Difkoum
Anti sioniste et khawa khawa.
" Le libre penseur est celui qui pense sans égard pour les autorités, les dogmes ou les traditions. " ( Vincent Citot )
( Titre : Le Suicidé. - Mohammed Talbi - )
Le vieux célibataire, ancien directeur d'une école primaire, debout courbé dans sa cuisine exiguë, préparait son " ftour ", le repas de la rupture du jeûne, du café au lait, du pain perdu, des poissons frits, un jus de fruits,
Il avait l'habitude d'aller dans un café du centre-ville, rejoindre ses copains, mais ce ramadan-là, ils étaient confinés, à partir de vingt heures tout était fermé, et le couvre-feu durait toute la nuit,
Les personnes qui vivaient seules restaient prisonnières de leur mémoire, voyageaient dans leurs souvenirs seulement, passaient leurs heures de veille à végéter comme des légumes entre quatre murs,
Celles âgées, infirmes, vivaient dans l'incertitude, la peur, mais restaient braves, luttaient comme elles le pouvaient, pareilles à des naufragés qui à l'espoir de survivre s'accrochent dur, un peu plus heureuses que des condamnés à mort qu'encore vivants on emmure ;
Comme beaucoup de ses congénères septuagénaires, octogénaires, rattrapé par un monde qui ne lui ressemblait pas, soumis à un mode de vie qu'il n'aimait pas, qu'il n'acceptait pas, il était resté fidèle à ses anciennes petites manies,
N'avait ni téléphone portable, ni tablette, ni ordinateur, lisait le journal en prenant son café, écoutait à la radio ou regardait sur sa petite télé blanc et noir les chansons classiques de sa vieille mélomanie,
Les rencontres avec ses ex-collègues lui manquaient, les longues parties de cartes, de dames, les paris, les plaisanteries, les taquineries, les flâneries dans les quartiers fleuris,
Tout était parti, et les nuits ramadanesques, leur ambiance de fête qui remplissait les rues de croustillantes odeurs, les parait de féériques couleurs, étaient devenues mornes, le corps, l'âme, souffreteux, endoloris ;
Il entendit frapper à sa porte, une demi-heure avant l'appel du muezzin : le benjamin des voisins lui apportait un peu de soupe, deux oeufs durs, des dattes, des raisins, et du pain,
Un jeune adolescent de seize ans, que des parents orthodoxes houspillaient tout le temps, bien que les habitants du quartier, à l'unanimité, le dissent sympathique, serviable, ses amis honnête, sérieux, que la nature le dotât d'un esprit éclairé, fin,
Il venait tous les jours, à la même heure, restait le temps de récupérer les ustensiles de la veille, échangeait quelques propos avec le retraité, l'aidait à mettre la table,
Il aimait cet homme parce qu'il était tolérant, ouvert à toutes les discussions, toujours là quand il avait besoin d'un conseil, d'un coup de pouce, que jamais il ne fourrait le nez dans les affaires des autres, ni ne leur en voulait, même quand ils étaient vils, même quand ils étaient exécrables ;
Mais ce jour-là, l'enfant était soucieux, ses mouvements nerveuxs, brusques, rapides, et son mutisme alerta le vieux qui le savait plus loquace, peu timide,
Il s'enquit de la raison de cette tête de six pieds de long, son hôte fit mine de ne pas entendre, mais quand il sentit le regard du vieux le transpercer comme un rayon laser, il essaya de se montrer décontracté, placide,
" Qu'est-ce qu'il y a, fiston ? Des problèmes avec tes parents ? Des soucis d'argent ? ", insista le bonhomme, sur un ton mi-paternel, mi-complice, en invitant le jeune à venir s'asseoir une minute,
Le visage de celui-ci était inhabituellement livide, des cernes pendaient de ses yeux rougis, ses joues étaient creuses, ses cheveux hirsutes ;
( Titre : Le Suicidé. - Mohammed Talbi - )
Le vieux célibataire, ancien directeur d'une école primaire, debout courbé dans sa cuisine exiguë, préparait son " ftour ", le repas de la rupture du jeûne, du café au lait, du pain perdu, des poissons frits, un jus de fruits,
Il avait l'habitude d'aller dans un café du centre-ville, rejoindre ses copains, mais ce ramadan-là, ils étaient confinés, à partir de vingt heures tout était fermé, et le couvre-feu durait toute la nuit,
Les personnes qui vivaient seules restaient prisonnières de leur mémoire, voyageaient dans leurs souvenirs seulement, passaient leurs heures de veille à végéter comme des légumes entre quatre murs,
Celles âgées, infirmes, vivaient dans l'incertitude, la peur, mais restaient braves, luttaient comme elles le pouvaient, pareilles à des naufragés qui à l'espoir de survivre s'accrochent dur, un peu plus heureuses que des condamnés à mort qu'encore vivants on emmure ;
Comme beaucoup de ses congénères septuagénaires, octogénaires, rattrapé par un monde qui ne lui ressemblait pas, soumis à un mode de vie qu'il n'aimait pas, qu'il n'acceptait pas, il était resté fidèle à ses anciennes petites manies,
N'avait ni téléphone portable, ni tablette, ni ordinateur, lisait le journal en prenant son café, écoutait à la radio ou regardait sur sa petite télé blanc et noir les chansons classiques de sa vieille mélomanie,
Les rencontres avec ses ex-collègues lui manquaient, les longues parties de cartes, de dames, les paris, les plaisanteries, les taquineries, les flâneries dans les quartiers fleuris,
Tout était parti, et les nuits ramadanesques, leur ambiance de fête qui remplissait les rues de croustillantes odeurs, les parait de féériques couleurs, étaient devenues mornes, le corps, l'âme, souffreteux, endoloris ;
Il entendit frapper à sa porte, une demi-heure avant l'appel du muezzin : le benjamin des voisins lui apportait un peu de soupe, deux oeufs durs, des dattes, des raisins, et du pain,
Un jeune adolescent de seize ans, que des parents orthodoxes houspillaient tout le temps, bien que les habitants du quartier, à l'unanimité, le dissent sympathique, serviable, ses amis honnête, sérieux, que la nature le dotât d'un esprit éclairé, fin,
Il venait tous les jours, à la même heure, restait le temps de récupérer les ustensiles de la veille, échangeait quelques propos avec le retraité, l'aidait à mettre la table,
Il aimait cet homme parce qu'il était tolérant, ouvert à toutes les discussions, toujours là quand il avait besoin d'un conseil, d'un coup de pouce, que jamais il ne fourrait le nez dans les affaires des autres, ni ne leur en voulait, même quand ils étaient vils, même quand ils étaient exécrables ;
Mais ce jour-là, l'enfant était soucieux, ses mouvements nerveuxs, brusques, rapides, et son mutisme alerta le vieux qui le savait plus loquace, peu timide,
Il s'enquit de la raison de cette tête de six pieds de long, son hôte fit mine de ne pas entendre, mais quand il sentit le regard du vieux le transpercer comme un rayon laser, il essaya de se montrer décontracté, placide,
" Qu'est-ce qu'il y a, fiston ? Des problèmes avec tes parents ? Des soucis d'argent ? ", insista le bonhomme, sur un ton mi-paternel, mi-complice, en invitant le jeune à venir s'asseoir une minute,
Le visage de celui-ci était inhabituellement livide, des cernes pendaient de ses yeux rougis, ses joues étaient creuses, ses cheveux hirsutes ;