L’Islam d’une scandaleuse

petitbijou

Casablanca d'antan
VIB
Mériem, Mahmoud, Nicolas Podolinsky... Isabelle Eberhardt signait ses textes sous de nombreux pseudonymes féminins ou masculins et beaucoup n’ont retenu de ce personnage atypique que cette capacité singulière à brouiller les cartes de son identité, à s’habiller en bédouin et à vivre en homme.

Insoumise à l’ordre bien établi de la fin du 19 è siècle, féministe à sa manière, aventurière en quête d’un « ailleurs » sans exotisme : il fallait que cette jeune Russe fut d’abord tout cela pour oser quitter la Suisse et l’Occident à 19 ans, rejoindre le Sahara algérien et s’y fixer définitivement jusqu’à ce jour d’octobre 1904 où la crue d’un oued l’emporta. Elle n’avait que 27 ans.

Destinée hors du commun qui inspira passions, légendes et fantasmes. Il est vrai que cette grande amoureuse du désert et du Maghreb fut une scandaleuse d’exception : à Genève d’abord, là où elle vécut ses « années occidentales », on la croisait dans les rues habillée en marin ; elle y menait une vie de bohème libertaire, fréquentant les milieux anarchistes et activistes de Genève, militant même en faveur de l’indépendance de la Macédoine ; à Bône, en Algérie où elle se fixa quelques mois avec sa mère et où ces étranges étrangères ne recevaient que des « indigènes » au grand dam des colons bon teint ; à Tunis, -où elle ne fit que passer- et où elle mène alors, entre amis et amants arabes, une vie turbulente peu conforme aux standards d’une jeune fille d’origine aristocrate.

A El Oued Souf, en Algérie, où elle affiche au grand jour ses amours avec un jeune spahi -qui deviendra son mari-, alliance que les militaires français du Bureau arabe ne manqueront pas de juger « contre- nature » et qui lui vaudra une réputation définitive de débauchée. Incontestablement, cette grande vagabonde dérangeait ; et l’image insolite de cette jeune femme revêtue du chèche et du burnous, fréquentant les cafés maures et les mauvais lieux, fumant du kif et chevauchant sur les pistes entre Touggourt et Guemar n’est que la face visible, exotérique, d’un esprit libre et subversif que par commodité, on a préféré croire bohème et libertin.

C’est sans aucun doute à l’apogée de sa courte vie, sur cette terre algérienne qu’elle avait choisie pour « nid, au fond du désert, loin des hommes » que l’insoumise s’employa le plus à écarter les entraves sociales et à dépasser les clivages géographiques et culturels : à travers ses Nouvelles qui paraissaient alors dans des revues françaises ou des quotidiens algérois, elle sut dénoncer l’immense bêtise coloniale et, dans la ligne de Zola qu’elle avait soutenu en 1898, « accusa » de son côté l’inhumanité du traitement des prisonniers, les forces d’occupation qui détournaient les hommes de leur tribu, leur faisant croire que « la liberté (est) sous la veste bleue » et les rendant difficilement réadaptables à leur vie d’origine...Elle accusa « la triste comédie bureaucratique » qui justifiait l’expropriation des fellah pour récupérer les terrains de colonisation, elle accusa les petits et grands chefs et leurs préjugés racistes.

http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=7080
 
Haut