Les disparues de l’yonne...

Depuis vingt ans, la région d'Auxerre bruisse de rumeurs: des notables adeptes de ballets bleus ou de ballets roses, des réseaux de prostitution, des protections et des dossiers étouffés. A l'heure actuelle, rien ne permet de le prouver. Mais il y a des histoires étranges. Celle d'Appoigny, par exemple, un village non loin d'Auxerre.

Salle de torture. Le 22 janvier 1984, les policiers débarquent allée des Violettes, au domicile de Claude et Monique Dunand. Ils découvrent, dans la cave du pavillon, une jeune femme entravée sur une croix, torturée. C'est une autre jeune fille, séquestrée au même endroit pendant plusieurs mois, qui a donné l'alerte après avoir réussi à s'enfuir. Toutes les deux sont brûlées au fer, victimes d'éventrations que les «clients» de Claude Dunand leur infligeaient. Car, dans la cave, on venait consommer de la torture, avec les tarifs affichés sur la porte.

A l'intérieur du pavillon, les policiers saisissent deux carnets, qui contiennent la liste des adeptes. Des clients. Hormis pour un ou deux d'entre eux, on ne remontera jamais les pistes. Et pour cause: les carnets ont disparu du palais de justice d'Auxerre. Un magistrat de l'époque l'affirme, un avocat confirme: «Ils ont été retirés de l'instruction, jamais exploités. L'affaire Dunand a été étouffée. Il y avait des réseaux, mais on n'a pas trop cherché.» Un exemple: l'enquête avait établi que Claude Dunand déménageait souvent, qu'il choisissait des pavillons isolés où il décorait avec soin sa salle de torture. «Mais on n'a rien fouillé, nulle part.» Autre bizarrerie: si Dunand se livrait à de telles pratiques depuis longtemps, comment imaginer, avance le même avocat, qu'il n'y ait pas eu d'autres victimes? «Les deux jeunes filles d'Appoigny furent sauvées in extremis. D'autres, auparavant, ont dû mourir.»

Quel serait, alors, le lien avec l'affaire des disparues? Avec Emile Louis? Le fait que l'une des deux filles était issue de la Ddass et auparavant scolarisée à l'IME Grattery, comme quatre des disparues. Et, pour l'avocat, «peut-être que certaines disparitions attribuées à l'un sont le fait de l'autre». Une chose est sûre, affirme-t-il: «si ça se passait aujourd'hui, il y aurait déjà vingt personnes en prison, on fouillerait partout et on découvrirait des cadavres.» Le 1er novembre 1991, Claude Dunand était condamné à la réclusion criminelle à perpétuité par les assises de l'Yonne.

Lieux de prostitution. Afin d'explorer toutes les pistes, les parties civiles ont demandé à ce que les familles consultent, chez les gendarmes, la circulaire extraite d'un fichier pédophile. C'était en juillet 2000. Parmi les quelque 500 clichés, souvent anciens et de mauvaise qualité, Ginette Lemoine pense reconnaître sa soeur Françoise, sur la photo numéro 245. Mais, selon les policiers, des «éléments» le prouverait: ce n'est pas Françoise. Au début des années 80, des témoins affirment avoir croisé certaines des disparues sur des lieux de prostitution. Une piste reprise par Emile Louis lors de son interrogatoire du 16 janvier: après s'être rétracté, il précise avoir vu des hommes, appartenant à «un réseau de prostitution, enterrer des corps». Pourquoi n'en dit-il pas plus?

En 1996, après l'une des émissions Perdu de vue consacrée aux disparues, Jean-Pierre Weis reçoit un étrange coup de fil. Jean-Pierre est le frère de Jacqueline, tous deux enfants de la Ddass et placés chez les époux Louis au début des années 70. C'est l'ex-épouse d'Emile qui l'appelle. Elle veut parler de Jacqueline. Et raconte ça à Jean-Pierre: «J'ai vu Emile récemment. Il est venu me voir. Je lui ai demandé s'il y était pour quelque chose dans ces histoires. Il m'a répondu, quasiment en pleurs, qu'il ne pouvait rien dire, parce qu'on le menaçait.» Jean-Pierre Weis n'en saura guère plus. Depuis, Mme Louis est morte. Comme beaucoup d'anciens témoins, directs ou indirects, de cette affaire.
Source : http://www.liberation.fr/evenement/2001/02/10/un-sinistre-pavillon-a-appoigny_354184

Qui protège Emile Louis ?

Elles s'appelaient Christine, Jacqueline, Chantal, Madeleine, Françoise, Bernadette et Martine. Sur les photos d'identité, les visages sont flous, les sourires timides. Que sait-on d'elles? Elles sont un peu simplettes et n'ont pas 20 ans. Le jour, elles apprennent des rudiments de vie à l'institut médico-éducatif(IME) d'Auxerre. Le soir, elles rejoignent leurs familles nourricières. Une vie de misère salie par les ragots. En ville, on les dit frivoles, faciles à convaincre, prêtes à suivre le premier venu. «Des jeunes filles nubiles avec un cerveau d'enfant», résume un éducateur spécialisé. L'une d'elles se fait prescrire la pilule dès 14 ans, l'amant d'une autre lui tond la tête un soir de beuverie. Mais à qui confier leur plongée aux enfers? Elles ont à peine connu leurs parents - mères sans ressources ou prostituées, pères alcooliques ou vagabonds. Et leurs familles d'accueil, souvent, ne valent guère mieux. Par tradition, depuis plus d'un siècle, les «nourrices de l'Yonne» recueillent les enfant abandonnés des régions industrielles. Ici, comme dans la Nièvre voisine, les pensions mensuelles rétribuant la garde des orphelins sont très courues dans les foyers déshérités. Au sein de ces familles, il n'est pas rare que six ou sept enfants de la Ddass s'entassent dans la même chambre. Quand les jeunes filles se volatiliseront, l'une après l'autre, de 1977 à 1979, une seule de ces nourrices s'en inquiétera et publiera un avis de recherche dans la presse locale: «Si quelqu'un retient Madeleine, il est prié de lui laisser écrire une lettre de sa propre main.» Ce n'est rien, mais c'est déjà beaucoup face au mépris des autorités et à la conspiration du silence qui se referme aussitôt sur le sort des sept disparues. Du côté de l'IME, le dossier de chaque pensionnaire est barré de la mention «en fugue», pour toute épitaphe. Et, à la Ddass, personne ne se soucie que la région d'Auxerre tourne au triangle des Bermudes. Aucun signalement n'est effectué à la gendarmerie. Aucune recherche n'est entreprise. Rien que le mépris. Rien qu'une invraisemblable cécité. Dans l'Yonne, c'est sûr, on enterre les affaires encore plus vite que les cadavres.

Il faudra vingt ans et la ténacité exceptionnelle d'un homme pour exhumer ce scandale que les pouvoirs publics et la «nomenklatura» auxerroise voulaient ignorer. Il se nomme Christian Jambert. C'est un gendarme. Du genre obstiné. En 1981, il est chargé de l'enquête sur le meurtre de Sylviane Lesage, 23 ans, dont le corps a été découvert dans un abri à bestiaux de Rouvray, près d'Auxerre. La victime est la maîtresse d'Emile Louis...
Source : http://www.lexpress.fr/actualite/societe/justice/qui-protege-emile-louis_490219.html

L'enquête sur la mort suspecte en août 1997 de l'adjudant de gendarmerie Christian Jambert, le témoin clé de l'affaire des « disparues de l'Yonne » et le premier enquêteur à avoir débusqué le tueur en série Emile Louis, tourne au mauvais scénario.
Plusieurs os du crâne du sous-officier retrouvé mort à son domicile d'Auxerre avec deux balles dans la tête, tirées sous des angles différents, ont disparu.
Ces pertes compromettent ainsi définitivement les expertises successives menées pour tenter d'expliquer cette mort étrange, d'abord considérée comme un suicide. Puis, en avril 2004, une information judiciaire a été ouverte pour « assassinat » après l'exhumation du corps du militaire.
Source : http://www.leparisien.fr/faits-dive...ane-du-gendarme-jambert-22-10-2008-284623.php
 
Haut