L’onde de choc des conquêtes de boko haram

La peur dans son corps, la douleur dans ses membres, dit-elle, « refusent de la quitter ». Mais cette jeune femme originaire du sud du pays, chrétienne, réalise peu à peu à quoi elle a réussi à échapper en parvenant à s’évader de Mubi, la ville du nord-est du Nigeria prise par les hommes de Boko Haram mercredi. Jointe au téléphone à son arrivée à Yola, capitale de l’Etat nigérian d’Adamawa, elle raconte la journée passée dans la ville sous contrôle de Boko Haram : « Ils ont commencé à faire du porte à porte dans le quartier (proche de l’université de l’Etat où des centaines d’étudiant ont été pris au piège). Ils criaient, donnaient des ordres. Ils disaient aux hommes et aux femmes de se séparer. Ils voulaient que les chrétiens se convertissent tout de suite (à l’islam). On entendait des coups de feu, des cris. Ils se sont arrêtés à la nuit. » A l’aube, elle a pris la route, « avec juste mon pantalon, ma chemise et mes chaussures aux pieds. » Il a fallu marcher des heures, se cacher, éviter les patrouilles de Boko Haram aux alentour de la ville où ils se sont matérialisés en force.


Au terme d’une marche forcée, elle a réussi à atteindre un village et à y louer à prix d’or les services d’un moto-taxi, qui l’a emmenée jusqu’à Gombi, à cinquante kilomètres de Mubi. C’est là que l’essentiel des militaires en fuite se trouvent à présent, dans une « désorganisation stupéfiante » selon une source sur place. Le premier réflexe des soldats a été d’y renforcer… les nombreux check points qui paralysent un peu plus la circulation des personnes déplacées. Et où le racket prospère. Une bonne source analyse : « Si Boko Haram attaque Gombi, ils prendront cette ville sans la moindre difficulté. »

Mais les hommes de Boko Haram ont-ils intérêt à poursuivre au delà de Mubi, après cette prise de premier ordre. Jamais encore ils n’ont conquis par les armes une agglomération de cette taille au Nigeria. Dans un pays où tout est grand (plus de 170 millions d’habitants, première économie du continent, premier producteur de brut), Mubi n’échappe pas à la règle et n’a rien d’une petite bourgade.On y vient de tous les pays voisins pour un gigantesque marché aux bestiaux qui se tient le mercredi (jour de la prise de la ville) au cœur d’une immense région d’élevage. De plus, la contrebande d’essence et de produit divers avec le Cameroun voisin (« moins de 19 kilomètres » par les chemins de traverse que ne bornent aucune clôture, nous assurait sur place un contrebandier mardi) rend l’économie un peu plus florissante.

http://www.lemonde.fr/afrique/artic...des-conquetes-de-boko-haram_4516496_3212.html
 
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