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Le pen que de la gueule et mobilisons nous contre tafta
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[QUOTE="droitreponse, post: 13756408, member: 377946"] Suite : =========== Les recours des multinationales sont traités par l’une des instances spécialisées : le Cirdi, qui arbitre le plus d’affaires, la Commission des Nations unies pour le droit commercial international (CNUDCI), la Cour permanente de La Haye, certaines chambres de commerce, etc. Les Etats et les entreprises ne peuvent, le plus souvent, pas faire appel des décisions prises par ces instances : à la différence d’une cour de justice, une cour d’arbitrage n’est pas tenue d’offrir un tel droit. Or l’écrasante majorité des pays ont choisi de ne pas inscrire la possibilité de faire appel dans leurs accords. Si le traité transatlantique inclut un dispositif de RDIE, ces tribunaux verront en tout cas leur emploi du temps bien garni. Il existe vingt-quatre mille filiales de sociétés européennes aux Etats-Unis et cinquante mille huit cents succursales américaines sur le Vieux Continent; chacune aurait la possibilité d’attaquer les mesures jugées nuisibles à ses intérêts. Pour qu’advienne le paradis sur terre des avocats d’affaires Voilà près de soixante ans que des sociétés privées peuvent attaquer des Etats. Le procédé a longtemps été peu utilisé. Sur les quelque cinq cent cinquante contentieux recensés à travers le monde depuis les années 1950, 80% ont été déposés entre 2003 et 2012 (3). Pour l’essentiel, ils émanent d’entreprises du Nord — les trois quarts des réclamations traitées par le Cirdi viennent des Etats-Unis et de l’Union européenne — et visent des pays du Sud (57% des cas). Les gouvernements qui veulent rompre avec l’orthodoxie économique, comme ceux de l’Argentine ou du Venezuela, sont particulièrement exposés [I](voir carte «Règlement des différends sur l’investissement»).[/I] Règlement des différends sur l’investissement Agnès Stienne, juin 2014 [B]Les mesures prises par Buenos Aires pour faire face à la crise de 2001 (contrôle des prix, limitation de sortie des capitaux...) ont été systématiquement dénoncées devant les cours d’arbitrage. Arrivés au pouvoir après des émeutes meurtrières, les présidents Eduardo Duhalde puis Néstor Kirchner n’avaient pourtant aucune visée révolutionnaire; ils cherchaient à parer à l’urgence. Mais le groupe allemand Siemens, soupçonné d’avoir soudoyé des élus peu scrupuleux, s’est retourné contre le nouveau pouvoir — lui réclamant 200 millions de dollars — quand celui-ci a contesté des contrats passés par l’ancien gouvernement. De même, la Saur, une filiale de Bouygues, a protesté contre le gel du prix de l’eau au motif que celui-ci [I]«port[/I][ait] [I]atteinte à la valeur de l’investissement».[/I][/B] Quarante plaintes ont été déposées contre Buenos Aires dans les années qui ont suivi la crise financière (1998-2002). Une dizaine d’entre elles ont abouti à la victoire des entreprises, pour une facture totale de 430 millions de dollars. Et la source n’est pas tarie : en février 2011, l’Argentine affrontait encore vingt-deux plaintes, dont quinze liées à la crise (4). Depuis trois ans, l’Egypte se trouve sous les feux des investisseurs. Selon une revue spécialisée (5), le pays est même devenu le premier destinataire des recours de multinationales en 2013. Pour protester contre ce système, certains pays, tels le Venezuela, l’Equateur ou la Bolivie, ont annulé leurs traités. L’Afrique du Sud songe à suivre cet exemple, sans doute échaudée par le long procès qui l’a opposée à la compagnie italienne Piero Foresti, Laura De Carli et autres au sujet du Black Economic Empowerment Act. Cette loi octroyant aux Noirs un accès préférentiel à la propriété des mines et des terres était jugée par les Italiens contraire à l’[I]«égalité de traitement entre des entreprises étrangères et les entreprises nationales[/I] (6)[I]».[/I] Etrange «égalité de traitement» que ces patrons européens revendiquent alors que les Noirs sud-africains, qui représentent 80% de la population, ne possèdent que 18% des terres et que 45% vivent sous le seuil de pauvreté. Ainsi va la loi de l’investissement. Le procès n’est pas allé jusqu’au bout : en 2010, Pretoria a accepté d’ouvrir des concessions aux demandeurs transalpins. [B]Ainsi, un jeu «gagnant-perdant» s’impose à tous les coups : soit les multinationales reçoivent de lourdes compensations, soit elles contraignent les Etats à réduire leurs normes dans le cadre d’un compromis ou pour éviter un procès. L’Allemagne vient d’en faire l’amère expérience.[/B] En 2009, le groupe public suédois Vattenfall dépose plainte contre Berlin, lui réclamant 1,4 milliard d’euros au motif que les nouvelles exigences environnementales des autorités de Hambourg rendent son projet de centrale au charbon [I]«antiéconomique»[/I] (sic). Le Cirdi juge la protestation recevable et, après moult batailles, un [I]«arrangement judiciaire»[/I] est signé en 2011 : il débouche sur un [I]«adoucissement des normes».[/I] Aujourd’hui, Vattenfall poursuit la décision de Mme Angela Merkel de sortir du nucléaire d’ici à 2022. Aucun montant n’est officiellement avancé; mais, dans son rapport annuel de 2012, Vattenfall chiffre la perte due à la décision allemande à 1,18 milliard d’euros. Bien sûr, il arrive que les multinationales soient déboutées : sur les deux cent quarante-quatre cas jugés fin 2012, 42% ont abouti à la victoire des Etats, 31% à celle des investisseurs et 27% ont donné lieu à un arrangement (7). Elles perdent alors les millions engagés dans la procédure. Mais des [I]«profiteurs de l’injustice[/I] (8)[I]»,[/I] pour reprendre le titre d’un rapport de l’association Corporate Europe Observatory (CEO), attendent de récupérer le magot. Dans ce système taillé sur mesure, les arbitres des instances internationales et les cabinets d’avocats s’enrichissent, peu importe l’issue du procès. Pour chaque contentieux, les deux parties s’entourent d’une batterie d’avocats, choisis au sein des plus grandes entreprises et dont les émoluments oscillent entre 350 et 700 euros de l’heure. Les affaires sont ensuite jugées par trois «arbitres» : l’un est désigné par le gouvernement accusé, l’autre par la multinationale accusatrice et le dernier (le président) en commun par les deux parties. Nul besoin d’être qualifié, habilité ou appointé par une cour de justice pour arbitrer ce type de cas. Une fois choisi, l’arbitre reçoit entre 275 et 510 euros de l’heure (parfois beaucoup plus), pour des affaires dépassant fréquemment les cinq cents heures, ce qui peut susciter des vocations. Les arbitres (masculins à 96%) proviennent pour l’essentiel de grands cabinets d’avocats européens ou nord-américains, mais ils ont rarement le droit pour seule passion. Avec trente cas à son actif, le Chilien Francisco Orrego Vicuña fait partie des quinze arbitres les plus sollicités. Avant de se lancer dans la justice commerciale, il a occupé d’importantes fonctions gouvernementales pendant la dictature d’Augusto Pinochet. Lui aussi membre de ce top 15, le juriste et ancien ministre canadien Marc Lalonde est passé par les conseils d’administration de Citibank Canada et d’Air France. Son compatriote L. Yves Fortier a quant à lui navigué entre la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU, le cabinet Ogilvy Renault et les conseils d’administration de Nova Chemicals Corporation, Alcan ou Rio Tinto. [I]«Siéger au conseil d’administration d’une société cotée en Bourse — et j’ai siégé au conseil de nombre d’entre elles — m’a aidé dans ma pratique de l’arbitrage international,[/I] confiait-il dans un entretien (9). [I]Ça m’a donné une vue sur le monde des affaires que je n’aurais pas eue en tant que simple avocat.»[/I] Un véritable gage d’indépendance. Une vingtaine de cabinets, principalement américains, fournissent la majorité des avocats et arbitres sollicités pour les RDIE. Intéressés à la multiplication de ce genre d’affaires, ils traquent la moindre occasion de porter plainte contre un Etat. Pendant la guerre civile libyenne, l’entreprise britannique Freshfields Bruckhaus Deringer conseilla par exemple à ses clients de poursuivre Tripoli, au motif que l’instabilité du pays générait une insécurité nuisible aux investissements. Entre les experts, les arbitres et les avocats, chaque contentieux rapporte en moyenne près de 6 millions d’euros par dossier à la machine juridique. Engagées dans un procès de longue haleine contre l’opérateur aéroportuaire allemand Fraport, les Philippines ont même dû débourser la somme record de 58 millions de dollars pour se défendre — l’équivalent du salaire annuel de douze mille cinq cents enseignants (10). [B]On comprend que certains Etats aux ressources faibles cherchent à tout prix des compromis, quitte à renoncer à leurs ambitions sociales ou environnementales. Non seulement un tel système profite aux plus riches, mais de jugements en règlements amiables, il fait évoluer la jurisprudence et donc le système judiciaire international hors de tout contrôle démocratique, dans un univers régenté par l’«industrie de l’injustice».[/B] Benoît Bréville et Martine Bulard [/QUOTE]
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