Logement étudiant : le choix de l’alternative solidaire

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la rose et le réséda
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3% d’étudiants parisiens en cité universitaire
"Je ne pourrais pas me permettre de chercher un studio auprès d’un particulier, mes parents n’en ont pas les moyens", assure Charlotte, étudiante de 17 ans originaire de Fontainebleau. David, en master d’informatique, a trouvé un petit job en parallèle de ses études pour se payer son loyer. Mais son salaire, bien trop insuffisant, ne lui laisse pas d’autre choix que le Crous. Problème : il n’y aurait en moyenne que 3 % d’étudiants logés en cité universitaire à Paris et 7 % au niveau national, d’après une étude de l’UNEF (Union nationale des étudiants de France). Les chiffres le confirment. Les Crous de Paris offre 5.800 logements, dans une ville qui accueille 180.000 étudiants. "Trop peu", dénonce William Martinet, président de l’association. Même si tout le monde ne passe pas par le Crous, l’écart entre l’offre et la demande révèle un besoin criant de nouvelles places.

Nous recevons environ 3 demandes pour une offre", confirme Denis Lambert, président de l’association des directeurs de Crous.
Seul remède efficace aux maux : la construction. Denis Lambert l’affirme : "En 10 ans, le Crous a triplé son offre d’habitations". Rien qu’à Paris, 570 nouveaux logements ont été répartis sur 5 résidences flambant neuves. Sur l’ensemble de l’Hexagone, 8.500 logements étudiants ont d’ores et déjà été livrés en 2013, sur les 42.916 promis par la secrétaire d’État à l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, d’ici la fin du quinquennat. Mais le secteur est en crise et les mises en chantiers sont à la traîne.

En attendant que ces milliers de résidences sortent de terre, quelles solutions pour les étudiants issus des classes moyennes ou défavorisées ? La voie du logement solidaire est empruntée par de plus en plus d’étudiants, séduits par le concept. Le jeune profite d’un loyer à bas prix, en échange d’un service rendu auprès d’une personne âgée, d’un enfant ou des habitants du quartier. Bien entendu, l’intérêt économique ne doit surtout pas être la principale motivation. Il faut avant tout avoir envie de s’engager.

Un loyer à 1 euro
Antoine, étudiant nantais de 22 ans, a entendu parler de "Voisins solidaires" par le bouche à oreille. Le principe : payer 1 euro symbolique de loyer mensuel ainsi que les charges (50 à 70 euros par mois), en échange de 5 heures par semaine consacrées aux 16 personnes âgées de son immeuble. Ce concept a été mis en place en 2012 par l’association Nantes Renoue et par le bailleur social Aiguillon Construction. Antoine adhère et opte tout de suite pour la résidence intergénérationnelle "Majalis", au Clos-Toreau à Nantes, sans passer par la case Crous ni le parc privé.

L’expérience lui plaît tellement qu’il l’a renouvelle en cette rentrée pour la troisième année consécutive. "Le but est de rompre la solitude en rendant des services de bon voisinage : prendre un café, discuter, changer une ampoule, porter les packs d’eau… C’est très convivial", explique d’un ton jovial l’étudiant en master de droit public. Il consacre plus ou moins de temps aux personnes, selon leurs besoins. "Il y en a certaines que je vois une fois tous les 15 jours, d’autres 2 à 3 fois par semaine, cela dépend de leur degré de dépendance. Par exemple, je suis un peu le secrétaire d’une vieille dame qui ne sait ni lire ni écrire".

Antoine dispose de son propre appartement, un 2-pièces de 45 m². Une contrepartie essentielle à la préservation de son indépendance.

C’est un peu particulier quand on a une vingtaine d’années de vivre avec des personnes âgées, concède-t-il. Moralement, il faut tout de même être solide et savoir les soutenir : à 80 ans, elles ont un passif."
Loin d’être une contrainte, la vie avec les seniors l’a fait mûrir : "Ça m’a apporté de l’autonomie et de l’organisation. Savoir gérer les cours, les devoirs, les personnes âgées. Ça apprend aussi à relativiser, quand ils nous racontent leur mode de vie quand ils étaient tout gamins. Et puis j’ai développé mon sens de l’écoute. Après tout, je fais face à 16 personnalités, donc 16 goûts différents, 16 histoires…". Une fois par mois, Antoine doit organiser une activité, comme un loto, un atelier gâteaux ou une sortie. Des soirées à thèmes sont régulièrement planifiées. Africaines, portugaises, maghrébines ou bretonnes, elles doivent être le plus cosmopolite possible.
Nantes Renoue propose en tout 35 logements étudiants, dont trois seulement sur le concept de résidence intergénérationnelle. Avec 90 dossiers reçus en septembre, l’association trie sur le volet les candidats. "Je ressens tout de suite quand l’intérêt du jeune est seulement économique", soutient Erwan Kuéméré, responsable et fondateur de Nantes Renoue.

Un dispositif difficile à faire vivre
Il n’est pas le seul. À Strasbourg, le président de l’association 1 Foyer 2 Âges, Michel Glochon, en a bien conscience. Il sait que l’étudiant craquera rapidement si sa seule motivation est un loyer à bas prix. D’où l’important "turn over" de jeunes chez les personnes âgées. La "cohabitation" – et non colocation selon Michel Glochon – a du succès, mais les contraintes estompent vite l’enthousiasme du début. Et pour cause : l’indépendance des jeunes, tout juste sortis du cocon familial, est déjà sacrifiée.

Contrairement à "Voisins Solidaires", ici l’étudiant vit chez la personne âgée et lui donne 100 euros par mois, pour participer aux charges courantes. En échange, il s’engage à être chez elle de 19h30 à 7h30. Il n’a pas de service particulier à rendre, sa mission est simplement d’apporter une présence. De rompre, ne serait-ce que visuellement, la souffrance de l’isolement. Et, s’il le faut, donner l’alerte en cas d’accident de santé. Tous deux forment alors un "binôme". L’association en compte vingt à Strasbourg.

Avec ses 48 000 jeunes en école, BTS ou à l’université, la ville connaît une pénurie de logements étudiants. Depuis la création de 1 Foyer 2 Âges en 2005, Michel Glochon porte un regard lucide, un brin défaitiste sur ce concept. Avec le temps, il a bien compris l’évolution psychologique des étudiants : "Au départ, le jeune fait une démarche qui lui semble attractive. Il est enthousiaste, il a l’habitude du contact avec ses grands-parents. Vivre avec un senior ne lui fait pas peur. Mais très vite, cela devient handicapant pour lui. Le dispositif est apparemment merveilleux, mais il est très difficile à faire vivre. C’est la raison pour laquelle on a du mal à stabiliser les cohabitations".

Pour Sofiane, résidant au Crous de Paris et originaire de Millau, ce désenchantement est parfaitement compréhensible : "ce n’est pas adapté au rythme estudiantin. Parfois, on a besoin de rester tard à la bibliothèque pour réviser, par exemple", avance-t-il. À l’inverse, la solution de la résidence solidaire lui semble idéale. Mais ce type de logement souffre d’une publicité quasi inexistante. "Je n’en ai jamais entendu parler, mais si on me l’avait proposé je n’aurais pas hésité ! Je suis à 200 % favorable à ce genre d’initiatives".

Faire du logement social autrement
Nouvelle pousse dans la gamme de logements sociaux étudiants, la résidence solidaire fleurit un peu partout dans les grandes villes de France. L’AFEV, l’association de la fondation étudiante pour la ville, en est l’un des principaux initiateurs. Depuis 2010, elle met en place des Kolocations à projets solidaires (Kaps) un peu partout en France, spécialement aménagées dans des quartiers populaires. Celle de Paris, vers la porte de la Chapelle (18e arrondissement) est l’une des premières à voir le jour avec celles de Toulouse et Poitiers. L’idée est "d’être en accord avec les besoins du territoire et de répondre à une problématique constatée, celle du lien social dans un quartier enclavé", résume Carole Pingo, chargée de développement local.

Les "Kapseurs", nom donné aux étudiants résidents, ont deux principales missions. D’un côté, accompagner un jeune issu d’un milieu défavorisé 2 heures par semaine et de l’autre, mener un projet avec les habitants du quartier, environ 3 heures par semaine. Les activités sont variées : création d’un jardin partagé, travaux de rénovation chez des personnes isolées ou encore réalisation d’un film autour du lien intergénérationnel. En un mot, l’essentiel est de participer à la vie de son quartier. Le tout pour un loyer modeste, à peu près similaire à celui d’une résidence classique du Crous.

On s’occupe des devoirs de l’enfant, on lui fait découvrir des choses aussi, selon nos propres passions", raconte Nicolas, 24 ans, en master de philosophie.
Mais Carole Pingo est catégorique : "L’étudiant reste un étudiant, ce n’est pas un prof". Mathilde, elle, s’occupe d’un garçon de 6 ans. À cet âge-là, elle l’accompagne plutôt vers la lecture et l’emmène à la bibliothèque pour le "familiariser avec les livres, les mots". Elle ajoute : "Comme il n’est pas parti en vacances, je l’ai emmené à toutes les activités de Paris Plage !".



Anissa Hammadi

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