où elle peut mener ? Ecran médiatique, brouillage identitaire L’école n’est pas seule en cause. Une partie des médias contribue, sur la durée, à la désinformation et à la confusion des esprits. Pour preuve, les dérapages épisodiques de certains journaux nationaux. Mais, surtout, les programmes idéologiquement marqués, voire ouvertement racistes de plusieurs chaînes satellitaires du Moyen-Orient dont l’impact est d’autant plus fort que l’offre télévisuelle marocaine n’est pas à même, à ce stade, de proposer une alternative attractive. La confusion la plus dommageable est celle qui consiste à ne pas faire la distinction entre “juif et sioniste” ou entre “juif et israélien”, à propos de la guerre qui oppose pays arabes et Israël, Palestiniens et Israéliens, et dont on sait combien elle pèse sur les relations entre juifs et musulmans au Maroc. Résultat : pour les plus jeunes, le juif c’est le soldat israélien. Leur méconnaissance vient aussi de ce qu’ils “n’ont pas mangé la dafina chez les voisins juifs et n’ont jamais fêté le Shabbat ou la Mimouna avec eux”, nous dit Imane, secrétaire médicale à Casablanca, élevée dans une famille musulmane traditionnelle. Elle se souvient avoir vécu ces moments-là dans sa jeunesse. Difficile pourtant de considérer que les plus jeunes seraient, dans l’absolu, les plus éloignés des juifs marocains. L’enquête L’Islam au quotidien (Mohammed El Ayadi, Hassan Rachik et Mohamed Tozy, Ed. Prologues, 2007), est instructive à cet égard. A la question “de qui vous sentez-vous le plus proche : un musulman afghan, un chrétien palestinien ou un juif marocain ?”, 63% des Marocains interrogés répondent : d’un musulman afghan et seulement 12% : d’un juif marocain. Mais les 18-24 ans se déclarent plus proches du juif marocain dans une proportion plus élevée (16,9%) que les personnes de 60 ans et plus (6,9%). On notera que dans tous les cas, le chrétien palestinien vient en dernier, ce qui ne manque pas de surprendre quand on sait l’attachement des Marocains à la cause palestinienne. Dans ce brouillage identitaire, établir une équation entre juif et israélien ne revient-il pas, de fait, à assigner à identité israélienne les Marocains juifs? À nier leur marocanité, alors qu’ils la revendiquent et qu’ils en sont fiers ? Le secrétaire général de leur communauté, Serge Berdugo, ancien ministre, aujourd’hui ambassadeur itinérant du roi du Maroc, n’est pas le seul à lancer : “Je suis Marocain et non pas Israélien !”. N’est-ce pas aussi renforcer un communautarisme dans lequel, comme toute minorité, les juifs du Maroc ont une tendance naturelle à se retrancher à la fois pour affirmer leur singularité et se protéger face à la majorité ? Effet de miroir en retour : la majorité des jeunes juifs, une fois le bac en poche, partent et ne reviennent plus. Préparés qu’ils sont à autre chose qu’à des perspectives d’avenir sur la terre natale par les amalgames entretenus, l’enfermement communautaire. Mais aussi par l’occultation de leur l’histoire. Nous nous retrouvons en effet face à un oubli de deux mille ans de vie juive au Maroc, pour reprendre le titre d’un des nombreux ouvrages de Haïm Zafrani, traduit en arabe par le Professeur Ahmed Chahlane de l’Université de Rabat. Il y décrit les différents aspects, religieux, culturel et social de cette communauté et montre qu’elle a toujours été enracinée dans le terreau local, berbère et arabe. C’est aussi ce qui ressort de la contribution d’Edmond Amran El Maleh à la Grande Encyclopédie du Maroc (1987), tout comme des Essais d’histoire et de civilisation judéo-marocaines de Simon Lévy. C’est à cette lacune que voulait répondre le Centre de recherche sur le judaïsme marocain (CRJM) créé par Robert Assaraf en 1994, en organisant des colloques et en octroyant des bourses à des doctorants. Mohammed Laghraïb, un des rares spécialistes des juifs du Maroc à l’époque médiévale, aujourd’hui enseignant-chercheur à l’Université de Kénitra, a fait partie de ces boursiers. Robert Assaraf lui-même a signé plusieurs ouvrages volumineux et fort documentés sur l’histoire des juifs au Maroc. Depuis, le Groupe de recherches et d’études sur le judaïsme marocain (GREJM), animé par le Professeur Baïda et d’autres universitaires, a vu le jour au sein de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Rabat. Un rapide retour sur l’histoire inspiré de ces différents travaux n’est donc pas inutile. Flash-back : au temps des dhimmis Il est admis que la présence des juifs au Maroc remonte au moins à l’époque romaine. Des vestiges trouvés à Volubilis en témoignent : une inscription hébraïque sur une pierre tombale, une autre attestant de l'existence d'une synagogue dans cette ville ainsi qu’une lampe à ménora (chandelier à sept branches). A cette époque, les juifs étaient agriculteurs, éleveurs, ou commerçaient avec Rome. Après l’islamisation du pays, ils poursuivront leurs activités mais auront le statut de dhimmi, qui accorde aux Gens du Livre protection et liberté de culte, à condition qu’ils respectent la domination de l’islam et paient un impôt de capitation, la jiziya. Ce statut fut appliqué de manière plus ou moins rigoureuse selon les dynasties, les sultans, l’interprétation des fouqaha et le contexte socioéconomique du moment. Toujours est-il qu’en leur garantissant une autonomie sur les plans religieux, juridique et administratif, il les plaçait dans une situation que pouvaient leur envier leurs coreligionnaires vivant dans l’Occident chrétien. Certes, l’histoire du judaïsme marocain ne fut pas “un long fleuve tranquille” : des périodes de quiétude et de stabilité ont régulièrement alterné avec des périodes de persécutions, d’exactions et de brimades (dont les musulmans eux-mêmes n’étaient pas toujours exempts) à l’occasion de crises politiques et économiques ou d’un changement de dynastie... Ainsi les Almohades se sont-ils caractérisés par un rigorisme extrême à l’égard des non-musulmans, comme envers les musulmans jugés trop éloignés de l’orthodoxie. Durant leur règne, de nombreux juifs furent contraints de s’exiler ou, parfois pour la façade, de se convertir à l’islam. Mais, dans l’ensemble, les dynasties marocaines ont offert à l’élément juif des espaces d’accueil et de cohabitation avec la majorité musulmane : aux pires moments du fanatisme chrétien, n’est-ce pas au Maroc que les juifs expulsés d’Espagne et du Portugal, en 1391 puis en 1492, trouvèrent une terre d’accueil ? Au XIXème et au XXème siècles, le judaïsme marocain est entré dans une nouvelle phase. Plusieurs facteurs vont modifier les équilibres politiques, économiques, sociaux et culturels antérieurs : la pénétration européenne, la création des écoles francophones de l’Alliance israélite universelle (première école à Tétouan en 1862), l’action d’associations philanthropiques juives, britanniques et américaines, le protectorat français puis le mouvement sioniste. On assiste ainsi à une “occidentalisation” des familles juives les plus aisées, tandis que la masse, malgré une amélioration de sa situation (œuvres de bienfaisance, éducation, hygiène et santé sous l’impulsion des associations juives étrangères), restera largement attachée à sa culture et à son judaïsme traditionnels. A l’indépendance, Mohammed V fera des juifs des citoyens à part entière. Aujourd’hui, la Constitution, qui “garantit à tous le libre exercice des cultes”, stipule explicitement que “tous les Marocains sont égaux devant la loi”. [/QUOTE]
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