L'ex-comptable des Bettencourt accuse Woerth et Sarkozy

L'ancienne comptable de Liliane Bettencourt affirme mardi dans un entretien au site d'information Mediapart que Nicolas Sarkozy a bénéficié de remises d'argent en espèces de la part de l'héritière de L'Oréal
Dans une déposition faite à la police lundi soir, celle qui fut comptable de la milliardaire française de 1995 à 2008 a évoqué notamment un épisode qu'elle situe à mars 2007.

Selon elle, 150.000 euros en espèces ont été retirés par le gestionnaire de fortune Patrice de Maistre, qui disait les destiner à la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy et donc à Eric Woerth, alors trésorier de cette campagne et aujourd'hui ministre du Travail.

Interrogée par Mediapart après son audition par la police, l'ancienne comptable ajoute que le couple Bettencourt avait pour habitude de donner de l'argent en espèces à des personnalités politiques, dont Nicolas Sarkozy, avant son accession à l'Elysée, quand il était maire de Neuilly, entre 1983 et 2002.

Le maire de Neuilly se voyait alors, dit-elle, remettre une enveloppe de billets. Ce dernier épisode a été vigoureusement contesté par l'Elysée. "C'est totalement faux", a déclaré un porte-parole.

Concernant l'autre épisode relatif à la campagne de 2007, le même porte-parole a déclaré: "Cela semble infondé mais il faut voir avec le trésorier de la campagne."

La comptable explique que Patrice de Maistre lui a demandé en mars 2007 de retirer 150.000 euros en espèces pour la campagne de Nicolas Sarkozy, ce qu'elle a refusé puisque son autorisation ne portait que sur 50.000 euros. Elle a donc retiré cette somme et l'a remise à Liliane Bettencourt.

Selon le récit de la comptable à Mediapart, Fabrice de Maistre a fait retirer les 100.000 euros manquants sur les comptes détenus en Suisse par la milliardaire.

"Ensuite, Maistre m'a dit qu'il allait très vite dîner avec Eric Woerth afin de lui remettre, 'discrètement' comme il m'a dit, les 150.000 euros. Et le dîner a bien eu lieu très rapidement", raconte la comptable à Mediapart.

DES ENVELOPPES REMISES À DES ÉLUS ?

Il s'agit du dernier développement d'une affaire commencée mi-juin par la publication d'enregistrements de conversations entre Liliane Bettencourt et son gestionnaire de fortune, réalisés clandestinement par un employé.

Ces conversations ont fait apparaître des soupçons d'évasion fiscale de la troisième fortune de France et 17e fortune mondiale avec 17 milliards d'euros. Elles ont provoqué aussi une tempête politique sur Eric Woerth, trésorier de l'UMP et ancien ministre du Budget.

Ce dernier est en effet soupçonné de complaisance envers la milliardaire. Son épouse travaillait chez le gestionnaire de fortune.

Devant la police, l'ex-comptable, interrogée à la demande du procureur de Nanterre Philippe Courroye, a confirmé des déclarations antérieures, selon lesquelles elle retirait pour le compte de Liliane Bettencourt jusqu'à 50.000 euros en espèces par semaine.

"Je disposais de ce qu'on appelle un 'accréditif' à la BNP. D'abord, à l'agence Saint-James de Neuilly-sur-Seine, puis à celle de l'avenue de la Grande-Armée, dans le XVIe", explique-t-elle à Mediapart.

L'argent était d'abord remis à André Bettencourt, mais lorsque son état de santé s'est dégradé et après son décès en 2007, c'est Fabrice de Maistre qui a reçu les enveloppes, destinées à payer des médecins, des coiffeurs, du petit personnel et des hommes politiques, dit la comptable.

Les visiteurs les plus assidus étaient, selon elle, des responsables du Parti républicain mais elle dit aussi avoir eu connaissance d'un financement en espèces de la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995.

Entre 1983 et 2002, Sarkozy était souvent l'hôte des Bettencourt, toujours selon la comptable.

"Nicolas Sarkozy recevait aussi son enveloppe, ça se passait dans l'un des petits salons situés au rez-de-chaussée, près de la salle à manger. Ca se passait généralement après le repas, tout le monde le savait dans la maison", raconte la comptable.

Les Bettencourt étant sourds, les conversations à haute voix étaient entendues dans la maison, dit-elle.

"Sarkozy était un habitué. Le jour où il venait, lui comme les autres d'ailleurs, on me demandait juste avant le repas d'apporter une enveloppe kraft demi-format, avec laquelle il repartait. Je ne suis pas stupide quand même, inutile de me faire un dessin pour comprendre ce qu'il se passait", raconte la comptable.

Thierry Lévêque, édité par Pierre Sérisier
 
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